Les avocats de Guy Orsoni mais aussi ceux de Jérémy Capita ont exposé, lors d’une conférence de presse, les nouveaux éléments qui leur permettent de réduire à néant la seule base de l’accusation concernant leurs clients à propos du double meurtre de Baleone commis en 2009. C’est désormais toute l’accusation qui vacille et menace de s’effondrer.
Trois mises en examen
Recherché depuis juin 2009, Guy Orsoni, 26 ans, fils d’Alain Orsoni, était interpellé le 11 mars à Madrid par la Brigade Nationale de Recherche des Fugitifs (BNRF) épaulée par des policiers espagnols. Il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt européen émis à Montpellier dans le cadre d’une affaire de blanchiment d’argent en lien avec un trafic de stupéfiants. D’abord relaxé dans cette affaire en mars 2010, il avait été condamné en appel en janvier 2011 parce qu’il était en cavale. Le juge Choquet de la JIRS de Marseille, celui-là même qui avait en charge le dossier de son père Alain, l’accusait d’être impliqué dans 4 assassinats intervenus en Corse en 2009 : Thierry Castola (3 janvier 2009), Sabri Brahimi (29 janvier 2009), Nicolas Salini et Jean-Noël Dettori (11 avril 2009). Tous les autres mis en examen avaient entre-temps été libérés dans les deux premières affaires, toutes les preuves de l’accusation s’avérant être inexistantes. Restait en prison Jérémy Capita victime d’un terrible petit jeu judiciaire consistant à le mettre en examen, sans plus de preuves, dans chaque affaire successivement de manière à le garder en prison. À ce jour, il reste derrière les barreaux pour la seule affaire de Baleone. Guy Orsoni, du fait de sa cavale, l’est pour les trois affaires avec l’assurance d’être lui aussi débarrassé des charges à un rythme homéopathique.
Un bien curieux témoignage sous X
Il a fallu 15 mois pour qu’un témoin anonyme (presqu’un miracle !) se rende devant la police affirmant avoir été présent lors du double assassinat de Baleone. Il donne des détails très précis avec une rare assurance. Il affirme être certain de ce qu’il a vu. Il donne plusieurs noms et désigne une personne comme étant le tireur principal. Ce témoignage est recueilli sous X c’est-à-dire de manière anonyme. On se souviendra qu’Alain Orsoni, le père de Guy, avait déjà été mis en examen, lui aussi après un témoignage anonyme jamais officiellement fourni à ses défenseurs. Seul le procureur a connaissance de la véritable identité du témoin. Or ce témoin de la dernière heure a donné pour être le principal assassin une personne qui pourra fournir un alibi incontestable. Trois mois plus tard, le témoin sous X, un acharné du témoignage, revient devant la police et, toujours avec le même ton de certitude, dit s’être trompé mais affirme avoir reconnu Jérémy Capita masqué par une cagoule. Bien que ne l’ayant jamais rencontré il aurait reconnu son regard aigu et ses sourcils qui formaient un amas entre les yeux. Décidément doté d’un regard de lynx, le témoin aurait noté tous ces détails bien que se trouvant sur le rond-point de Baleone à 40 mètres du lieu du crime. Pour m’y être rendu personnellement, je puis assurer qu’un tel exploit est impossible ce qui explique peut être le refus de la justice de procéder à une reconstitution in situ. On ne peut en effet apercevoir des yeux à cette distance encore moins lorsque le regard perce sous la cagoule. Et moins encore quand le tireur est un parfait inconnu. Cette reconnaissance a eu lieu lors d’un tapissage sur photo après qu’on ait présenté au témoin des portraits trafiquées sous Photoshop les visages ayant été artificiellement et partiellement masqués d’un passe-montagne et non d’une cagoule qui elle ne permet pas de distinguer les sourcils. Mais le plus extraordinaire est le regard de Capita est, sur la photo, on ne peut plus normal et ses sourcils ne forment pas un « amas » entre les yeux. Le même témoin affirme sur sa lancée qu’il a reconnu Guy Orsoni, lequel se serait livré au massacre le visage découvert, exercice improbable pour celui qui trucide son prochain en plein jour. La photo de Guy Orsoni produite par la justice à fins de reconnaissance est de mauvaise qualité et semble avoir été retouchée de manière à présenter des sourcils qui pourraient se rejoindre laissant entendre que le témoin sous X aurait ainsi pu varier son témoignage si Capita était mis hors de cause
Un faux manifeste
Guy Orsoni et ses avocats ont par ailleurs fait valoir devant le juge d’instruction un bien étrange détail qui accable le témoin sous X. Celui-ci affirme que les tirs sont venus de la droite vers la gauche du véhicule. Or les experts en balistique et le médecin légiste ont établi exactement le contraire. Il est donc établi que le témoin s’est au moins trompé à moins qu’il n’ait menti sciemment. Son témoignage laisserait apparaître que le témoin sous X avait connaissance d’autres témoignages et qu’il les a utilisés de manière vicieuse bien qu’extrêmement maladroite. Aujourd’hui il est tenu pour certain que ces « preuves » ne tiendront pas et ne saurait mener à un procès. Et pourtant Guy Orsoni et Jérémy Capita sont maintenus en prison. La JIRS semble donc s’acharner à instruire à charge et uniquement charge. Les avocats des deux prisonniers demandent leur mise en liberté mais aussi l’abandon de toutes les charges. Ils vont porter plainte pour faux témoignage contre le témoin sous X se réservant de révéler au grand public d’autres détails si la justice ne fait pas son travail. Car, au fil des semaines, il apparaît que cette affaire qui a vraisemblablement débuté sur une véritable conviction des juges tourne à l’erreur judiciaire façon Outreau. Et les dégâts humains sont d’ores et déjà immenses : Capita a vu sa vie privée dévastée, Alain Orsoni n’a plus de nouvelles de sa fille depuis son incarcération. Sans parler du coût financier porté par les familles. Il est temps grand temps que la justice ait le courage de reconnaître avoir fait fausse route et fasse honneur à sa véritable mission : tout bêtement rendre la justice.
GXC