L’UNC peut se révéler durablement dérangeante en concurrençant le message autonomiste et en s’inscrivant dans la lignée d’une droite sachant garder ses distances avec Paris.
Depuis qu’ils ont entrepris de voler de leurs propres ailes, Jean-Martin Mondoloni, Marie-Antoinette Santoni-Brunelli et leurs amis (es) de l’UNC (Une Nouvelle Corse) agacent et inquiètent. Les autonomistes redoutent que se constitue, sur leur flanc droit, une démarche susceptible de les concurrencer électoralement et politiquement. Jean-Christophe Angelini et Gilles Simeoni savent bien que le mécontentement d’électeurs de droite qui reprochaient à l’UMP insulaire son alignement sur les décisions prises à Paris, a valu de nombreux suffrages à leur liste (Femu a Corsica). Ils ont aussi en tête que beaucoup d’électeurs de droite souhaitent une politique territoriale privilégiant l’intérêt général insulaire et relativisant les enjeux nationaux. Or, en se démarquant des états-majors parisiens, en défendant la spécificité corse et en affirmant un droit des Corses à imposer des décisions prises dans l’île, l’UNC donne l’occasion à l’électorat de droite ayant « fauté » avec l’autonomisme, de revenir au bercail. Les autonomistes ont raison de s’inquiéter. L’UNC ressemble beaucoup à la résurgence d’un courant politique qu’ils pensaient avoir absorbé : le corsisme. Faire primer les enjeux insulaires selon une vision politique de droite s’inscrit en effet dans le droit-fil des démarches qui ont été celles de José Rossi, Philippe Ceccaldi, Toussaint Luciani et Robert Feliciaggi. Stéphanie Grimaldi et Marcel Francisci voient eux aussi d’un très mauvais œil la montée en puissance de Jean-Martin Mondoloni, Marie-Antoinette Santoni-Brunelli. En créant un espace ne se situant pas dans une perspective de revitalisation de la droite traditionnelle, en cultivant le corsisme et en se déclarant libre de tout licol parisien, l’UNC compromet les desseins des deux leaders de l’UMP. Elle mine leurs efforts de rassemblement de la droite au sein de l’UMP, rend moins originale leur « main tendue » aux autonomistes et souligne leur perméabilité aux directives parisiennes.
2014 dans la ligne de mire
Si les dieux de la politique lui sont favorables, l’UNC se révèlera durablement dérangeante. Elle concurrencera le message autonomiste en proposant une plus grande liberté d’action pour la Corse en dehors d’une démarche nationaliste. Elle offrira un exutoire aux électeurs de droite tentés par l’autonomie mais se refusant à voter pour des candidats ou des listes appartenant à la mouvance nationaliste. Elle contraindra l’UMP insulaire à prendre davantage ses distances avec Paris. Il convient aussi de noter qu’elle bousculera les agendas politiques des autonomistes et de l’UMP. En effet, se situant d’ores et déjà dans la perspective du scrutin territorial de 2014 et s’activant à associer les forces vives à l’élaboration de son projet pour la Corse, elle suscitera le débat et se mettra en situation de dénoncer une insuffisante opposition des uns ou des autres à l’actuelle majorité territoriale. Mais l’UNC pourra aller plus loin encore. En s’appuyant sur des femmes et des hommes ne disposant pas de fiefs électoraux héréditaires et en n’excluant pas un rapprochement avec les nationalistes sur la base d’un contrat de gestion territoriale, elle se positionnera en force alternative qui ouvrira une nouvelle perspective politique à droite. D’une part, elle poussera au remplacement des dynasties électorales par des élus trouvant leur légitimité dans la compétence et la militance. D’autre part, elle proposera une configuration majoritaire inédite qu’avaient rêvée mais jamais réalisée les « pères du corsisme ». Bien sûr, à ce jour, l’UNC semble encore fragile. Toutefois, le soutien de quelques anciens pourrait bien lui donner l’assise dont elle a besoin pour prendre force et prospérer. Jean Baggioni, Antoine Giorgi et Antoine Sindali ne cachent pas leur sympathie pour cette offre politique. L’intérêt que manifeste l’ancien président du Conseil exécutif n’est d’ailleurs pas surprenant. S’il n’a jamais revendiqué le label « corsiste », celui-ci a toujours préconisé et pratiqué la résistance face aux diktats parisiens. Il a aussi ouvert des portes aux nationalistes en travaillant avec eux lors de l’élaboration du Plan de Développement de la Corse et du processus de Matignon, ainsi qu’en approuvant l’initiative de José Rossi de confier à Jean-Guy Talamoni la présidence de la Commission des affaires européennes de l’Assemblée de Corse. S’il devenait un jour, aux côtés de José Rossi, une voix très écoutée au sein de l’UNC, nul ne pourrait crier à l’hérésie politique.
Pierre Corsi