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Présidentielles Une île de gauche très à droite

jeudi 26 avril 2012, par Journal de la Corse

La Corse a confirmé être une région profondément conservatrice devenue très sensible au discours de la droite populiste et nationaliste incarnée par le Front National.

En Haute-Corse, Nicolas Sarkozy est arrivé en tête avec 26.870 suffrages (31,02%) suivi de François Hollande et Marine Le Pen qui en ont respectivement réuni 22.489 (25,96%) et 20.129 (23,24%). En Corse-du-Sud, Nicolas Sarkozy qui a totalisé 23.623 suffrages (31,83%) a précédé Marine Le Pen et François Hollande qui en ont rassemblé 19.081 (25,71%) et 16 540 (22,29%). En accordant plus de 56% des suffrages exprimés aux candidats de la droite et de l’extrême-droite, la Corse a confirmé être une région profondément conservatrice devenue très sensible au discours de la droite populiste et nationaliste incarnée par le Front National. La droite a même accentué son influence. En effet, en 2007, elle avait totalisé 53,5% des suffrages. Si les électeurs insulaires ont été moins généreux avec Nicolas Sarkozy qui avait réuni 37% des suffrages il y a cinq ans, ils ont en revanche accordé près de sept points de plus au Front National. Il convient d’ajouter que Marine Le Pen, outre avoir dépassé chez nous de 5 points son score national, a réalisé ses meilleurs résultats dans les zones urbanisées : 24,28% à Calvi, 24,77% à Bonifacio, 23,68% à Porto-Vecchio, 25,32% à Bastia et 27,28% à Ajaccio, 31,48% à Biguglia, 24,25% à Borgo, 30,02% à Furiani. La candidate frontiste a probablement tiré parti d’un vote traditionnel des rapatriés. Mais il a aussi bénéficié d’une peur sociale et d’une exaspération particulière. D’une part, les insulaires s’inquiètent beaucoup de l’absence de perspectives affectant une partie de la jeunesse, de l’immigration clandestine et de la hausse des petite et moyenne délinquances. D’autre part, ils sont de plus en plus irrités par l’insuffisante prise en compte de ces phénomènes par les services de l’Etat et les forces politiques locales. Il convient aussi de se demander - une analyse plus fine des résultats devrait permettra de l’infirmer ou de le confirmer-si une partie de l’électorat nationaliste n’est pas sensible au discours du Front National.

Une gauche en manque d’un PS fort

La gauche insulaire a-t-elle motif à grimacer ? Pas vraiment à première vue. Le pourcentage réalisé par l’ensemble des candidats de gauche avoisine les 38%, ce qui est supérieur au total de 2007 (moins de 32%). Mais à y regarder de plus près, cette famille politique a plus que matière à s’interroger. Représentant la majorité territoriale, comptant deux députés sur quatre et deux sénateurs sur deux, administrant un département sur deux ainsi qu’Ajaccio et Bastia, elle réalise un score très inférieur à la moyenne nationale de la gauche qui dépasse largement les 40%. François Hollande (24,27%) est en deçà de 4 points de son résultat national. Et même s’il progresse d’environ trois points par rapport à Ségolène Royal en 2007, le candidat socialiste pâtit manifestement de la faiblesse du Parti Socialiste sur la scène politique corse. En effet, si la forte implantation PRG lui permet d’atteindre 25,96% en Haute-Corse, en Corse-du-Sud, Simon Renucci quelque peu émoussé et un Parti Socialiste très faible le confinent à 22,29%. Il apparaît que l’influence des notables PRG ou DVG ne suffit pas à compenser le manque d’une gauche socialiste organisée et forte. Quant au Front de Gauche, il n’a pas réussi à confirmer la percée qu’il avait réalisée lors du scrutin territorial de mars 2010. Jean-Luc Mélenchon (9,85 %) n’a pas atteint un score à deux chiffres. La partie verte de la gauche n’est pas mieux lotie. Eva Joly, qui avait pourtant le soutien des autonomistes, a réuni moins de 3% des suffrages exprimés ! Les Verts qui n’ont ainsi guère fait mieux dans l’île que sur le Continent, sont en droit de se demander ce que valent les soutiens du PNC et de Femu a Corsica et ce que leur apporte électoralement de compter, dans les rangs d’Europe Ecologie, un député européen issu de l’autonomisme corse.

Les Législatives en ligne de mire

Quelles premières conclusions tirer ? Concernant le problème corse, il n’est pas risqué d’affirmer que rien ne pressera du côté de Paris. En totalisant encore plus de 30% Nicolas Sarkozy a implicitement fait valider par son camp sa politique corse : lutte contre les clandestins ; soutien aux forces de l’ordre, légitimation de la classe politique insulaire, priorité au développement économique, stabilité institutionnelle. Quant à François Hollande, au vu de son score insulaire, des critiques formulées par les autonomistes à son encontre après sa venue dans l’île et considérant que le meilleur score de la gauche réunie a été réalisé à Bastia, le fief d’Emile Zuccarelli, il est certain qu’il campera sur la position de laisser toute initiative institutionnelle à l’Assemblée de Corse. Concernant les élections législatives, le succès prévisible de François Hollande aidera certainement Paul Giacobbi et Simon Renucci à être réélus, même si le député ajaccien devra sans doute livrer un combat acharné contre une droite ajaccienne en pleine résurrection. En revanche, il n’est pas certain du tout qu’un socialiste à l’Elysée suffira à ouvrir à Jean Zuccarelli la voie de la reconquête du siège bastiais. En effet, dans la première circonscription de la Haute-Corse, Sauveur Gandolfi-Scheit, le député sortant, pourra compter sur une droite toujours forte, une image de proximité et, si Gilles Simeoni n’est plus en piste au second tour, sur le renfort d’autonomistes trop contents de pouvoir mettre en difficulté le « clan Zuccarelli ». En Corse-du-Sud, en cas de triangulaire Droite/Gauche/Jean-Christophe Angelini, Camille de Rocca Serra pourrait aussi conserver son siège si la droite serre les rangs derrière lui. On en reparlera…

Pierre Corsi

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