La France est gouvernée par une bande de la banlieue ouest de Paris dont les membres ont fini par perdre le contact avec la réalité quotidienne. Entre un président qui, tout en trépignant comme un enfant gâté, enfile les bévues comme des perles et des ministres qui n’en finissent pas de s’enferrer dans les mensonges, force est de constater qu’aujourd’hui la patrie des droits de l’homme ressemble à un capharnaüm épouvantable.
Une magistrature sous pression
Les magistrats ont eu raison de se révolter. Ces soutiers de la politique répressive n’en peuvent plus. En trente ans, la population pénale à presque triplé. L’incarcération préventive censée être l’exception, est devenue une règle. Les 800.000 gardes-à-vue de l’année 2010 ont totalement obstrué le système. Que les petites mains de la répression ordinaire osent lever la tête et dire « ça suffit » est d’une certaine manière rassurant. Pour autant, il serait bon de ne pas s’en tenir à l’apparence du problème et rappeler un certain nombre de vérités aux magistrats à commencer par ceux du siège. Ils ont tout accepté du pouvoir : les lois liberticides, l’allongement de la garde-à-vue, les condamnations toujours plus sévères qui frappent évidemment les plus misérables. Combien de ces procureurs, qui aujourd’hui haussent le ton, se sont hier couchés au premier rappel à l’ordre de la Chancellerie. Debout, couchés … Et les voilà aujourd’hui sommés de se mettre à plat ventre sur le dos, une position particulièrement inconfortable.
Le miracle de la révolte actuelle
Aujourd’hui, cette noblesse de robe se lève enfin et remet un peu d’ordre dans sa toilette. Miracle ! Que n’a-t-on entendu ces hommes de robe protester quand le pouvoir exonérait ses princes de peine alors que pour des péchés véniels, ils réclamaient contre les misérables des peines de prison. Et quel silence lorsque le pouvoir a multiplié les juridictions spécialisées : antiterrorisme, JIRS bafouant les droits les plus élémentaires de la défense. La France a mis sur pied une mesure tout à fait particulière : le témoignage sous X qui permet à n’importe qui de dire n’importe quoi et d’envoyer son ennemi en prison sans jamais courir les risques qui donnent à la citoyenneté sa grandeur. Le procureur est ici seul juge de la validité de ce qu’il faut bien appeler une délation protégée. Et pas une protestation parmi les magistrats instructeurs qui se sont fait un plaisir d’utiliser cette infamie afin de mettre au tapis ceux qu’ils n’arrivaient pas à coincer en toute justice.
Une justice injuste pour une société injuste
Les magistrats n’ont pas les moyens de leur métier. Certes. Mais encore faudrait-il qu’ils définissent précisément leur fonction dans la société. La justice peut-elle être socialement impartiale ? J’en doute. Pour l’heure, le travail essentiel de la justice consiste à réprimer les délits commis par les misérables (et il faut le faire) et à absoudre les puissants pris la main dans le sac. La crise sociale produit de la misère et agrandit la fracture sociale. 40 % de chômage parmi les jeunes des cités et 5 % dans les beaux quartiers de Paris n’est pas exactement le creuset d’une régression de la délinquance. La répression est nécessaire mais à la condition qu’elle s’appuie sur un sentiment d’égalité de traitement. Et ce raisonnement tient pour les CRS qui ont réussi à faire plier Brice Hortefeux. Si ces casqués sauvent des vies et protègent les braves gens, alors nous n’en manquons pas. S’il s’agit d’aller briser des grèves et matraquer des malheureux dès que l’ordre des puissants est menacé, alors leur révolte ne me concerne pas. Nous n’allons tout de même pas passer notre temps à manifester pour demander plus de prisons, plus de CRS et plus de répression. Ce serait un comble.
Des magistrats qui ne sont pas au-dessus des lois
Les magistrats doivent pouvoir travailler dans de bonnes conditions. C’est leur intérêt et celui de la société. Mais ils ne sont pas pour autant au-dessus des lois. Ils ont donc eu tort de se taire après la promotion du juge Burgaud, coresponsable du désastre d’Outreau. Ils ont tort quand ils ne désignent pas comme coresponsable le procureur en charge de cette affaire alors que tant de pauvres gens ont eu leur vie brisée à cause d’erreurs de magistrats. La justice est dépendante de la société dans laquelle et pour laquelle les magistrats travaillent. Ils en sont également responsables en tant que citoyens. Ou alors ils ne sont que des rouages et les rouages restent silencieux.
Gabriel Xavier Culioli