Abdullah Demirbas, maire de Sür (ville du Kurdistan turc) était, fin octobre, à la tête d’une délégation en visite à Ajaccio, à l’initiative de l’association « Amitié Corse-Kurdistan » et du PCF. Loin de faire du tourisme, les Kurdes ont souhaité sensibiliser les Corses sur la répression qu’ils subissent. À cet effet, ils ont rencontré la plupart des groupes politiques de l’assemblée de Corse. Objectif : lancer un appel –de plus- à la solidarité.
C’est une visite peu commune à laquelle ont eu droit la plupart des groupes politiques, il y a une dizaine de jours dans les bureaux de l’Assemblée de Corse. À l’initiative de l’association « Amitié Corse Kurdistan » et avec le soutien du PCF, une délégation kurde était en visite à Ajaccio afin de sensibiliser l’opinion publique et les élus insulaires sur la répression qui frappe son peuple. Un problème auquel ont été, il faut le souligner, sensibles, la plupart des groupes politiques. À la tête de cette délégation, Abdullah Demirbas, maire de Sür et membre du Parti pour la paix et la Démocratie (BDP), accompagné d’Eyyup Doru, représentant du parti kurde en Europe, Fidan Dogan, représentante du conseil national du Kurdistan, basé à Bruxelles et de deux journalistes issus de la principale agence de presse kurde.
8.000 arrestations en trois ans
À chaque groupe, Adbullah Demirbas a présenté la situation actuelle après avoir fait un historique de son pays et des luttes soutenues par le peuple kurde. « Nous sommes 40 millions de Kurdes dont la moitié en Turquie, a-t-il rappelé, entre le Proche et le Moyen-Orient mais nous sommes sans Etat, répartis entre quatre pays : La Syrie, L’Iran, L’Iraq, des régimes totalitaires et la Turquie. Dans ce pays, nous n’avons aucun droit. Nous sommes considérés comme des Turcs, on ne tient pas compte de notre langue maternelle, que l’on nous interdit de parler et de notre culture. Et si l’on veut dé fendre nos idées de manière démocratique, nous passons pour des terroristes et subissons une répression constante. Je suis, pour ma part, la voie démocratique mais cela ne les pas empêché de me condamner à 480 ans de prison. » Depuis trois ans, 8000 personnes ont été arrêtées en Turquie. Parmi elles, la plupart des responsables politiques kurdes, notamment Abdullah Öcalan, leader et chef fondateur du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) (emprisonné depuis 1999) mais aussi des députés, maires, conseillers régionaux, avocats, intellectuels ou étudiants. Pour se faire entendre, des centaines de prisonniers politiques ont entamé, depuis le 12 septembre dernier, une grève de la faim. Tandis que de nombreux jeunes n’hésitent pas à prendre le maquis. « La politique du gouvernement turc pousse les jeunes vers la violence, déplore Adbullah Demirbas, il n’a aucun projet cohérent nous concernant et pratique la répression en multipliant les actions militaires. Il n’entend pas notre voix, c’est la raison pour laquelle nous souhaitons sensibiliser d’autres peuples comme le peuple corse mais aussi la communauté internationale dans son ensemble et la France, pays des droits de l’homme. »
Une délégation corse au Kurdistan le 21 mars ?
Le mardi 23 octobre, la délégation kurde a été reçue par Dominique Bucchini, président de l’Assemblée de Corse. Ce dernier a souligné « l’histoire particulière du peuple kurde. Un peuple nié dans ses droits et victime d’une répression qui constitue la seule réponse de l’Etat à ses revendications légitimes. » D’autres groupes ont été sensibles aux revendications kurdes, notamment Femu a Corsica, dont Jean-Christophe Angelini a tenu à apporter le soutien. « À travers notre démarche, nous voulons confronter notre combat à celui vécu et mené ailleurs, et notamment celui du peuple kurde. » Après quelques jours de rencontres et débats, la délégation kurde a quitté la cité impériale assurée du soutien d’une large majorité de Corses. Mais il ne s’agit là, sans doute, que d’un premier pas. Le 21 mars prochain, les Kurdes célèbreront la fête de la Liberté. « Nous souhaitons, à cette occasion, inviter à notre tour, une délégation corse » a conclu Abdullah Demirbas. Une invitation qui ne devrait pas rester sans réponse…
Ph.P.