La situation en Libye n’est guère réjouissante puisque le pouvoir est désormais détenu pour partie par des anciens islamistes. Certains d’entre eux ont expliqué que désormais la justice en Libye aura pour source la charia c’est-à-dire la justice islamique. Mais le plus grave est l’éclatement du pays. Après l’indépendance de la Libye en 1951, le roi Idriss avait été déposé par une junte dirigée par Mouammar Kadhafi qui avait fondé la "Jamahiriya", littéralement "République des masses" et s’était octroyé le titre de "Guide de la révolution". Le "Guide", devenu colonel dirige d’une main de fer le pays, mais sans toucher aux structures tribales du pays. Kadhafi avait intégré les 140 clans répartis en une trentaine de tribus dans un système basé sur l’alliance de trois grandes tribus, celle des Kadhafi, la tribu des Kadhadhfa (au centre), celle des Warfallah, la plus importante, à l’Est (en Cyrénaïque) et celle des Megariha à l’Ouest (en Tripolitaine). Plus au sud, les Toubou qui occupent le Fezzan avaient fait acte d’allégeance à Kadhafi en 2007. Or tout cela n’est plus que du passé. La nouvelle liberté a permis l’expression des Berbères du Djebel Nefoussa. Population marginalisée par la politique pan-arabique du Colonel, les Berbères ont formé le Comité de coordination des katibas berbères qui a infligé une double défaite aux khadafistes, l’une à Nalut, libérant les villes et villages de Kabaw, Rehibat et Jadu et une seconde à Zentan, libérant cette ville et celles de Kiklah, Yefren et Garyan. Les villes côtières de Zaouia et de Zaoura, bastion historique de l’opposition au régime, sont à leur tour tombées, ouvrant la route de Tripoli, prise pour l’essentiel, par l’Armée de libération berbère libyenne.
Un programme remarquable écrit par les Berbères
Face au CNT qui a rédigé un projet de constitution posant les jalons d’une République islamique démocratique, les Berbères ont tenu à Tripoli un Congrès national amazigh dirigé par le président Fethi Bouzakhar qui a discuté et adopté un programme remarquable : il demande la co-officialité de la langue amazighe et de la langue arabe. La Libye devra être un État démocratique et souverain, avec un régime constitutionnel et parlementaire basé sur la séparation souple et équilibrée des pouvoirs (législatif, judiciaire et exécutif) et la décentralisation. Il sera interdit de constituer des partis politiques sur une base religieuse, régionale ethnique ou tribale et de manière générale, sur toute base discriminatoire ou contraire aux Droits de l’homme. Il garantira l’égalité des libertés et des droits politiques, civiques, économiques, sociaux et culturels pour tous les Libyens (hommes et femmes). L’État veillera à garantir et à protéger l’égalité des chances et le droit à la vie comme premier droit de tout être humain. Il devra donner et garantir les mêmes chances aux personnalités, coalitions et courants politiques afin d’exprimer librement leurs idées et conceptions dans le cadre d’un dialogue serein, pacifique, démocratique et conforme à la loi aussi bien au niveau des droits que des devoirs. Il devra garantir la liberté d’existence sous toutes ses formes – intellectuelle, d’opinion, expressive – à travers toutes les formes de création, de diffusion et d’édition. Ce printemps berbère a trouvé le soutien de la très riche diaspora dans toute l’Afrique du Nord. Il inquiète désormais la junte mafieuse algérienne qui craint plus que tout une nouvelle explosion de la population kabyle. Le peuple berbère, peuple autochtone de la vaste région qui va du mont Atlas au désert saharien, tente aujourd’hui.