Accueil du site > Societe > Le Tsar Poutine réveille la troisième Rome : Le retour des chrétiens (...)
 

Le Tsar Poutine réveille la troisième Rome : Le retour des chrétiens d’orient

jeudi 4 avril 2013, par Journal de la Corse

La corse est une terre éminemment chrétienne, nous le savons puisque le Pape demeure notre roi depuis la dédition de Pépin le Bref au Saint Père. Notre hymne n’est-il d’ailleurs pas un cantique à la vierge le « Dio vi salve regina ». Il m’a semblé intéressant pour nos compatriotes de questionner Vladimir Fédorovski sur le nouveau positionnement de la Russie dans le conflit islamo chrétien. Vladimir Fédorovski est l’écrivain russe le plus édité en France. Ancien diplomate, il a été attaché culturel à l’Ambassade soviétique à Paris en 1977, puis chef du cabinet du ministre Petrovski au ministère des Affaires étrangères à Moscou. Il est l’inspirateur de la Perestroïka en 1983. De 85 à 90 il sera le promoteur de la Perestroïka en France comme conseiller diplomatique de Gorbatchev. Il est aujourd’hui considéré comme un spécialiste de la politique et de l’histoire russe. Il vient de publier Le roman des Tsars qui fait défiler les quatre cents ans de vie des Romanov.

Cher ami, que pensez-vous de Vladimir Poutine ?

La question était directe et même banale, mais elle eût le mérite de marquer un temps dans le déroulement des agapes assourdies par la musique russe. Après avoir réfléchi un temps et avalé une bouchée de caviar « oscietre » accompagné d’un verre de wodka des Tsars, Vladimir Féderovski répondit. Avec Vladimir Poutine la boucle est bouclée : l’espion est devenu chef du Kremlin. Jadis déjà, le couple inattendu - tsar et espion - constitua une clé irremplaçable pour décrypter l’univers secret de ce haut lieu du pouvoir.

Vous pensez que le Kremlin fait rêver ? Je dirai plutôt que Saint Petersburg par sa beauté nous impressionne.

Si Saint-Pétersbourg nous fait rêver, le Kremlin fascine par son lourd passé. Sa chronique est remplie d’orgies, de meurtres, de complots, d’abandons soudains et de redressements cruels. La muraille du Kremlin reste le symbole de cette « énigme drapée de mystère », dont parlait Winston Churchill.

Winston Churchill !? Vous, les russes ne cultivez-vous pas la nostalgie accompagnée des grands noms de l’histoire du monde : Churchill, Napoléon etc…

Derrière ces murs, le pire comme le meilleur s’est cultivé à travers les siècles : Dieu, les rêves de grandeur, d’évasion, d’aventure, la fuite en avant, l’avenir. Les souverains, à travers leurs triomphes, leurs reculs, les tragédies ou leurs folies, ont souvent poursuivi les mêmes buts. Leurs victoires, les enseignements nés de leurs défaites, tout ramène au Kremlin où se dressent des cathédrales votives ou expiatoires. Les tsars y sont couronnés et ensevelis, souvent assassinés.

Certes, le kremlin avec ses tours en bulbe fascine les occidentaux par son architecture onirique. Mais derrière cette féerie apparente l’occidental devine un monde secret de crimes quasi shakespearien.

Ce château fort qui fut fondé par hasard pendant une partie de chasse miraculeuse, demeure au cœur de l’histoire depuis Ivan le Terrible jusqu’à Vladimir Poutine. En ces lieux, le monde slave a donné libre cours à son génie, le meilleur et le pire, laissant l’esprit cartésien déconcerté. A Saint-Pétersbourg, un voyageur se trouve déjà quelque part en Europe, au Kremlin, il plonge dans l’univers insolite d’une Russie authentique. L’aventure, le défi et surtout le sang, de siècle en siècle, d’année en année ont scellé ses pierres, teint toutes ses icônes.

Alors, Poutine ?

A Vladimir Poutine m’a laissé l’image d’un homme aux multiples visages, caché derrière une succession de masques. Dans la tradition byzantine des souverains russes. Il a visiblement appris à jouer de nombreux rôles. Il avait jusqu’alors donné l’image d’un homme excellent dans l’art de brouiller les pistes. Ce fut du moins l’impression qui me vint à l’esprit quand, au début des années 1990, à Saint-Pétersbourg, j’eus l’occasion de l’observer pour la première fois en privé. Aujourd’hui, l’actuel chef du Kremlin occupe l’ensemble du spectre politique, cultivant avec aisance une formidable ambiguïté. Il assume sans problème le passé soviétique et l’histoire de l’empire des tsars ; il est nationaliste et universaliste, progressiste et passéiste, étatiste et libéral à la fois. Et dans sa démarche, il s’appuie sur un argument de taille, affirmant que, sous sa houlette, la Russie est devenue un état « riche et respecté ».

Et le peuple est d’accord ?

« Le peuple russe possède une longue tradition de tsars forts », proclame aujourd’hui le président Poutine. Cette année – à l’occasion du 400e anniversaire de la dynastie des Romanov –, il a joué avec finesse en induisant la référence idéologique à l’empire des tsars comme symbole de l’ordre et de la grandeur du pays.

Que penser de cette stratégie ?

En mettant la haute main sur tous les joyaux de l’empire, le clan de Poutine semble renouer avec la tradition autocratique. Dans la plus grande opacité, il dirige à la fois le pétrole et le gaz, l’industrie de l’armement et les télécoms, les mines d’or et les grandes chaînes de télévisions, la banque centrale, le Parlement, l’armée et les services secrets, la police et les régions…

Est-ce que ça peut marcher ?

Pour éviter la catastrophe nationale, Poutine a préconisé un seul antidote : la renaissance des structures étatiques, détruites par le chaos postcommuniste.

Avant le chaos post communiste, il y a eu le chaos communiste, le stalinisme, la guerre et tout ce fatras - un bloc comme dit Clémenceau qui avait appliqué cette idée à la révolution française -, dont le bilan Lénine compris est de 25 millions de morts. Que peut y faire Poutine ?

On voit ici le pont historique établi par Poutine qui se voit lui-même en réincarnation du premier des Romanov, choisi par la Providence pour sauver le pays après le temps des troubles « postcommuniste », au nom de la grandeur de la Russie. Voilà le stratagème secret de l’actuel maître du Kremlin.

Poutine égal des Tsars, nouveau Tsar ?

L’autre analogie entre Poutine et les grands tsars, c’est son christianisme assumé. Or, la vision chrétienne de la chose publique est basée non pas sur l’affrontement entre une majorité et une opposition, mais sur l’idée de concorde et de cause commune.

Les occidentaux considèrent ça peut-être comme une insulte à la démocratie ?

Fidèle à la tradition tsariste, Poutine considère que la vie démocratique est devenue en Occident une sorte de délassement. « On y joue à la démocratie pour la galerie ». Mais il croit au fond que l’Europe et l’Amérique sont plus oligarchiques encore que la Russie : certes, le Kremlin s’efforce avec difficulté de « museler » ses oligarques, alors que les pays occidentaux sont de plus en plus dépendants du pouvoir de l’argent.

En fait, il se rend davantage complice des Tsars comme le syrien Assad que des démocrates d’occident.

En assumant sa politique en Syrie, Poutine se place aussi dans la rhétorique tsariste de soutien de tous les chrétiens d’Orient qui, selon lui, ont été lâchement abandonnés par l’Occident au profit du soutien aveugle des extrémistes islamistes.

Comment voyez-vous la chose ?

Selon l’actuel chef du Kremlin, la nouvelle identité nationale de la Russie est celle d’un peuple bâtisseur d’empire – russe, tsariste puis soviétique –, diluée en quelque sorte dans l’identité soviétique, et qui semble puiser sa source principale dans l’allégeance à l’État. L’essence de ce concept trouve ses racines au milieu du xixe siècle, dans une forme d’organisation étatique caractérisée par un pouvoir central puissant, un mécanisme efficace de succession sur le trône des tsars et la présence d’un dirigeant fort, marqué par l’influence de l’orthodoxie devenue de facto l’idéologie étatique de la Russie postsoviétique.

Le pouvoir central dyarchique serait-il incarné par le tandem Président/Premier ministre, le méchant et le bon, la brute et le gentil ?

Contrairement aux clichés établis en Occident, le duo qui gouverne la maison de Russie n’est pas représenté par Poutine et son actuel premier ministre, Medvedev – ce dernier reste ce qu’il a toujours été : un simple collaborateur de son patron. Comme à l’époque des premiers Romanov, le patriarche de l’Église orthodoxe russe joue le rôle éminent de copilote du gigantesque bateau russe.

On ne connaît guère en France, et encore moins en Corse, cette autre France qui n’est française que pour les français et quelques vétérans de la guerre, le Patriarche de l’église russe.

Aujourd’hui, le patriarche Kirill est devenu sans conteste un grand acteur politique charismatique. « N’écoutez pas les provocateurs, restez à la maison et priez », lança-t-il à la télévision en février 2012, à la veille des manifestations organisées contre les fraudes aux élections législatives. « Les droits de l’homme sont un prétexte aux insultes contre les valeurs nationales », répéta-t-il encore.

Faut-il vraiment y croire ?

Une petite phrase ô combien symbolique fut lâchée lors d’une rencontre avec Vladimir Poutine : « Votre présidence est un miracle »… Il y a quatre cents ans, l’élection du premier tsar de la dynastie des Romanov avait également été présentée par l’Église orthodoxe comme un miracle…

Conclusion ?

En 1991, on a pensé à la « fin de l’histoire », selon la célèbre formule de Fukuyama. Mais en Russie, c’est l’histoire des tsars sans fin !

Vladimir Fédorovski interwievé par Maître Jean-François Marchi

Répondre à cet article