Les quatre circonscriptions sont les théâtres de batailles politiques acharnées. Les sortants devront se battre jusqu’au bout.
Au nord, la bataille la plus suivie a pour cadre la première circonscription (Bastia). Tout se joue entre le sortant Sauveur Gandolfi-Scheit (UMP), Jean Zuccarelli (PRG) et Gilles Simeoni (Femu a Corsica). Jean Zuccarelli, bien qu’il ne soit pas assuré de l’emporter, a souhaité porter les couleurs des gauches radicale et socialiste. Gilles Simeoni (Femu a Corsica) a abandonné la circonscription Corte/Balagne pour conforter son assise à Bastia dont il veut devenir le maire en 2014. Quelle issue attendre ? Le sortant met en avant un bilan de député de proximité et de défenseur des intérêts de la Corse, et espère voir se porter sur son nom les suffrages ayant placé Nicolas Sarkozy en tête dans la plupart des communes de la circonscription. Jean Zuccarelli qui préside l’ADEC (Agence de Développement Economique de la Corse), se positionne en acteur très impliqué du développement de l’île. Il escompte aussi bénéficier de la victoire de François Hollande dont il a quasiment seul assuré la campagne dans la circonscription, ainsi que d’une triangulaire qui réduirait les reports de voix nationalistes sur le sortant. Mais il redoute les états d’âme au sein du PRG, l’absence d’implication du PS et la focalisation anti-Zuccarelli de la mouvance nationaliste et de tous ceux qui refusent « l’héritier ». Quant à Gilles Simeoni - au demeurant lui aussi « héritier » d’un père (un certain Edmond) et neveu d’un oncle (un certain Max) qui sont loin de n’avoir rien fait pour asseoir l’autonomisme - il espère que la dynamique Femu a Corsica de mars 2010 se poursuivra et assure à qui veut l’entendre que, présent au second tour, il l’emportera en cas de triangulaire. Lui manqueront toutefois les suffrages indépendantistes car les électeurs de cette mouvance n’ont pas du tout apprécié qu’il condamne avec une grande vigueur la récente série d’attentats ayant visé des résidences secondaires. Dans la deuxième circonscription (Corte/Balagne), l’affaire est apparemment pliée. Président du Conseil Exécutif, ancien président du Conseil général de Haute-Corse dont l’actuel président n’est autre que son suppléant, le sortant Paul Giacobbi (PRG) devrait logiquement l’emporter contre Stéphanie Grimaldi (UMP). D’autant que celle-ci risque de pâtir de la défaite de Nicolas Sarkozy et des discordes qui affectent encore la droite. Paul Giacobbi doit toutefois compter avec l’hostilité d’électeurs socialistes et communistes qui lui reprochent ses alliances avec des personnalités de droite et de favoriser le clientélisme. Quant au report de voix nationaliste qui a décidé de sa victoire en 2007, il pourrait s’avérer moins important.
L’heure des jeunes loups ?
Au sud, dans la première circonscription, le maire d’Ajaccio, Simon Renucci, ne manque pas d’atouts. Outre que la gauche administre la Collectivité territoriale et que la droite, il dispose encore d’une forte popularité. De plus, le succès de François Hollande, son apparentement PS à l’Assemblée nationale et sa coloration locale sociale-démocrate lui confèrent une stature de relai insulaire naturel du nouveau président. Mais rien n’est jamais tout rose en politique. La gestion de la commune d’Ajaccio est contestée par une nouvelle génération de droite qui sait où cela fait mal (présence communiste au sein de la Maison carrée, projets suscitant la polémique, montée en puissance de Bastia au détriment d’Ajaccio depuis que la gauche a conquis la Collectivité territoriale). Le sortant doit donc surveiller comme le lait sur le feu l’offensive lancée par Laurent Marcangeli. Fer de lance d’une UMP qui semble faire bloc autour de sa candidature, soutenu par le Conseil général de Corse du Sud ancré à droite, encouragé par un scrutin présidentiel ayant placé Nicolas Sarkozy en tète à Ajaccio et dans de nombreuses communes de la circonscription, Laurent Marcangeli défend sans complexe les valeurs et les idées de la droite. Avantage Simon Renucci. Mais caresser l’électeur dans le sens du poil pour apparaître comme un « tonton Simon » ne suffira pas. Le sortant devra s’employer à rassembler la gauche et les nationalistes sur des bases politiques. Dans la deuxième circonscription (Porto-Vecchio/Sartène), Jean-Christophe Angelini (Femu a Corsica) a déjà goûté à la victoire contre le sortant Camille de Rocca Serra (UMP). Il l’a battu lors des cantonales de mars 2010 et pour ce faire a réussi à unir des modérés, les nationalistes et la majeure partie des électeurs de gauche. Camille de Rocca Serra n’est donc pas à la fête. D’autant qu’il lui faut compter avec des électeurs UMP qui auraient préféré qu’il passe la main au profit de Marcel Francisci. D’autant aussi que la droite a, ces dernières années et outre le canton de Porto-Vecchio, perdu d’autres positions (canton et commune de Bonifacio, canton de Petreto-Bicchisano). « Camilou » ne part cependant pas battu. Il peut compter sur le légitimisme de zones rurales qui, depuis longtemps, sont autant de fiefs et de réservoirs de voix favorables à sa famille. Il a aussi pour atouts indirects le fait que les électeurs de Paul-Marie Bartoli (PRG) et Dominique Bucchini (PCF) voteront pour leur leader s’il peut se maintenir au second tour ou se reporteront très mal volontiers sur un candidat nationaliste. Avantage Camille de Rocca Serra.
Pierre Corsi