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Ajaccio La précarité auscultée

jeudi 9 juin 2011, par Journal de la Corse

La ville d’Ajaccio et l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) de Corse ont mené une étude sur la précarité dans les quartiers. Un outil qui complète l’Atlas social de la Corse paru à l’automne dernier et permet à la municipalité d’ajuster sa politique de la ville à destination des Zones urbaines sensibles (Zus) et des Nouveaux quartiers prioritaires (Nqp).

La méthode d’analyse est aussi inédite que précise. D’abord parce que le phénomène de la précarité a été examiné selon un niveau infracommunal. Ensuite parce que les agents de l’Insee ont écarté le découpage administratif des quartiers et ont calé des carreaux d’observations d’une superficie de hectare sur la totalité de la commune. Les indicateurs tels que les revenus des ménages, l’emploi, les bénéficiaires des prestations sociales, les chômeurs, les retraites et les conditions de vie ont été examinés les uns par rapport aux autres. Puis les zonages qui cumulaient le plus grand nombre de facteurs de précarité urbaine ont été mis en relief.

Fracture est/ouest

La première constatation qui s’impose à la lecture de cette analyse est « un clivage très net entre le sud-ouest de la commune, plus aisé, et le nord-est, plus pauvre et plus salarié ». De cette inégalité résulte « d’autres formes de disparités, en particulier celle liée au logement » : d’un côté des propriétés résidentielles et de l’autre des logements locatifs et sociaux. Les bas salaires, c’est-à-dire 600 €, représentent 10% en moyenne dans chaque carreau. Mais cette proportion augmente significativement dans les quartiers de Bodiccione, du Finosello, des Cannes, des Salines, du Loretto, de Saint-Jean et du Vazzio. Mais si « la distribution salariale est la plus à même de renseigner sur le phénomène de précarité », les revenus complémentaires non salariaux comme les aides sociales et les retraites représentent des indicateurs fiables sur la situation monétaire des foyers. A Ajaccio, 13% de la population ont des revenus dépendant d’au moins 75% des prestations de la Caisse d’allocations familiales (Caf). Dans des périmètres restreints, par exemple à Candia, au Finosello et à Bodiccione, cette proportion varie entre 18% et 25%. Parallèlement, un pourtour s’étirant de la citadelle jusqu’à Bodiccione en longeant le bord de mer compte 15% de retraités percevant moins de 400 € mensuels. « Les ouvriers non qualifiés et les employés de commerce représentent près de 20% des emplois salariés, dans la commune comme à l’échelon régional, indique l’analyse de l’Insee. (…) Quant aux employés de commerce, ils occupent souvent des postes à temps partiel et/ou des contrats à durée limitée, ces types d’emploi étant accentués par la saisonnalité du secteur ». Et c’est dans le même périmètre, dans les quartiers est de la ville, que le nombre d’ouvriers non qualifiés et d’employés de commerce oscille entre 25% et 30%. Dans ces zones, les chômeurs de catégorie A, qui représentent environ 7% des actifs ajacciens, sont entre 9% et 17%.

Les populations les plus exposées

D’après l’étude de l’Insee, ce sont les ménages étrangers, les retraités et les familles monoparentales qui sont les plus exposés aux phénomènes de précarité. « Les ménages étrangers, qu’ils soient ou non originaires de l’Union Européenne, sont souvent davantage exposés aux risques de pauvreté et de précarité », souligne l’étude. Un accès limité au marché du travail et des emplois à faible valeur ajoutée notamment expliquent ces difficultés. Les travailleurs étrangers sont présents dans le secteur de la place Abbatucci, les Jardins de l’Empereur, la Villetta et une partie des Cannes où ils représentent 20% des habitants, contre une moyenne communale estimée à 15%. A Bodiccione et à la Confina, ils constituent entre 27% et 56% de la population. Un quart des Ajacciens est âgé de plus de 60 ans tandis que 18% des retraités sont confrontés à l’isolement et diverses formes de dépendance. Ils habitent principalement dans une vaste zone côtière comprenant le Casone, la citadelle et la Villetta. Le nombre des familles monoparentales a subi une augmentation de plus de 70% en 20 ans et connaît chaque année une légère croissance. « La monoparentalité concerne plus de 20% des ménages ajacciens et 40% des ménages couverts par la Caf qui ont au moins un enfant, soit une fois et demi la moyenne nationale », observe l’Insee. Au Vazzio, 30% des foyers sont monoparentaux et on les retrouve à une proportion atteignant les 25% dans les secteurs accueillant des logements sociaux. Fervents défenseurs de la mixité sociale, le maire, Simon Renucci et son premier adjoint, Paul-Antoine Luciani, ont insisté sur la nécessité de ne pas créer des zones urbaines occupées exclusivement de logements sociaux. « La totalité des promotions urbaines sont désormais accessibles aux logements sociaux », a expliqué Paul-Antoine Luciani, prenant l’exemple de l’ancien terrain EDF situé à Trottel dont le projet d’urbanisation présentera « un équilibre de l’habitat avec 30% de HLM » Simon Renucci a considéré cette analyse détaillée comme un outil majeur pour évaluer les besoins sociaux et y répondre par le biais des actions sociales. « Il s’agit maintenant d’affronter la réalité, d’essayer d’apporter plus avec les politiques publiques et de proposer une meilleure densification des nouveaux quartiers », a-t-il commenté.

M.K

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