Nos vieilles pierres ne sont plus à l’abri de la spéculation immobilière portée par les riches ou gourmands amateurs de résidences secondaires ou touristiques venus d’ailleurs.
En matière de hausse des prix du foncier, la proximité urbaine influerait plus que le facteur touristique. Corse Matin l’a écrit ces derniers jours, interprétant l’étude d’éminents chercheurs. J’en suis ravie car je puis désormais être assurée et fière de ma capacité d’appréhender, avec justesse, les grandes réalités économiques et urbaines à partir de mon intuition et de quelques lectures. Me voila en effet confortée dans mon idée très ancienne qu’acheter un appartement de 100 m2 au centre d’Ajaccio me reviendra plus cher que faire de même à Bustanico. Je suis même en mesure de confirmer que 40 m2 parisiens avec vue directe sur la Tour Eiffel, situés à deux pas du métro et environnés de commerces et services administratifs, me seront facturés à un prix bien plus élevé que 100 m2 dans un quartier de banlieue non desservi par les transports en commun, et pauvre en services et commerces de proximité. Enfin, je n’ai plus honte de déclarer que les personnes qui veulent s’installer quelque part pour y résider ou qui achètent un appartement afin de le louer à l’année, pèsent davantage sur le marché et les prix de l’immobilier que l’activité touristique. Au fond, j’aurais pu exceller dans l’immobilier. Je suis d’autant plus fière de moi que jusqu’à présent, à en croire Corse Matin, il n’existait aucun argument scientifique permettant de vérifier tout cela dans notre Ile de Beauté.
On a réinventé l’eau chaude
Heureusement, cette lacune serait désormais comblée. Nos confrères du quotidien presque unique, ont eu accès aux travaux de chercheurs de Corse et d’Avignon portant sur les effets de la notoriété touristique sur le prix du foncier dans les régions Corse et PACA. Et ceux-ci, après avoir cogité et mis au point des indicateurs appropriés, ont abouti aux conclusions suivantes : « si l’influence touristique est très réelle sur le prix du foncier, la proximité d’une grande ville, qui possède notamment des centres administratifs, joue environ cinq fois plus sur les coûts ». Ils ont même ajouté qu’il est « globalement préférable d’être dans une commune proche d’un pôle, ayant des emplois et des services publics que d’être simplement cité dans un guide ». Sans remettre en cause la qualité des travaux corso-avignonnais, j’ai néanmoins envie de dire que tout cela relève de la réinvention de l’eau chaude. Mon extraordinaire intuition et surtout de nombreux urbanistes, économistes et développeurs savent que l’attractivité résidentielle d’un territoire bien doté en services publics, en entreprises et en moyens de transports collectifs urbains, est devenue, depuis au moins le début des années 2000, plus forte que celle de villes à dominante touristique. Et l’on sait aussi que la demande y dépassant l’offre, les biens immobiliers de ces territoires atteignent des prix mirobolants.
Le véritable mérite de l’étude
Cela étant l’étude corso-avignonnaise aura permis de vérifier que, chez nous aussi, il existe une préférence marquée pour des zones urbaines dotées de services publics, bien desservies et pouvant afficher une activité économique soutenue et pérenne. Cette étude aura eu aussi le mérite, et cela aurait justifié d’être mis en exergue, de montrer que les effets spéculatifs du tourisme en matière immobilière, menacent presque autant l’intérieur de notre île que le littoral. En effet, les indicateurs ont révélé que si la notoriété touristique pèse sur les prix du foncier en Balagne, dans l’Extrême-Sud et sur la rive sud d’Ajaccio », ces zones sont « rapidement suivies des communes de l’intérieur qui développent un tourisme vert. » Ce qui signifie que les vieilles maisons de nos villages qui seront en outre bientôt soumises aux griffes de la fiscalité des successions par l’abrogation de l’arrêté Miot, ne sont plus à l’abri de la spéculation immobilière portée par les riches ou gourmands amateurs de résidences secondaires ou touristiques venus d’ailleurs.
Alexandra Sereni