Qui a peur du grand requin blanc ?
Lorsque retentit la musique du générique des Dents de la Mer, qui irait encore se baigner en Méditerranée le coeur léger ? C’est sans doute ce qui explique le silence sur ces résidants maritimes si peu désirables par les humains, enfin surtout proches des côtes. Un cauchemar pour les industriels du tourisme et des sports nautiques, mais pas forcément une réalité.
Mauvaise réputation
Dans la culture occidentale et d’aussi loin que remontent les récits des conquêtes du milieu marin, les requins n’ont jamais eu bonne réputation. Accusés d’être des chasseurs d’hommes, ceux qui traquent les baigneurs, surfeurs et navigateurs, ils sont pourtant sur leur territoire. Un recensement sur la présence des grands blancs en Méditerranée nord occidentale est en cours, établissant qu’ils y sont depuis la plus lointaine antiquité. Mais pour réduire à néant l’idée reçue qui voudrait que ceux-ci soient de plus en plus représentés en Méditerranée, que ce soit suite à l’éventuelle hausse de la température de l’eau ou à l’ouverture du canal de Suez, aucune étude scientifique ne vient corroborer cette allégation environnementale. Rien ne prouve que leur nombre ait augmenté ou diminué significativement. En revanche, selon l’International Shark Attack File, entre 1876 et 2002, seules 254 attaques d’hommes par des grands blancs ont été recensées. Ce qui est extrêmement faible, il faut bien le reconnaître. Car ainsi que le soutient Bernard Seret, biologiste marin à l’Institut de recherche pour le développement, « Ce ne sont pas eux qui s’approchent davantage, ce sont les hommes qui multiplient les activités en mer ».
Occupation pacifique
La Corse, ça n’est pas la Réunion qui cherche à se protéger des requins, même si l’on y trouve aussi des grands squales. Il y a également des émissoles, roussette, peaux-bleues, centrines ou requins pèlerins, ainsi que des requins gris, makos ou blancs, etc. Quarante-cinq espèces ont été recensées au total, défrayant parfois la chronique, comme l’été dernier sur le port de Saint-Mandrier, dans le Var, où des badauds ont aperçu un requin-taupe. La semaine suivante, c’est à Mandelieu, dans les Alpes-Maritimes, qu’un vacancier se faisait tirer le portrait avec un aiguillat de 60 cm entre les mains. En 1987, c’est au large de Malte qu’un requin blanc de plus de 6 mètres avait été pêché au large. Pourtant, s’ils sont impressionnants, 80% des requins de la Méditerranées sont inoffensifs. Seuls les requins blancs, taupes ou bleus peuvent se révéler dangereux. Encore que, le plat favori du requin bleu soit… la sardine ! Et les événements ne sont pas si fréquents, nombre de marins, navigateurs et plaisanciers Corses ayant immanquablement croisé leur route un jour ou l’autre, sans même le savoir.
Le danger est ailleurs
Alors que les requins ont échappé depuis leur apparition il y a près de 400 millions d’années, à toutes les crises d’extinction – ils ont même survécu aux dinosaures ! –, il semblerait qu’ils aient trouvé un prédateur qui s’acharne à les détruire : l’homme. Ils sont plus de 50 millions à disparaître chaque année, pêchés le plus souvent pour leurs ailerons ou pris dans la grande nasse de la surpêche mondiale. La plupart des stocks de squales connus ont diminué de 80 à 99% depuis les débuts de la pêche industrielle, au milieu du XXème siècle, avec également une baisse de leurs réserves de nourriture conséquences des pollutions chimiques ou par macrodéchets. Pourtant leur disparition n’a pas l’heur d’émouvoir beaucoup les foules, la faute à leur mauvaise réputation, sans doute. Alors qu’ils ne sont pas si mortels, la noyade causant bien plus de victimes (en France, près de 500 personnes meurent chaque été d’une noyade accidentelle, dont plus de 50 en piscine). Sans compter que les requins ont aussi un rôle pour maintenir l’équilibre et la vitalité des écosystèmes marins, en contrôlant les étages inférieurs de la pyramide alimentaire et en sélectionnant les proies affaiblies. La disparition des requins dans certaines régions du monde a déjà montré des bouleversements non désirables, comme la multiplication des raies qui ont fait disparaître le gisement de pétoncles centenaire de la côte nord-est des États-Unis ou le développement des poulpes qui se sont régalés de langoustes néozélandaises. Est-ce vraiment ce rapport de domination qui est souhaitable dans les fonds marins. L’homme est un loup pour l’homme, en serait-il aussi un pour les requins ?
Maria Mariana