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La victoire judiciaire et morale d’un journaliste indépendant

jeudi 10 novembre 2011, par Journal de la Corse

Le journaliste indépendant Enrico Porsia vient de remporter une belle victoire judiciaire qui est aussi une victoire morale. Camille de Rocca Serra et Ange Santini l’attaquaient en diffamation sur quatorze passages de son enquête relative au PADDUC. Son travail avait déjà été jugé sérieux, d’utilité publique et objectif par la première instance. Jugement entièrement confirmé en appel ce qui est rarissime. Cette décision de justice offre une belle victoire à un homme qui s’est battu presque seul contre une certaine nomenklatura insulaire.

Une enquête sérieuse et digne de foi

J’ai été, avec Gérard Bonchristiani, président de l’association de préservation du littoral de Porto- Vecchio, l’un des deux Corses à témoigner en faveur d’Enrico Porsia lors du premier procès. Nous aurions dû être des dizaines, des centaines à le soutenir. Nous n’avons hélas été qu’une poignée. J’avais pris sa défense lorsque, sur les ondes de RCFM, un de ses confrères s’est permis de qualifier son enquête de « délation » offrant ainsi une bien piètre opinion de son propre engagement au service de l’information. J’ai également accepté de témoigner parce qu’Enrico Porsia vit en Corse et, qu’à mes yeux, il appartient à notre communauté de destin. J’ai ainsi agi parce qu’il m’a semblé que l’enquête menée par Enrico Porsia avait été menée avec sérieux. Je n’ai pas témoigné contre MM. de Rocca Serra et Santini mais en faveur du travail exécuté par Enrico Porsia, journaliste libre et intègre. J’avoue que la superbe de ces deux politiciens m’a prodigieusement agacé. Leurs communiqués ont opposé leur statue voire leur stature à « un petit journaliste » et un « petit site internet ». Il se trouve que je préfère en règle générale les David aux Goliath et que j’en ai plus que souper de ces allures de sgiò qui méprisent les plus faibles qu’eux. Oui, mille fois oui, Enrico Porsia avait le droit voir le devoir de mener cette enquête qui a contribué au retrait du fameux PADDUC.

Le lynchage d’un journaliste

J’ai trouvé proprement scandaleux l’absence de solidarité qui a entouré l’attentat dont Enrico Porsia a été la victime à Conca, le village de son épouse, attentat évidemment provoqué par ses nombreuses enquêtes locales. Au lieu d’afficher un soutien de principe à l’égard d’une victime de ce qu’il faut bien appeler une forme de terrorisme, une majorité d’élus n’a rien trouvé de mieux que « d’accepter un débat » à l’Assemblée qui portait non pas sur le soutien à apporter à un journaliste menacé dans son travail et son intégrité mais sur la condamnation du dit journaliste lui accrochant ainsi une cible dans le dos. Je ne saurais exprimer la dimension de ma déception causée par ces puliticanti qui lorsqu’ils étaient les victimes d’inacceptables attentats requéraient (à juste titre) au nom de l’indispensable démocratie le soutien de tous, un soutien refusé à Enrico Porsia. C’est d’ailleurs le message que semble vouloir faire passer la classe politique après l’attentat contre Charlie Hebdo. On peut être en désaccord avec un journaliste. On ne saurait lui marchander sa solidarité quand il est menacé.

La victoire du droit d’informer

Jusqu’à l’extrême limite et l’extrême indécence, le pouvoir en place a tenté de faire pression sur le tribunal parisien (ce sont les plaignants qui ont choisi le dépaysement continental espérant vraisemblablement une victoire facile) produisant une attestation étonnante en faveur de Camille de Rocca Serra produite par un certain Daniel Courtois, secrétaire administratif chargé de l’instruction des lotissements à l’époque des faits qui témoigne par ce document produit en septembre 2011, de la légalité du lotissement effectué par Camille de Rocca Serra. Mais fait étonnant, ce document qui n’apporte rien au débat, est contresigné par l’actuel préfet, M. Strozda, lequel n’avait alors rien à voir avec la Corse. Pour qu’il accepte une pareille manœuvre, il a fallu le préfet de région ait l’aval de son ministre, M. Guéant, le conseiller du président de la République. La victoire d’Enrico Porsia est donc d’autant plus notoire qu’elle est celle d’un homme que le système clanique a isolé et a cherché à détruire en jouant sur l’insinuation, la rumeur et pour finir la condamnation publique, condamnation votée en assemblée plénière par un troupeau d’élus dont on ne sait trop s’il a agi par conviction, par panurgisme aigu ou par souci de défendre les privilèges d’une caste locale. Cela n’a néanmoins pas brisé l’isolement d’Enrico Porsia puisque la presse locale a accompli à son égard le minimum syndical voire un peu moins se contentant de relever l’arrêt de la cour d’appel sans chercher à en saisir la portée symbolique.

Gabriel Xavier Culioli

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