Un rituel ne reposant ni sur une nécessité manifeste, ni sur un minimum de fondement historique ou idéologique, peut difficilement être imposé ou être pris au sérieux.
Jean-François Copé et l’UMP proposent que les jeunes Français arrivés à l’âge de la majorité prêtent un « serment d’allégeance aux armes ». Cette proposition procède d’une volonté de caporalisation de la jeunesse ; ceci étant caractéristique de régimes à vocation autoritaire ou, plus certainement en l’espèce, de classes de nantis soucieux de conserver leurs privilèges, incapable de répondre aux besoins de la société et craignant les colères des « classes dangereuses » En effet, aucun autre argument ne peut justifier cette proposition d’allégeance. A l’heure où l’ennemi n’est plus aux marches du pays, où la moindre opération militaire nécessite le recours à de hautes technologies et où l’on a supprimé la conscription, invoquer la Nation en armes prête à sourire. Par ailleurs, un rituel ne reposant ni sur une nécessité manifeste, ni sur un minimum de fondement historique ou idéologique, peut difficilement être imposé ou être pris au sérieux. A moins que l’on envisage de rétablir les peines de prison que l’on infligeait hier aux objecteurs de conscience et aux insoumis, et que l’on ait recours à un « bourrage de crâne » destiné à désigner de nouveaux ennemis héréditaires. Après la ligne bleue des Vosges, la ligne ocre des dunes libyennes ou des déserts iraniens ?
La tentation d’embrigader
En revanche, à défaut de pouvoir discerner des arguments convenables, on perçoit très bien de sinistres motivations. Devenus incapables de créer des conditions permettant à la jeunesse de s’éduquer, de se cultiver et de se construire socialement, Copé et ses amis ont la tentation de l’embrigader et aussi de désigner des boucs émissaires afin de la contrôler et d’éventuellement détourner ses colères. Ayant fortement contribué depuis des années à noyer les valeurs républicaines, collectives et religieuses dans un salmigondis de concessions à l’argent, à l’individualisme et à un épicurisme de bazar, de sex-shop et de jeux vidéo, Copé et ses amis en sont réduit à préconiser un ordre social régi par la contrainte et adoptant pour rituel d’adhésion à la communauté nationale l’inféodation à la plus primaire et la plus meurtrière des inventions de l’être humain : l’arme. Enfin, on imagine très bien quels intérêts Copé et ses amis entendent protéger. « On croit mourir pour la patrie et on meurt pour les industriels » écrivait Anatole France. Cette phrase reste d’une mortelle actualité. La prise en compte de sordides intérêts financiers et industriels et non la défense de la Nation ou des droits de l’homme, sont à l’origine des interventions militaires en Afghanistan, en Côte d’Ivoire et en Libye. Les militaires français tués ces dernières années l’ont été pour Bolloré, Total et l’industrie de l’armement et non pour Marianne ou le droit des peuples à la démocratie.
Un air de pétainisme ?
En définitive, on ne peut s’empêcher de craindre que M. Copé et ses amis soient en passe de rejoindre le camp de la droite US : une droite ultra libérale, guerrière, liberticide à l’encontre des faibles. A moins qu’il ne s’agisse d’une velléité d’emprunter aux rituels et références de l’Etat Français. Durant ce sinistre épisode, il avait été instauré un serment de fidélité au Maréchal Pétain. Cette velléité a d’ailleurs été décelée et dénoncée par une personnalité pourtant très proche de Copé et ses amis. Ami personnel de Nicolas Sarkozy, Arno Klarsfeld a considéré que la proposition d’un « serment d’allégeance aux armes » était mauvaise et dangereuse. Et d’expliquer : « Le dernier serment d’allégeance qui a été fait en France, l’a été au maréchal Pétain (…) On n’est pas au Moyen Age. On n’est pas en guerre (…) Il vaut mieux faire en sorte que les gens aiment la France plutôt que de leur imposer un serment ».
Alexandra Sereni