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Nucléaire : l’omertà à la française

jeudi 15 septembre 2011, par Journal de la Corse

Si une centrale nucléaire française est très dangereuse ou si le nuage de Fukushima passé par chez nous était très nuisible, nous le saurons après l’explosion ou une hausse brutale du taux d’apparition de certains cancers

La Cour d’Appel de Paris a décidé de prononcer un non-lieu général concernant l’impact du nuage de Tchernobyl sur la santé publique. Les juges ont estimé que la catastrophe nucléaire de 1986 n’a pas eu de conséquence sanitaire mesurable en France. Très touchée par ce nuage radioactif, la Corse compte de nombreuses personnes dont la maladie résulte manifestement de cette catastrophe. Comment ces malades et leurs familles pourraient-ils ne pas être en colère et avoir le sentiment d’être bafoués ? La réponse apportée par la Justice ne répond pas à leur légitime demande de transparence et de vérité. Au contraire, elle revient à entériner la monstrueuse raison d’Etat qui, depuis toujours, vise à accréditer que la conséquence de l’explosion du réacteur 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl serait non significative pour la santé publique. Pire, en jugeant que la conséquence sanitaire n’est pas mesurable, elle incite à penser que les juges ont tranché selon une logique voulant que des malades brûlant de fièvre ne peuvent pas être déclarés « fiévreux » du fait d’un manque de thermomètres fiables.

995 000 décès

Cette décision de justice incite à revenir sur un ouvrage publié, en 2010, par l’Académie des sciences de New-York sur les conséquences de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Cette institution y a consacré 345 pages d’Annales. Il s’agit d’un panorama critique et terrifiant de milliers de publications médicales et biologiques consacrées aux conséquences sur les hommes et la nature dans les territoires contaminés par les retombées radioactives (principalement au Belarus, en Ukraine et en Russie). Il apparaît que l’événement a causé la mort d’au moins 985 000 personnes dans le monde. ). Dans les régions les plus fortement irradiées de Biélorussie, d’Ukraine et de Russie, la progression des cas de certains cancers est chiffrée à plus de 40%. Ce qui dément les conclusions de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui, dans un premier rapport, avait dénombré 4000 morts liés à la catastrophe, et qui avait ensuite quadruplé ces estimations sans apporter de véritables explications. L’ouvrage met en évidence l’ampleur gigantesque des retombées radioactives : 10 milliards de curies (soit 200 fois plus qu’initialement prévu et 100 fois plus que les retombées générées par les bombes atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki). Il souligne aussi que de fortes retombées durablement mesurables n’ont pas épargné l’Europe du Nord, l’Amérique du Nord et l’Afrique.

Une vénérable institution

L’Académie des sciences de New-York n’a rien à voir avec une assemblée générale d’écolos intransigeants ou un Congrès des Verts. Il s’agit d’une vénérable institution qui, dans sa méthodologie de validation des publications, associe le doute, la rigueur et la prudence. Pour qui maîtrise un peu l’Anglais, la lecture de son site web est d’ailleurs très instructive : « The New York Academy of Sciences is the world’s nexus of scientific innovation in the service of humanity. For nearly 200 years, since 1817, the Academy has brought together extraordinary people working at the frontiers of discovery and promoted vital links between science and society. One of the oldest scientific organizations in the United States, the Academy has become not only a notable and enduring cultural institution in New York City, but also one of the most significant organizations in the international scientific community. Throughout its history, the Academy’s membership has featured leaders in science, business, academia, and government, including U.S. Presidents Jefferson and Monroe, Thomas Edison, Louis Pasteur, Charles Darwin, Margaret Mead, and Albert Einstein. Today, the NYAS includes 26 Nobel Laureates as well as philanthropists and leaders of national science funding agencies ».

La décision de la Cour d’appel conforte aussi le jugement de ceux qui considèrent que la France est sous l’influence du lobby nucléaire. Voilà qui n’est guère rassurant après la catastrophe de Fukushima. En effet, avec les suites de cet événement, il semble se dessiner un scénario Tchernobyl. D’une part, le gouvernement français a minimisé les effets de la catastrophe. D’autre part, l’Etat et le lobby nucléaire japonais ont pratiqué, et cela n’a pas changé depuis six mois, la rétention d’informations, le mensonge et la désinformation. Les Japonais n’ont connu les l’existence d’indices de fusion des cœurs que trois mois après leur détection par les experts. Les autorités concernées n’ont pas non plus fourni les informations sur les premières mesures de radioactivité et les données qui auraient permis d’observer temps réel l’évolution et la dispersion du panache radioactif. Or, le mois dernier dans certains secteurs de Tokyo, il a été relevé des concentrations en radionucléides aussi élevées que celles observées dans la zone d’exclusion de Tchernobyl. Il est également avéré que la rétention d’information à prévalu concernant les travailleurs affectés à la sécurisation de la centrale de Fukushima et rien n’est dit ou écrit sur l’état de santé des ouvriers contaminés depuis le début de l’accident. Enfin, il est connu que, peu de temps après la catastrophe, les écoles ont été à nouveau ouvertes dans la préfecture de Fukushima. Tout s’est déroulé et se passe comme si ayant échoué dans la prévention et la gestion de la catastrophe, les autorités avaient décidé de cacher leurs carences en niant les conséquences sanitaires et en affirmant que la vie doit continuer. Si une centrale française est très dangereuse ou si le nuage de Fukushima passé par chez nous était plus nuisible que prévu, nous le sautons après m’explosion ou une hausse brutale du taux d’apparition de certains cancers

Pierre Corsi.

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