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Révision constitutionnelle : aujourd’hui, c’est non !

jeudi 29 novembre 2012, par Journal de la Corse

Le ministre de l’Intérieur a exclu, pour l’heure, toute démarche qui exigerait une révision constitutionnelle. Entre l’Etat et les autonomistes, et peut-être aussi Paul Giacobbi, rien ne va plus.

Les ministres de la Justice et de l’Intérieur ont assuré. Christiane Taubira a rencontré les plus hautes autorités judiciaires de Corse, ainsi que les magistrats et autres fonctionnaires, pour les mobiliser autour de la circulaire de politique pénale censée recadrer et muscler l’action de la justice dans l’île. En ce sens, elle s’est aussi entretenue avec les cadres des services de police et de gendarmerie. Nul doute que la divulgation par les médias de la note confidentielle du procureur de la République, épisode fâcheux ayant confirmé l’existence de fuites au sein de l’institution judiciaire, n’a pu qu’inciter la ministre à tenir à ses personnels un discours de la fermeté et de l’exigence. De son côté, Manuel Valls, s’est employé à expliquer aux différents services de l’Etat, et plus particulièrement à ceux de police et de gendarmerie, qu’il attendait des résultats probants en matière de sécurité publique et plus particulièrement de lutte contre la grande criminalité, mais également concernant l’application de la loi et des décisions de justice. Il est allé jusqu’à annoncer l’imminence de démolitions visant à faire respecter la loi Littoral. Le ministre de l’Intérieur était cependant très attendu sur un autre terrain, celui du dossier institutionnel. Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’a pas répondu aux attentes de ceux qui espéraient encore de grandes évolutions. S’il n’a pas écarté l’idée d’ajustements, le ministre de l’Intérieur a en revanche exclu toute démarche qui exigerait une révision constitutionnelle, considérant que la violence criminelle affectant la Corse, la crise économique et l’absence de consensus national rendaient prioritaires l’action sécuritaire et le soutien au développement économique, et impossible toute convocation des députés et des sénateurs en Congrès à Versailles.

Le spectre Bonnet

Cette position de l’Etat a probablement enraciné la mouvance autonomiste dans la grande inquiétude qu’elle avait exprimée quelques heures avant la venue du ministre de l’Intérieur. En effet, lors d’une conférence de presse qui avait pour objet « d’interpeller solennellement l’Etat » sur les choix qu’il s’apprêtait à annoncer, les conseillers territoriaux Femu a Corsica ont tiré la sonnette d’alarme. Ils ont d’abord exprimé la perspective de dérives répressives : « Les Corses ont de la mémoire : on ne nous refera pas le coup de la période Bonnet » et souligné que la crédibilité de l’Etat exigeait qu’il reconnût et assumât sa responsabilité majeure : « L’Etat est le premier comptable et le premier responsable de la politique menée dans ce pays pendant deux siècles et de ses fruits amers (…) l’Etat a concentré la totalité de sa politique répressive contre le nationalisme et laissé prospérer, lorsqu’il ne l’a pas encouragée et soutenue, la grande délinquance organisée (…) L’Etat a également choisi, pendant toute la période contemporaine, de ne jamais porter le fer contre les mécanismes structurants qui sapent le fonctionnement démocratique de la vie économique et politique. » Les élus autonomistes ont aussi enjoint au ministre de l’Intérieur de ne pas prendre des positions « si caricaturales qu’elles en deviennent dérisoires », telles que celle suggérant que « Les Corses savent mais ne parlent pas ». Enfin, ces mêmes élus ont dénoncé une absence de réponse politique « aux attentes et aux espoirs du peuple corse (…) qui se bat pour la reconnaissance de ses droits, et qui veut construire une société moderne, ouverte, solidaire et démocratique ».

Le courant ne passe pas

En ce sens, les élus autonomistes ont souligné que les deux principaux candidats à la présidence de la République n’avaient jamais répondu à l’interpellation de Femu a Corsica leur demandant de faire connaître leur vision de la question corse, et qu’un « même silence » avait prévalu après les scrutins présidentiel et législatif. Ils ont aussi relevé que « les seuls propos publics prononcés par le Président de la République et le Gouvernement concernant la Corse l’ont été au lendemain de la série d’assassinats qui a frappé l’île, et que ces propos laissaient penser que, pour l’Etat, le problème n’appelait qu’une réponse policière et judiciaire. Aussi, s’appuyant sur les résultats électoraux réalisés par le nationalisme et assurant que les idées nationalistes seraient largement partagées par un grand nombre de Corses, les élus autonomistes ont affirmé que le statu quo n’était pas tenable et posé une question relevant de l’avertissement : « l’Etat accepte-t-il de s’engager dans la recherche d’une solution politique globale, qui passe notamment par une réforme constitutionnelle donnant à la Corse et à son peuple les moyens de se développer et de s’épanouir ? » On notera que cette posture offensive a recoupé celle adoptée par Edmond Simeoni qui, dans une récente communication, a affirmé : « L’Etat doit boire le calice jusqu’à la lie, assumer le désastre et non pas imputer à d’autres ses propres turpitudes et, en prime, les insulter (…) Des Corses sont peut-être des cons pour gober des inepties mais pas tous. Des Corses sont aveuglés ou corrompus et veules mais pas tous. Des Corses ont peur devant une situation dégradée et une carence étatique abyssale. Mais ils sont suffisamment nombreux et lucides pour ne pas déserter ou confier à l’Etat et à l’Assemblée de Corse seuls, les clés de la résolution de la « question corse » (…) Nous approchons de l’heure des comptes. » Les prises de positions des autonomistes et de leur père fondateur puis celles de Manuel Valls auront confirmé que le courant ne peut, en l’état, passer entre les deux parties. Voilà qui ne devrait pas faciliter la tâche de Paul Giacobbi qui tablait sur une évolution institutionnelle associant, dans une démarche consensuelle, la gauche, les corsistes de tous bords, les nationalistes et l’Etat. Le Président du Conseil exécutif aura d’ailleurs aussi pu vérifier qu’un malheur n’arrive jamais seul, en lisant dans colonnes d’un quotidien régional que Jean Zuccarelli préconise de laisser de côté les débats institutionnels et constitutionnels. Voilà qui ne sera pas sans conséquences pour tous les protagonistes, et l’on souhaite bien du plaisir à Pierre Chaubon qui, depuis bientôt trois ans, essaie de trouver des solutions institutionnelles pouvant convenir à tout ce beau monde.

Pierre Corsi

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