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Le mirage de l’immobilier en Europe

jeudi 2 mai 2013, par Journal de la Corse

La Banque centrale européenne vient de rendre publique une étude tout à fait surprenante. Les Allemands sont les citoyens les plus pauvres d’Europe ! En Allemagne la ligne de partage médiane tracée entre les patrimoines est de 51.000 euros contre 102.000 euros pour les Grecs, 116.000 pour les Français, 183.000 pour les Espagnols et 266.000 euros pour les Chypriotes ! Et pourtant l’Allemagne est la première puissance financière européenne et peut même se vanter d’une balance commerciale largement bénéficiaire au contraire de tous les autres pays cités ci-dessus.

Une pauvreté qui est une richesse et une richesse qui est une pauvreté

En fait, la richesse est essentiellement constituée dans le patrimoine des ménages par l’immobilier. Or pour des raisons culturelles, les pays du Nord ne spéculent pas sur la pierre et ne la conçoivent pas comme une valeur refuge ce qui est le cas dans les pays latins. À Berlin, le prix du mètre carré est de seulement 2.400 euros, soit le prix de villes comme Besançon, Mâcon ou Angers. On est bien loin des 8.300 euros observés à Paris ou des 4000 euros d’Ajaccio. Les citoyens de l’Europe du Nord n’hésitent pas à louer ou à bouger quand le travail l’exige. On n’y trouve pas cet attachement viscéral à l’endroit d’habitation. Or le prix de l’immobilier est une illusion. Les prix grimpent et descendent en fonction de l’offre et de la demande, souvent par effet de mode. En fait ce marché est soumis aux désirs la haute classe moyenne locale ou étrangère. Mais, on l’a vue avec les subprimes, cette bulle peut crever en quelques semaines. À Madrid, Barcelone ou Athènes, les prix se sont écroulés, laissant des propriétaires surendettés et les banques avec de solides ardoises. De surcroît, par le truchement des hypothèques, de nombreux ménages ont vécu à crédit, encouragés en cela par des prêts sur trente voire cinquante ans.

Une spéculation dramatique pour les économies du sud

Plus inquiétant : la hausse de l’immobilier a laminé la compétitivité des pays du Sud. En France le logement occupe en moyenne un tiers du budget familial, souvent plus pour les familles les plus pauvres. Cela a donc eu un impact direct sur la consommation et la hausse salariale. L’Allemagne a pu pratiquer la modération dans ce domaine durant les années 2000 car les prix de l’immobilier permettaient de se loger avec un salaire modeste. Dans les pays latins, l’attitude a été inverse. Les prix ont grimpé donnant l’impression aux citoyens de s’enrichir alors que ceux-ci payaient le surcoût à travers leurs salaires ou leur endettement. Les seuls qui tiraient bénéfice de la situation étaient les promoteurs. Cette situation s’est aggravée avec la crise actuelle. En Espagne 57% des jeunes de moins de 30 ans sont au chômage et ne peuvent même pas rêver habiter ailleurs que chez leurs parents. En France, on constate que des jeunes, sortis des meilleures écoles, partent s’installer à Berlin, dans les pays scandinaves, aux États-Unis ou au Canada, parce qu’ils n’arrivent pas à se loger à Paris. L’hémorragie est encore pire dans les pays méditerranéens laminés par les absurdes programmes d’austérité décidés par le FMI et l’Europe. Au lieu d’alimenter l’économie réelle, l’épargne s’est fossilisée dans l’illusion de la pierre. L’ISF un impôt qui favorise les riches.

Des impôts conçus à l’origine pour créer plus de justice sociale se sont retournés en leur contraire. Les pays latins cultivent la symbolique. On aime chez nous que les riches soient punis pour leur statut social. Même la droite n’a pas osé supprimer l’ISF. Or cet impôt est basé sur une valeur fictive souvent immobilière. Ainsi il touche mortellement les franges des classes moyennes directement touchées par l’avalanche d’impôt nouveau. En Corse par exemple, celui qui possède un bien surcôté doit s’acquitter de l’ISF comme le pêcheur de l’île de Ré. S’il ne le peut pas il doit se séparer de son bien au profit de plus riche que lui. C’est ainsi que le système se débrouille toujours pour favoriser les plus nantis. La question est maintenant de savoir combien de temps cela pourra durer. Les trois quarts des exportations allemandes sont intracommunautaires. Quand l’arc méditerranéen de l’Europe s’appauvrit c’est à terme l’Allemagne qui perd. Il lui reste néanmoins une énergie qui fait singulièrement défaut à l’Europe du sud. Peut-on changer une culture en quelques années ? Assurément non. Il faut donc réfléchir aux alternatives mais vite.

GXC

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