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Affaire Joseph Vincensini

jeudi 31 mars 2011, par Journal de la Corse

Une vérité absente

Le meurtre de Joseph Vincensini, restaurateur cortenais, était jugé en appel devant la cour d’assises de Corse-du-Sud. A l’issue de dix jours d’audience, deux des trois protagonistes qui avaient fait appel ont vu leur peine de prison s’alléger.

En première instance, Xavier Luciani a été condamné à 30 ans de réclusion criminelle et Dominique Pasqualaggi à 25 ans. Nathalie Battesti reconnue pour son rôle d’appât a écopé de dix ans de prison tandis que Sébastien Giudicelli a été condamné à quinze ans de prison pour sa participation de la préparation de l’assassinat à la disparition de la tête. Joseph Sabiani a quant à lui bénéficié de trois ans de prison avec sursis pour avoir assisté aux réunions préparatoires. Cette affaire sordide s’est déroulée à Corte, sur fond de dettes de jeux, de rivalité amoureuse, de rumeur. Dans le box, ils sont trois à avoir interjeté appel : Xavier Luciani qui réfute son rôle prépondérant et la décapitation, Dominique Pasqualaggi qui nie avoir participé à ce meurtre et Nathalie Battesti qui affirme avoir été manipulée par son amant et aveuglée par l’amour.

Versions contraires

« Ne pas avouer la vérité, c’est tuer une troisième fois la victime », dénonce l’avocat général, Catherine Alexandre. Après dix jours de procès, la famille de Joseph Vincensini ne sait pas qui a porté les coups fatals et surtout qui a commis la décapitation. Joseph Vincensini, restaurateur âgé de 53 ans, a été tué dans la nuit du 23 janvier 2005 à son domicile. Son corps sans tête sera retrouvé deux mois plus tard dans un véhicule appartenant à Xavier Luciani stationné sur un terrain à Santa-Lucia-di-Mercurio. Le corps ne sera reconstitué que deux ans et demi plus tard quand, sur les indications de Sébastien Giudicelli, les enquêteurs iront récupérer la tête dans un puits situé le long de la ligne de chemin de fer près de Corte. Pendant les trois ans qu’aura duré l’instruction, les versions contradictoires se sont succédé et contredites. « La cour d’assises aurait pu être le temple de la vérité, elle n’a été que le cimetière de la sincérité », regrette Me Jean-François Casalta, avocat de la famille de la victime. « J’ai la rage parce que nous n’avons pas eu la vérité », avoue Me Garbarini, qui assurait la défense de Dominique Pasqualaggi. Cet archéologue de 38 ans qui est considéré comme le chef de la cellule du FLNC du 22 octobre, est paralysé après s’être défenestré lors d’une garde à vue en 2006. Xavier Luciani l’accuse d’avoir eu un rôle actif dans le meurtre du restaurateur jusqu’à lui trancher la tête ; Sébastien Giudicelli prétend que c’est lui qui a fait disparaître le crâne dans un puits et Nathalie Battesti affirme qu’il l’a menacée. Le nationaliste lui rejette ces accusations. Xavier Luciani, lui, répète à l’envi qu’il voulait juste « mettre une rouste » à Joseph Vincensini. A la dette de jeux de 15.000 euros s’ajoutait un sentiment d’humiliation perpétuelle. « Il veut le marquer car on n’a pas le droit d’abaisser un homme à ce niveau de caniveau, tonne Me Jean-Louis Seatelli, son avocat. On n’a pas le droit de l’aider à l’enfoncer, de l’humilier devant ses enfants, de le cocufier avec celle avec qui on vit ».

Deux peines sur trois allégées

La thèse de la maîtresse bafouée n’a convaincu ni l’avocat général ni les jurés, qui ont toutefois abaissé sa peine de trois ans. « J’ai un grand regret de la mort de Monsieur Vincensini, un dégoût qu’on se soit servi de moi pour ce qu’il y a eu », a-t-elle soufflé la femme brune et pâle quelques minutes avant que la cour ne se retire pour délibérer. Son avocat, Me Stéphane Marfisi, qui plaidait pour la première fois devant une cour d’assises, a rappelé la vie chaotique de l’accusée, son « état de soumission psychologique et affectif, d’idéalisation de ce couple avec Luciani ». Si Me Leandri a insisté sur l’avenir d’archéologue prometteur auquel se destinait Dominique Pasqualaggi, Me Dominique Ferrari a choisi de s’engager sur le terrain politique. Son troisième conseil, Me Pascal Garbarini a, quant à lui, insisté sur les nombreuses zones d’ombre qui entourent cette affaire. Et concède que peut-être son client a endossé ce soir-là le rôle de guetteur. Ce « bal des maudits, ce bal des menteurs » n’a qu’un seul fil conducteur : « la haine », « mais ne mélangeons pas le prétendu révolutionnaire avec un crime crapuleux », tempête Me Garbarini, qui demande aux jurés de condamner son client uniquement pour ce qu’il a fait. Sa peine a été allégée de sept années. Xavier Luciani n’est pas parvenu à faire fléchir la cour. Tête baissée, le joueur invétéré est apparu comme celui qui n’assume pas ce qu’il a fait malgré ses maladroites excuses adressées à la famille à l’issue du procès. Me Seatelli refuse de croire que son client « a quitté les rivages de l’humanité » et qu’il ne s’agissait que d’une vengeance qui a dégénéré vers « le pacte de sang de cet acte noir » écrit par Dominique Pasqualaggi. Les deux hommes seront à nouveau réunis dans le même box cet été. La cour d’assises spéciale de Paris les jugera pour une série d’attentats commis dans la région cortenaise au nom du FLNC du 22 octobre.

M.K

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