L’Edito d’Aimé Pietri
On a souvent tendance à comparer le peuple corse au peuple juif, surtout pour ce qui est de leur diaspora. Les deux peuples ont, en effet, essaimé à travers le monde et ils ont des points communs : la solidarité - dit-on - et une parfaite assimilation du milieu étranger. Pourtant, les différences sont plus nombreuses et plus marquées que les similitudes. Même et surtout dans la diaspora. Ainsi tous les Juifs, où qu’ils soient, ont le regard tourné vers Israël et rien de ce qui s’y passe ne leur est indifférent. Les Corses, au contraire, se fondent volontiers dans le pays qui les accueille jusqu’à oublier leurs racines lorsqu’ils ne les mettent pas en relief pour en tirer quelque profit. Qu’ont-ils donc de commun avec la Corse les descendants de ces Capicursini qui s’en allèrent, jadis, chercher fortune aux Amériques et ne remirent plus les pieds chez eux sinon pour étaler leur fortune en faisant édifier des « maisons d’Américains » Et combien de Corses installés sur le Continent ne parlent de la Corse qu’au passé, un passé qu’ils recherchent d’ailleurs désespérément, le temps d’un séjour de vacances au village ? On note, bien sûr, ça et là, quelques réveils de conscience mais la diaspora corse, dans son ensemble, reste assoupie au creux des petits et des grands conforts du pays adoptif. Peut-être parce qu’il n’ont connu ni les ghettos ni les fours crématoires de la « solution finale », les Corses semblent avoir trop souvent oublié qu’ils étaient les fils d’une même terre et d’un même peuple aujourd’hui menacés de voir disparaître leurs héritiers légitimes au bénéfice de nouveaux venus dont l’intégration devient de plus en plus difficile. Pour finalement faire problème. Si tous les Corses du monde pouvaient se pénétrer d’une telle évidence et en prendre la véritable mesure ils auraient pour leur pays d’origine le respect et l’amour dont ils sont aujourd’hui quelque peu dépourvus. Et ils tenteraient, par tous les moyens, de l’arracher à la violence qui le déchire. Sachant que pour cette oeuvre primordiale ils ne seront jamais de trop.