Si le petit peuple chypriote ne se trouvait pas dans une situation aussi tragique, le remède économique imposé par l’Europe à cette petite île de l’Europe orientale, prêterait à rire. Le système capitaliste ultralibéral a pratiqué l’un des plus gros hold-up sur les plus riches clients des trois principales banques locales. En affirmant vouloir guérir le malade, il se tire une balle dans le pied en prêtant une dizaine de milliards d’euros aux banques afin de rembourser ses clients qui seront tout de même privés de 40% de leurs avoirs. Pris de court, l’Europe des banques et le FMI doivent tout de même sacrifier deux de ses établissements bancaires pour en sauver un. Avec à la clef, un départ massif des milliardaires russes, grecs et anglais qui du coup laissent les seuls chypriotes payer la note, une note si lourde qu’il faudra au mieux des années pour l’éponger.
Des intérêts mal définis
La colère du parti de gauche et plus particulièrement celle de Jean-Luc Mélenchon concernant Chypre sont relativement mal venues. Car s’ils ont eu raison de dénoncer les conséquences catastrophiques que vont devoir subir tous les Chypriotes, toutes catégories sociales confondues, ils ont oublié de stigmatiser le paradis fiscal qu’était l’île. Car c’était un lieu de spéculation financière privilégié en Europe au même titre que les îles anglo-normandes ou le Luxembourg. Le secteur bancaire représentait près de huit fois le PIB et les banques chypriotes jouaient avec l’argent de leurs riches clients comme on joue au casino. Tous les Chypriotes à divers niveaux ont profité de cette manne parfaitement immorale. Et l’Europe l’a toléré tant que les banques donnaient l’impression de pouvoir tenir le coup. C’est en définitive la débâcle grecque et non la volonté de justice de l’Europe qui a mis un terme à cet indécent trafic de devises. Qu’on ne vienne donc pas nous seriner la chanson du malheureux chypriote brisé par la spéculation. L’économie de Chypre était devenue un casino pour milliardaires douteux et n’aurait jamais dû être acceptée dans l’Union européenne. Le Front de Gauche a dénoncé le talon de fer du FMI et de la banque européenne mais n’a pas pipé mot sur l’origine des fonds russes et anglais, le plus souvent produits par la spéculation et la spoliation d’autres peuples qui ont fait la richesse de Chypre durant des années ? Pourquoi le contribuable européen devrait continuer à financer les intérêts payés aux milliardaires russes ou anglais ?
Il est certain que, durant les crises, ceux qui ne possèdent quasiment rien, perdent plus que ceux qui ont beaucoup.
La ruine bancaire va provoquer le chômage pour une majeure partie des 11.000 employés de Bank of Cyprus et des 8.000 salariés de Laiki, alors que le chômage a doublé en un an (à près de 15% en début d’année). Bref, une fois encore le capitalisme démontre qu’il ne possède pas de remèdes aux maladies auto-immunes qui le rongent.
Généraliser la solution chypriote ?
En juin dernier, la Commission européenne avait déjà proposé une directive sur la résolution des crises bancaires qui prévoyait de mettre à contribution tous les créanciers obligataires y compris ceux dont les fonds se situaient en dessous des 100.000 euros garantis par la Banque européenne. Jeroen Dijsselbloem, le président de l’Eurogroupe, a alors fort imprudemment déclaré que le cas chypriote représentait une nouvelle doctrine pour l’ensemble de l’Union européenne, l’objectif étant que le Mécanisme européen de stabilité (MES), destiné à recapitaliser directement les banques en difficulté, n’ait jamais à être utilisé. Les bourses ont aussitôt plongé car cela revenait à indiquer aux spéculateurs mais aussi aux petits contribuables qu’ils risquaient la confiscation d’une partie de leurs avoirs en cas de difficultés bancaires ce qui a permis à Poutine d’affirmer sans rire que c’était là des "méthodes bolchéviques". Le président de l’Eurogroupe a ensuite corrigé ses propos quelques heures plus tard. Mais le mal était fait. Pour beaucoup de partisans du libéralisme financier, l’Europe n’a pas trouvé de modèle pour garantir sa stabilité financière c’est-à-dire que l’idée d’une union bancaire pour briser le lien entre les dettes souveraines et des systèmes bancaires fragiles n’est pas acceptée par les pays plus forts quand il s’agit de partager le fardeau. Préparons-nous à des jours difficiles. Car le malheur des uns est contagieux pour tous les autres. Le prochain domino à chuter pourrait bien être l’Italie qui ne parvient pas à se stabiliser politiquement. Et alors gare aux dégâts ! Car il s’agira de renflouer la troisième puissance européenne affligée d’une dette atteignant 127% de son PIB.
GXC