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Les Chinois à l’assaut du monde

vendredi 28 juin 2013, par Journal de la Corse

En 2010, le port du Pirée, celui qui dessert Athènes était privatisé et vendu à un groupe chinois, la China Ocean Shipping Company (Cosco), premier armateur chinois (contrôlé par l’État), qui aujourd’hui reluque d’autres ports grecs.

La revanche chinoise

Quel formidable retournement de situation. Alors que la révolution industrielle battait son plein, au milieu du XIXe siècle, l’empire chinois était dépecé par les grandes puissances occidentales et ses ports livrés au trafic de l’opium organisé notamment par la Grande-Bretagne. Un siècle et demi après l’agression britannique, la Chine s’impose comme la principale force économique mondiale et achète à tour de bras les richesses des pays en quasi-faillite sur tous les continents. Mais à quel prix humain ? Partout où ils débarquent les Chinois exigent des normes de travail dignes des pires patrons et détruisent les acquis sociaux et les modes de vie traditionnels.

Le communisme chinois au diapason du capitalisme esclavagiste

En 2008, la Grèce concédait à Cosco le contrôle pour trente-cinq ans de deux des trois débarcadères à conteneurs du Pirée. Paraphé en présence du président chinois Hu Jintao, le contrat avait valeur d’exemple L’opérateur s’engageait à moderniser les installations et à verser à la société portuaire publique, encore gérante d’un terminal, une redevance annuelle dont les échéances cumulées s’élèveraient à 832 millions d’euros. En mars 2009, le Parlement grec dominé par la droite ratifiait l’accord et y ajoutait des exonérations de cotisations sociales et des allégements fiscaux au profit de Cosco. Les salariés du port public accusaient alors le gouvernement d’accorder à Cosco des « exemptions fiscales de style colonial », situation qui n’était pas sans rappeler celle des Britanniques entrant dans les ports chinois au milieu du XIXe siècle.

Le Pirée : un lieu stratégique et un laboratoire social

Situé sur l’« autoroute » maritime Asie-Europe, relativement proche du canal de Suez, le port du Pirée ouvre aux produits chinois une grandiose porte d’entrée européenne. C’est également une plate-forme de transbordement pour les marchandises asiatiques destinées à la Turquie et aux pays riverains de la mer Noire. Mais plus insidieusement c’est un laboratoire pour tester les méthodes d’exploitation chinoise en Europe. Car du point de vue de la rentabilité c’est un succès : avec un million de conteneurs transbordés en 2011, la concession chinoise surpasse l’activité d’avant-crise, et la mise en service du second débarcadère multiplierait le flux par plus de trois entre 2013 et 2015. Pour ce faire, M. Fu, le directeur de la Cosco a cassé toutes les conquêtes sociales des travailleurs grecs ironisant sur leurs conditions : « Ils voulaient la belle vie, plus de vacances et moins de travail ». Les dockers syndiqués ont été remplacés exhaustivement par du personnel sans statut et payé moitié moins. Les accords collectifs ont été dénoncés, les pensions de retraite baissées sans discussion, le temps de pause réduit. Les ouvriers qui protestaient contre l’insécurité au travail ont été licenciés dans la journée. Les heures supplémentaires sont payées sans majoration et tous les postes ont vu leur personnel réduit. Le terminal Cosco fonctionne désormais avec deux cent soixante-dix permanents, dont sept Chinois, auxquels s’ajoutent plusieurs centaines de travailleurs intérimaires, non formés, recrutés auprès d’un sous-traitant qui les prévient par SMS quelques heures avant l’embauche au gré des besoins du jour. Les syndicats ? « N’en parlons pas, a déclaré M. Fu. Je vous l’ai dit, nos employés sont heureux. » Non loin de là, le terminal public et ses mille trois cents salariés à statut ne parviennent pas à suivre le rythme des nouveaux esclaves. Cette proximité offre un observatoire quasi expérimental d’une délocalisation de l’intérieur : plus besoin de déplacer les industries vers l’Asie quand il suffit d’en importer les normes sociales. Tout cela avec la bénédiction de l’Europe et de la Troïka qui espère bien concéder le terminal public à l’extraordinaire M. Fu, militant communiste modèle.

GXC

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