Si des manifestants soutiennent la cause de la construction d’un stade, en défilant sous les fenêtres des élus, il n’en est pas de même concernant la modernisation d’un hôpital ou la restauration d’un édifice public.
Chez nous le sport est roi. Chaque village encore un peu peuplé compte au moins un club de football. Dans les agglomérations et les bassins de vie les plus importants, les associations et les clubs sportifs sont légion. Les stades, les COSEC et les piscines ne désemplissent pas. Sur les routes, on ne compte plus les amateurs de footing et les cyclistes. Les clubs de remise en forme font fortune. Tout cela n’a rien de critiquable. Bien au contraire. Le sport est le plus souvent facteur d’épanouissement des individus, de santé et de bien être. Il peut aussi constituer une formidable école du respect de l’autre, de la solidarité, de l’engagement personnel et de l’esprit d’équipe. Il représente également un facteur d’intégration sociétale des individus et de cohésion sociale. Faut-il pour autant toujours l’encenser ? Certes non ! Il est dans le monde sportif et son environnement des comportements plus que contestables. Des mots indignes sont proférés et des violences graves sont perpétrées par des pratiquants et des supporters. Certains clubs sont des faux-nez permettant de dispenser des leçons payantes. Faute de production de rapports d’activité précis et de bilans comptables, il est quelquefois difficile de vérifier l’affectation de subventions à des fins réellement sportives.
Matière à être en colère
Toutefois, ces paroles, ces actes et ces dérives ne sont le fait que d’une minorité. De plus, toute communauté ayant les siens, pourquoi les sportifs ne compteraient-ils pas des moutons noirs dans leurs rangs. Ce qui me gêne bien davantage, c’est le manque de mesure dont font preuve les clubs et associations sportifs dans la formulation de leurs demandes d’équipements et de subventions. Leur pratique du « toujours plus » donne de l’urticaire à mon moi de contribuable et de citoyenne. Je suis scandalisée que l’on édifie, à Furiani, un stade qui pourra accueillir 17 000 spectateurs alors qu’une affluence de cette ampleur relèvera probablement de l’événement décennal. Je suis outrée que pour sauver de la faillite un club professionnel et ses nantis poussant du pied un ballon, on dépense l’argent public à raison de centaines de milliers d’euros. Je suis révoltée que certains clubs ou associations qui prospèrent en commercialisant des leçons d’initiation dans des locaux publics mis à leur disposition à titre gracieux, aient l’outrecuidance de se plaindre de l’insuffisance de la subvention qui leur est allouée.
Le bon peuple n’est pas tout blanc
Je suis d’autant plus courroucée que dans d’autres domaines dépendant de l’argent public, les besoins restent criants et insatisfaits. Ainsi, l’hôpital de Bastia accuse un déficit de 5 millions d’euros qui ne pourra être comblé. Or, pour réaliser la dernière tranche du stade de Furiani, il sera dépensé plus du triple de cette somme ! Est-ce de la faute des élus ou de l’Etat qui ne savent pas dire non aux exigences du pouvoir sportif ? Il est permis de penser qu’ils devraient mieux orienter la dépense publique. Mais il est également loisible d’estimer que le bon peuple, dont vous et moi sommes d’estimables composantes, n’est pas tout blanc. En effet, jusqu’à ce jour, si des manifestants ont soutenu la cause d’un club sportif ou de la construction d’un stade, en défilant sous les fenêtres des élus, il n’en est pas de même concernant la modernisation d’un hôpital ou la restauration d’un édifice public. Manifestement, chez nous, la cause du malade fait moins recette que celle du footeux !
Alexandra Sereni