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Action de l’Etat

jeudi 16 août 2012, par Journal de la Corse

POURRAIT FAIRE BEAUCOUP MIEUX !

Les collectivités locales, les intercommunalités et les citoyens ont quelques bonnes raisons de se plaindre de l’action de l’Etat ou de ne pas y voir un modèle de gestion performante.

Alors que se développe le débat sur une éventuelle évolution institutionnelle qui pourrait déboucher sur davantage de compétences et de pouvoirs dévolus à la Collectivité territoriale, ou même sur l’instauration d’un statut d’autonomie, les questions portant sur la présence et le rôle de l’Etat acquièrent une particulière acuité. A ce jour, ce dernier continue d’affirmer son interventionnisme et la légitimité de son autorité. Ce positionnement est d’ailleurs assis sur quelques solides considérations. L’Etat étant le garant d’une harmonie territoriale au plan national, il lui incombe d’être le décideur de grands travaux visant à équiper structurellement et mettre en relation les territoires, quitte à les laisser financer, réaliser et exploiter par de grands groupes privés. L’Etat ayant le devoir de maintenir une solidarité entre les territoires et de contribuer fortement à la cohésion sociale, il convient qu’il soutienne et finance, prioritairement et selon une pratique de discrimination positive, les collectivités locales et les intercommunalités les moins riches ou accusant des retards de développement. Enfin, l’Etat ayant en charge la sécurité des personnes et des biens, il lui appartient d’exercer pleinement ses pouvoirs régaliens en matière de défense, de justice et de police, et de se donner les moyens d’agir efficacement dans ces domaines de compétences. Mais l’Etat est de plus en plus souvent défaillant. D’abord, il est fréquemment le champ clos de querelles et de rivalités qui nuisent à son action. Des pans entiers de l’administration ignorent l’autorité préfectorale pourtant censée représenter et mettre en musique son action aux plans départemental et régional. De grandes directions nationales agissent de même dans leurs rapports avec leur ministère de tutelle. « Les ministres passent, l’administration reste » aiment à dire les hauts fonctionnaires. Ensuite, les services déconcentrés de l’Etat doivent composer avec l’influence, les prérogatives et l’expertise de structures d’intérêt public spécialisées dans divers domaines : agences de l’eau (environnement), santé (agences régionales de l’hospitalisation). Enfin, l’Etat reste marqué par des revirements politiques et des lourdeurs d’exécution qui aboutissent à des promesses non tenues, des réalisations retardées et des surcoûts de fonctionnement et d’investissement.

Mesquinerie et défausse

Les collectivités locales, les intercommunalités et les citoyens ont donc quelques bonnes raisons de se plaindre de l’action de l’Etat ou de ne pas y voir un modèle de gestion performante. D’autant que les défaillances récurrentes de ce dernier sont accentuées par trois tendances lourdes. La première consiste en une situation financière de plus en plus délicate. En effet, des politiques d’inspiration libérale réduisent le potentiel de recettes de l’Etat et limitent sa marge de manœuvre financière. On notera que revenue aux responsabilités depuis trois mois, la gauche ne semble pas pouvoir ou vouloir vraiment changer les choses. La volonté affichée de réduire les déficits publics, celle plus discrète de ménager les grands possédants et l’incapacité de réduire vraiment les effectifs et le train de vie des hautes sphères de son appareil politique et administratif, feront que les capacités d’action de l’Etat devraient encore décroître, hormis dans quelques secteurs déclarés prioritaires (éducation, justice...) La deuxième tendance lourde est que les transferts en faveur des collectivités territoriales sont appelés à stagner. Le pacte de confiance et de solidarité entre l’Etat et les collectivités locales qu’a promis François Hollande durant la campagne présidentielle, ne fera au mieux que garantir le niveau des dotations à leur niveau actuel. La troisième tendance lourde réside dans le fait que nombre de hauts fonctionnaires d’Etat vivent de plus en plus mal la décentralisation. Se sentant dépossédés d’une partie du pouvoir d’administrer, ils ressentent une perte de prestige ainsi qu’une négation de leur expertise, de leur modernité et de leur volonté de servir. Ce qui se traduit par des comportements mesquins ou de défausse. Ils se font plus tatillons dans leurs missions de contrôle sans pour autant garantir une meilleure administration ou une bonne utilisation des deniers publics, Quant aux projets « sensibles » risquant de déboucher sur des difficultés, des oppositions et des conflits, ils les soumettent de plus en plus fréquemment à des interprétations restrictives des textes applicables, ou à des procédures ajournant les décisions.

Débats aussi interminables que stériles

Tout cela nuit gravement à l’efficacité de l’action publique. Et ce, plus particulièrement dans des régions comme la nôtres. Déjà accablées par des retards structurels de développement et les effets destructeurs de la crise économique et sociale, la Corse et quelques autres, n’ont vraiment pas besoin de devoir endurer les positionnements incertains de l’Etat, ses comportements timorés ou carrément couards, ses déficits budgétaires ou les problèmes existentiels des hauts fonctionnaires. Par ailleurs, les débats aussi interminables que stériles portant sur le « plus ou moins d’Etat » ne leur apportent rien. Ce dont la Corse et d’autres régions ont besoin, c’est de débat et solutions ayant pour objectif l’émergence d’un Etat performant qui aura pour ambition et capacité de faire toujours mieux, en tant qu’aménageur du territoire et acteur de la solidarité.

Pierre Corsi

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