Les menaces de disparition qui pèsent sur la SNCM sont anciennes. Mais jusqu’à maintenant, l’État avait toujours trouvé des « trucs » pour sauver une entreprise dont nous savions tous que sa gestion d’un autre temps la mettait en danger. Ses principaux ennemis ont été ce laxisme étatique qui a permis la dégradation de la situation, l’intransigeance invraisemblable de la CGT qui a joué l’immobilisme plutôt qu’une adaptation intelligente et enfin les règles du libéralisme imposées par Bruxelles. Ce dernier aspect du problème resitue la situation de la SNCM dans un contexte méditerranéen particulièrement dramatique marqué à l’ouest par une quasi-faillite économique des états européens de la rive nord, et à l’orient ainsi qu’au sud par des conflits et un risque de déflagration générale.
La Corse île de la Méditerranée
Le capitalisme c’est la guerre. L’histoire le démontre. Ce système économique a pour raison d’être un profit maximum. Il a besoin à chaque fin de cycle de provoquer des dégâts tels qu’ils permettent une reconstruction des forces productives afin que le marché redémarre. Or aujourd’hui, le capitalisme, dans sa version caricaturale financière, détruit la consommation et les classes moyennes, ces locomotives des sociétés modernes. Mais il ne parvient que difficilement à faire émerger de nouveaux marchés en favorisant la spéculation au détriment d’une production locale. Jusqu’à peu, l’étatisme français avait masqué cette réalité cruelle en subventionnant à tout va des secteurs qui ne pouvaient que disparaître. La SNCM, compagnie publique, a, dans le passé usé et abusé de l’argent du contribuable dénaturant au passage la notion de service publique. Privatisée, elle n’a trouvé de "rentabilité" que grâce aux subventions versées par l’état via la Collectivité corse encore et toujours au nom du service public. Les principaux bénéficiaires de cette manne étaient les marins marseillais dont les exigences envers la Corse ont toujours été arrogantes et méprisantes. Les syndicats, ont toujours joué un conservatisme qui n’est en définitive que la défense d’intérêts égoïstes à court terme, feignant d’ignorer que le monde changeait. Veolia, quant à elle, n’a jamais voulu rentrer dans le capital de la SNCM mais y a été obligé par l’état. Aujourd’hui, c’est l’heure des bilans et la SNCM pourra faire toutes les grèves qu’elle voudra : elle ne peut plus continuer ainsi. L’espace maritime européen est en pleine crise. La Grève concède ses ports aux plus offrants. Barcelone ne parvient pas à affronter la concurrence des ports du nord européen. Le port de Lisbonne est en déshérence. Plus généralement, les pays du Maghreb vivent une révolution qui, hélas, tourne dans bien des cas, au profit des islamistes. En Syrie, la guerre civile fait rage et menace tout l’équilibre local. En Turquie enfin, les modernistes se battent le dos au mur contre un pouvoir religieux chaque jour plus agressif.
Un pouvoir au jeu trouble
Nous autres Corses possédons une capacité infinie à nous prendre pour le nombril du monde et à toujours et à penser nos difficultés en les isolant de leur contexte général. De surcroît la crise subie par le corps politique rend plus confuse encore la situation. L’attitude de Paul Giacobbi et de Paul Marie Bartoli est, pour le citoyen moyen parfaitement incompréhensible. Les journalistes Enrico Porsia et Alain Verdi ont dénoncé la fable énoncée par Paul Giacobbi quant aux sommes que les compagnies maritimes auraient escroqué à la région. Entre vrais mensonges, demi-mensonges et fausses vérités, on y perd son latin. Mais on a surtout le sentiment que M. Giacobbi a décidé de se débarrasser à terme de ses alliés communistes au profit des nationalistes modérés. Ainsi défend-il du bout des lèvres une SNCM qu’il juge à juste titre condamnée. Mais son verbe est contradictoire, péremptoire et pour tout dire aboutit au contraire d’une clarté nécessaire. Quoi qu’il en soit, voilà la Corsica Ferries en position dominante et bientôt monopolistique. La SNCM appartient à un monde qui s’écroule. La Corsica ferries avec ses comptes opaques, son habileté à jouer sur les différents statuts se situe, quant à elle dans la modernité. Les syndicalistes qui se battent pour conserver la situation précédente appartiennent au camp des perdants. Ils finiront par négocier pour eux et pour eux seuls des départs à la retraite avantageux oubliant un service public qu’ils ont si souvent invoqué et si mal servi. Il est des problèmes qui ne possèdent pas de solution tant qu’on ne change pas l’hypothèse de base. La question des transports est une question essentielle pour une île. Au train où vont les choses nous allons vers un blocage total qui démontrera seulement que dans une Europe est ultralibérale l’étatisme n’a plus droit de cité. La SNCM n’est que l’un des pans du mur ancien qui s’écroule.
GXC