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Lutte contre le grand banditisme : Un jour l’Etat pourrait mettre les pouces

jeudi 1er novembre 2012, par Journal de la Corse

Une fois encore, chez nous, des décisions de l’Etat semblent ne convenir à personne ou presque. Cela pourrait un jour définitivement lasser nos compatriotes hexagonaux.

Après l’assassinat de maître Antoine Sollacaro, le gouvernement a anticipé l’annonce des actions contre le grand banditisme qu’escomptaient dévoiler le ministre de l’Intérieur Manuel Valls et la Garde des Sceaux Christiane Taubira dans quelques semaines. Le Premier ministre a fait savoir que le combat contre le blanchiment d’argent serait au cœur des mesures devant être mise en œuvre (voir ci-contre). Cette priorité a été fortement suggérée au gouvernement par des responsables de la police, de la gendarmerie, de la justice et du trésor public, mais également par des acteurs insulaires. Les mêmes interlocuteurs ont aussi signalé les domaines d’activité devant faire l’objet d’une attention particulière et d’investigations poussées : l’immobilier et le sport, les marchés publics, les autorisations d’urbanisme et plus particulièrement celles impliquant un respect de la loi littoral, le trafic de drogue. C’est donc moins à la chasse aux assassins qu’à celle des commanditaires et des bénéficiaires des carnages que devront se livrer les enquêteurs. Persuadés que la « loi du silence » qu’il vaudrait mieux d’ailleurs, par souci de la précision, appeler « loi de la peur » ou « loi du Milieu », ne permettra pas de juger et condamner ceux qui appuient sur les détentes, l’Etat paraît donc vouloir faire parler les livres de comptes et les trains de vie. Si l’on excepte Simon Renucci qui a cru y voir « un signe fort du gouvernement », cette orientation n’a pas reçu le soutien de la plupart des acteurs politiques insulaires.

Chèvre sécuritaire et chou nationaliste,

A gauche, alors que Dominique Bucchini a souhaité prendre le temps de la réflexion, Paul Giacobbi n’a guère manifesté d’enthousiasme. « Je n’ai pas entendu grand-chose » a-t-il lâché. A droite, Jean-Jacques Panunzi, le président du Conseil général de la Corse-du-Sud, a fait part d’un scepticisme teinté d’impatience : « Plus d’actes et moins de paroles » a-t-il asséné. Camille de Rocca Serra a de son côté regretté le dessaisissement trop fréquent des juridictions locales. Les indépendantistes n’ont pas caché leur inquiétude quant à un amalgame entre le grand banditisme et la violence à caractère politique. Enfin, par la voix de Jean-Christophe Angelini, les autonomistes du PNC ont déploré que les premières mesures du gouvernement de gauche concernant la Corse, portent sur la justice et la sécurité. On peut comprendre le scepticisme et l’inquiétude. Il est en effet des précédents qui ne plaident guère en faveur de l’action de l’Etat. En 1992, le Premier ministre socialiste Pierre Bérégovoy avait déjà promis de tout faire pour lutter contre le blanchiment de l’argent. Après l’assassinat du préfet Claude Erignac, en 1998, une commission d’enquête parlementaire avait souligné la nécessité de la lutte contre la délinquance économique et financière. Ce qui avait débouché sur la création d’un pôle économique et financier régional chargé de lutter contre le blanchiment. On peut aussi se souvenir que Nicolas Sarkozy, lors de sa dernière venue en Corse, en avril de cette année, s’était félicité de « la baisse constante des faits de délinquance dans l’île. » S’il est donc loisible de se montrer circonspect, on peut néanmoins regretter que les décideurs politiques - à l’exception notable des nationalistes qui n’ont jamais réclamé une intervention particulière de l’Etat - donnent le sentiment de toujours vouloir rester le séant entre deux chaises. En effet, la plupart de ceux qui aujourd’hui se déclarent sceptiques ou déçus, sont les mêmes qui demandaient hier à l’Etat d’agir avec doigté afin d’éviter de donner aux Corses le sentiment d’un retour à la « politique Bonnet ». Cette posture politique peut certes permettre de ménager la chèvre sécuritaire et le chou nationaliste, mais trop en jouer risque un jour d’inciter l’Etat à mettre les pouces. En effet, une grande partie de l’opinion et du personnel politique de l’Hexagone ont plus que marre d’une population et d’élus la représentant, dont la religion semble être de ne jamais s’avouer contents.

Pierre Corsi

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