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Scrutin présidentiel Le ver est dans le fruit

jeudi 16 février 2012, par Journal de la Corse

Pour fédérer autour de lui un camp de l’argent et de la peur, Nicolas Sarkozy défendra un programme ayant pour fondement la fin de la cohésion sociale.

En affirmant que « Toutes les civilisations ne se valent pas » le ministre de l’Intérieur provoque un beau tollé. Il y a de quoi ! Il renoue avec le discours des politiciens colonialistes et centralistes de la Troisième République, qui justifiaient la mise sous tutelle et la déculturation des peuples en invoquant l’apport de la civilisation. En Indochine et en Afrique, l’exploitation coloniale se donnait bonne conscience en prétendant faire découvrir et partager le progrès. En Corse et en Bretagne, le centralisme laïcard interdisait la pratique des langues locales et dénigrait la différence culturelle au nom de la pensée des Lumière et de l’élan irréversible du progrès. Faut-il alors taxer Claude Guéant de ringard ? Je ne pense que cela soit pertinent. En opposant les civilisations, il adopte une posture en vogue, depuis le 11 septembre 2001, au sein des droites occidentales. En effet, il reprend la théorie du « Choc des civilisations » qui explique les rapports de force entre les Etats, non plus par des clivages politiques et économique fondés sur des oppositions Impérialisme/Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ou Capitalisme libéral/Socialisme réel, mais par des oppositions d’ordre « civilisationnel » dans lesquelles des substrats religieux ou culturels auraient des influences prépondérantes. Les tenants de cette théorie s’emploient d’ailleurs aussi à l’appliquer aux relations sociales. Ils prétendent que les fractures de la société ont pour facteur clé l’émergence de clivages communautaires et non l’inégalité et la pauvreté.

Gens normaux et classes dangereuses

Cette posture du ministre de l’Intérieur cacherait-elle alors une forme de pensée proche de l’élitisme ? J’ai l’intime conviction qu’il se fiche de savoir si la civilisation grecque l’emporte sur celle des peuples de Nouvelle-Guinée. Je pense que son unique objectif est de préparer la campagne de Nicolas Sarkozy ; campagne dont la tonalité sera de diviser les Français pour légitimer l’inégalité. En effet, pour tenter de fédérer autour de lui un camp de l’argent et de la peur, le président sortant s’apprête à défendre un programme ayant pour fondements la fin de la cohésion sociale et la domination de catégories « normales » de la population sur des « classes dangereuses » identifiées à partir de leur pauvreté, de leur religion ou de leur origine. Ce que préfigure d’ailleurs l’annonce de referendums visant à faire voter des lois qui rendraient la vie impossible aux chômeurs et aux immigrés. En stigmatisant tous ceux qui, selon une certaine droite, font tâche ou peur - les chômeurs qui encaissent des sous sans travailler et les immigrés qui viennent manger le pain des Français – et en entendant capter les suffrages des « gens normaux », Nicolas Sarkozy revient ainsi à son fond de commerce favori : marginaliser des millions d’individus pour dégager des majorités tirant leur cohésion d’un rejet partagé de l’autre. Est-il alors, à la différence de son lieutenant Claude Guéant, un élitiste ou, pire, un fasciste ? Je le considère plutôt comme un opportuniste qui instrumentalise les pires instincts pour en faire une arme politique au service de ses intérêts électoraux. Le vert de gris n’est pas son idéologie. Mais sa posture n’est pas pour autant acceptable. Elle est un ver dangereux qui dévore le fruit républicain.

Alexandra Sereni

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