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A deux doigts de l’obscurantisme

jeudi 22 novembre 2012, par Journal de la Corse

Le gouvernement n’a pas retenu, parmi les mesures pour relancer la compétitivité, la reprise des recherches sur l’extraction du gaz de schiste. J’en reste stupéfaite.

Le gaz de schiste a pour origine la décomposition d’argile riche en matières organiques. A la différence du gaz naturel qui est accumulé dans des poches, il est piégé dans les roches poreuses où il s’est formé. Son extraction demande de recourir à la fracturation hydraulique de ces roches (injection d’eau à haute pression) et à des additifs chimiques. Le gaz de schiste joue un rôle croissant dans une moindre dépendance énergétique des USA depuis le début des années 2000. Il augmente considérablement le stock mondial de ressources énergétiques directement exploitables. Enfin, l’augmentation de sa production aux USA et au Canada contribue à dissuader la Russie, le Qatar et l’Iran de dicter des prix démesurés du gaz naturel, ou de menacer de réduire ou stopper les livraisons. En France, les risques sismiques et les problèmes environnementaux (pollution de l’air et de l’eau) imputés à la technique d’extraction, conduisent les écologistes et la plupart des populations à refuser l’exploitation du gaz de schiste. Ces opposants avancent aussi d’autres arguments. Ils soutiennent que la rentabilité de l’exploitation aux USA doit beaucoup à une forte déréglementation et à des crédits d’impôts. Ils soulignent que malgré la hausse des prix du gaz naturel et les progrès technologiques enregistrés dans le domaine de l’extraction, les coûts réels de production restent prohibitifs. Enfin, ils craignent que l’exploitation du gaz de schiste retarde le recours aux économies d’énergie et aux énergies renouvelables. Le gouvernement semble avoir fait siens les arguments des opposants. Il n’a pas retenu, parmi les mesures pour relancer la compétitivité, la reprise des recherches sur l’extraction du gaz de schiste.

Merci Rocard !

Que le gouvernement refuse l’exploitation immédiate de cette ressource énergétique, me semble très raisonnable. En effet, la technique d’extraction (fracturation hydraulique) a incontestablement un impact environnemental désastreux, et il reste à prouver que recourir au gaz de schiste soit financièrement pertinent. Mais que l’on s’interdise toute recherche d’une technique d’extraction raisonnée et toute étude objective d’impact économique, me parait relever d’un incroyable retour à l’obscurantisme. J’en reste stupéfaite. D’autant que des acteurs politiques de gauche (Michel Rocard, Arnaud Montebourg), peu soupçonnables d’être liés au lobby du gaz de schiste, font valoir que l’exploitation de cette ressource énergétique contribuerait à améliorer la situation économique, sociale et fiscale de notre pays. A les en croire, elle réduirait la facture énergétique et permettrait de mieux équilibrer la balance des paiements. Elle apporterait à l’industrie et à la vie quotidienne une énergie moins chère, ce qui favoriserait le « made in France » et l’emploi, tout en améliorant la profitabilité et le pouvoir d’achat. Enfin, elle génèrerait de la rentrée fiscale. Dans un entretien accordé au journal Le Monde, Michel Rocard va jusqu’à affirmer que la France pourrait être au gaz de schiste ce que le Qatar est au pétrole, et qu’elle serait ainsi « bénie des dieux. » Il est réconfortant que dans le camp du gouvernement, des voix se soient élevées pour contester l’énorme absurdité que représente la volonté de renoncer à la recherche. Le contraire eût signifié qu’au sein d’une gauche représentant environ la moitié des habitants de notre pays, la culture du progrès avait cédé le pas à celle de la Sainte Inquisition qui refusant l’interprétation des recherches scientifiques par des esprits laïcs, bridait la recherche et interdisait la publication de nouveaux savoirs. Au fait, si l’on découvrait enfin un gisement de pétrole exploitable et rentable au large de Biguglia, devrions-nous dire « Non merci » à l’infini ?

Alexandra Sereni

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