Sondage de la revue « Histoire » très renommée. Enquête parfaitement étudiée auprès de ses 1.221.000 lecteurs. Demande de noter vingt personnages clés de l’Histoire de France selon l’importance que les sondés lui attribuent. Résultat : Napoléon arrive en tête suivi de Charles de Gaulle et de Louis XIV. D’une manière différente chacun incarne la France.
Ce sondage ne peut manquer d’être surprenant à notre époque, en ce qui concerne le premier choix. Il intervient après une longue période de déréliction et de bannissement de Napoléon dans la « bien-pensance » actuelle. Manifestée plus particulièrement par le refus de Jacques Chirac, président de la République, de commémorer le bicentenaire de la bataille d’Austerlitz, une des plus belles victoires de Napoléon dite « Bataille des trois empereurs » (2 décembre 1805). Jacques Chirac s’était pourtant rendu à Londres pour participer quelques mois auparavant, aux cotés de la reine d’Angleterre, à la manifestation grandiose de la victoire maritime anglaise de Trafalgar (21 octobre 1805) sur les navires français. Les manuels scolaires, au cours du siècle passé n’avaient cessé de reprocher à l’Empereur des Français d’avoir laissé la France plus petite qu’il ne l’avait trouvé. Elle était par le traité de Paris (30 mai 1814) réduite à ses frontières d’Ancien Régime. Napoléon avait construit l’Etat moderne et ses structures : Cour des Comptes, Inspection des Finances, Code Civil, abolition de la vénalité des charges. Néanmoins, comme l’a dit Jean Tulard, Napoléon avait été évacué des livres d’Histoire. Surtout, et c’est ce que semble avoir retenu le sondage de plus fondamental, Napoléon avait apporté la paix civile, il avait été un rassembleur. Rassembleur comme cet extrait des adieux de Fontainebleau à ses soldats en témoigne : « Avec vous et les braves gens qui me sont restés fidèles, j’aurais ou entretenir la guerre civile pendant trois ans ; mais la France aurait été malheureuse, ce qui était contraire au but que je me suis proposé. » Et Napoléon avait donné surtout au peuple français la gloire et la grandeur (comme De Gaulle et Louis XIV primés par le sondage). Il avait donné aussi aux Corses leur fierté. Un vieux soldat corse avait mis fin un jour à une discussion par cette phrase : « Napoléon n’a rien fait pour la Corse mais il nous a il nous a fait honneur. » Dire qu’il n’avait rien fait pour l’île n’est pas exact. Les arrêtés Miot et le Décret impérial de 1811, dont on vient tant de les réclamer c’est de lui ; on lui doit aussi la création du premier service de dépêches entre la Corse et le Continent, assuré par deux navires partant d’Ajaccio et de Bastia, la création de même du Jardin Botanique ajaccien, un imprimerie officielle à Ajaccio dépendant de l’Imprimerie Nationale, l’assèchement des Salines réalisé pendant l’empire, la continuation de la route Bastia-Ajaccio jusqu’à Vizzavona. Mais en Corse également, pendant ces trente dernières années, Napoléon avait été quasiment effacé de la vie publique et culturelle. Mis à part quelques dépôts de gerbes en catimini ou quelques initiatives purement individuelles. Après l’abdication de Napoléon ? La Cour d’Appel de Bastia sommé par le général anglais Montresor, refusa de rendre ses arrêts au nom du roi de Grande Bretagne et de Corse en déclarant qu’elle ne saurait son trahir son honneur rendre la justice qu’au nom de Louis XVIII, roi des Français. Aujourd’hui le Grand Exilé réapparaît dans la vie de la Corse.
Marc’Aureliu Pietrasanta