Alain Finkielkraut et Jean-François Kahn ont laissé leur sentiment d’appartenance à une élite les ravaler à l’état de beaufs pour qui une femme n’est qu’un objet de consommation et de plaisir qui « le cherche bien ».
Il y a deux ans, Roman Polanski a été arrêté dès sa descente d’avion à Zurich. La police suisse a ainsi exécuté un mandat d’arrêt international que la justice californienne avait émis suite à une procédure ouverte en 1977 à l’encontre du cinéaste. Ce dernier était poursuivi pour une affaire de crime sexuel sur mineure de 13 ans. L’adolescente l’avait accusé de l’avoir violée lors d’une séance photos commandée par un magazine de mode. Après un accord passé avec les autorités judiciaires, Roman Polanski avait plaidé coupable pour rapports sexuels illégaux avec mineure, en échange de l’abandon des charges de viol, de sodomie, de fourniture d’alcool et de drogue à mineure. Mais, avant l’audience devant fixer la peine et alors qu’il était libre sous caution, il avait fui vers la Grande-Bretagne avant de se réfugier en France dont il était citoyen. Roman Polanski n’est jamais revenu aux USA. Sa fuite lui a assuré l’impunité. Quelques années plus tard, la victime a renoncé aux poursuites, probablement en échange d’un dédommagement financier. En France, l’arrestation de Roman Polanski a provoqué une mobilisation de soutien à sa personne. Une centaine de représentants du monde politique et artistique ont demandé sa libération. Après des mois de procédure, il n’a pas été extradé et les mesures de restriction à sa liberté ont été levées.
Le philosophe et le journaliste
Cette affaire et celle concernant aujourd’hui Dominique Strauss-Kahn présentent des similarités. Ils ont été accusés de viol par des personnes en situation de faiblesse sociale et psychologique. Ils ont admis avoir eu des rapports sexuels. Ils ont bénéficié du soutien de leurs amis et de leurs cercles relationnels. De bonnes âmes ont soutenu que les actes qui leur étaient reprochés relevaient quasiment de la normalité. Le philosophe Alain Finkielkraut a affirmé : « Polanski n’est pas pédophile. Sa victime, la plaignante, qui a retiré sa plainte, qui n’a jamais voulu de procès public, qui a obtenu réparation, n’était pas une fillette, une petite fille, une enfant, au moment des faits (…) C’était une adolescente qui posait dénudée (…) Vogue homme n’est pas un journal pédophile. C’est quand même une chose à prendre en considération. » Commentant l’affaire DSK, le journaliste Jean-François Kahn a évoqué avec un rire gourmand « un troussage de domestique ». Même si l’on peut admettre que l’affaire Polanski ayant fait l’objet d’un « règlement amiable » peut à ce titre être classée, même si l’on estime que la chambrière du SOFITEL s’adonnait à la prostitution occasionnelle, je reste ébahie et choquée par les réactions partiales de certains amis de MM. Polanski et Strauss-Kahn, en particulier par celles de MM. Alain Finkielkraut et Jean-François Kahn. Toutes étaient empreintes d’une solidarité de classe qui les rendait insupportables. Le philosophe et le journaliste y ont ajouté un mépris de la femme relevant de l’immonde. Réputés être des défenseurs des libertés individuelles et collectives et de la dignité humaine, ils ont laissé leur sentiment d’appartenance à une élite les ravaler à l’état de beaufs pour qui une femme n’est qu’un objet de consommation et de plaisir qui « le cherche bien ».
Alexandra Sereni