L’Assemblée nationale a statué sur un dossier brûlant : la réforme bancaire. L’affaire est loin d’être anodine, avec les relents de l’affaire Cahuzac, les révélations de l’« Offshore Leaks » sur des placements dans des paradis fiscaux, et la récente polémique sur Apple, Google, Amazon et autre Starbucks qui, grâce à l’ingénierie fiscale paient des impôts ridiculement bas par rapport aux bénéfices qu’elles enregistrent dans l’Union. La lutte contre l’évasion fiscale et la limitation de certains frais bancaires sont au cœur des débats. Un sujet qui divise au-delà du gouvernement.
Loin du paradis
En pleine crise, alors que les banques et leurs agissements de cessent d’inquiéter une population en quête de réponse, de transparence et de stabilité, la rémunération des banquiers et la fraude fiscale ne sauraient être passées au second plan. D’autant que certains avancent le chiffre de 1000 milliards d’euros qui échappent chaque année aux finances publiques des États membres, victimes de la fraude et de l’évasion fiscale. Soit une somme qui représente le double des dettes cumulées des États membres. Difficile à avaler pour les citoyens, à l’heure où l’Europe est contrainte à la rigueur. Cela explique aussi la mobilisation de grands pays, via notamment le G8 et le G20, pour renforcer la lutte contre l’évasion fiscale. Le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires a donc été musclé par les députés. Le projet de loi sépare les activités les plus spéculatives et la banque de détail. Il cantonne les activités spéculatives des banques non utiles à l’économie dans une filiale séparée et prévoit une supervision renforcée des activités de marché et l’interdiction des activités spéculatives sur dérivés de matières premières agricoles ou via le trading à haute fréquence. Le texte oblige les banques françaises à publier des informations détaillées (effectifs, chiffre d’affaires, bénéfices, impôts, etc.) sur leurs activités dans chaque pays étranger, paradis fiscaux inclus. Pour renforcer la lutte contre la fraude fiscale, le gouvernement a aussi déposé un amendement pour donner une base légale à l’échange automatique de données fiscales avec d’autres pays.
Remous bancaires
Le point de dissension porte sur les frais bancaires et les rémunérations des dirigeants et personnels des banques, traders en tête, en vue de limiter la prise de risque excessive. En la matière la directive européenne est que la rémunération variable ne peut pas dépasser le montant de la rémunération fixe, mais peut atteindre au maximum le double si une large majorité des actionnaires est d’accord. Les banques françaises sont contraintes à la transparence lorsqu’il est question de l’application de leurs frais et commissions bancaires. Elles ont l’obligation de respecter la convention de compte : le client est ainsi informé du tarif de chaque frais et l’exhaustivité des frais pratiqués par la banque est répertoriée. Ces frais (incluant la TVA) sont notifiés à chaque client comme le prévoit la réglementation sur les commissions bancaires en France. Il existe deux types de commissions perçues par les banques : celles qui facturent des frais pour un service effectivement rendu, et celles qualifiées de commissions « sanctions » qui facturent des frais de dépassement et des frais de rejet. La nouvelle loi adopte un plafond unique sur les commissions d’interventions des banques en cas de découvert. Et aussi une obligation de transparence, étendue aux grandes entreprises, afin de lutter contre l’évasion fiscale.
Fin du secret bancaire ?
La transparence et donc l’échange de données bancaires a été réclamé par le G20 et l’OCDE. Cela ne peut fonctionner que si l’ensemble des places financières joue le jeu. Selon le Boston Consulting Group, l’enjeu de la levée du secret bancaire est très élevé pour la Suisse, qui concentre à elle seule 27% du marché mondial des capitaux « offshore ». La Suisse et le Luxembourg ont annoncé leur intention d’assouplir leur secret bancaire en procédant à l’échange automatique de données dès 2015. En revanche, l’Autriche est restée inflexible jusqu’ici sur le sujet, d’autant que le secret bancaire autrichien est inscrit dans la Constitution… Outre la Suisse, treize pays doivent encore modifier leur législation pour permettre un échange d’informations bancaires et mieux lutter contre l’évasion fiscale. La transparence reste un vœu pieu. En attendant, la crise et la rigueur restent de la partie.
Maria Mariana