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La Méditerranée en grand danger

jeudi 23 juin 2011, par Journal de la Corse

Un récent article dans un quotidien espagnol mettait l’accent sur les dangers qui pèsent d’ores et déjà sur la Méditerranée, notre mer : destruction de l’habitat, surpêche insensée, pollution, réchauffement de la planète et déversement massif d’engrais agricoles et d’eaux usées qui frappent de plein fouet les quelque 17 000 espèces vivant dans la Méditerranée. « Et ces menaces vont probablement s’aggraver à l’avenir, en particulier celles liées au changement climatique et à la dégradation de l’habitat », estimait une des rédactrices de l’étude, Marta Coll, chercheuse pour le CSIC [équivalent espagnol du CNRS français] à l’Institut des Sciences de la mer (ICM) de Barcelone.

Plus de 600 espèces animales venues d’ailleurs

Et les dangers se multiplient. Car il est désormais établi que les mafias italiennes se servent de la Méditerranée comme poubelles nucléaires. Elles achètent de vieux rafiots qu’elles chargent de déchets nucléaires que leur ont confié des sociétés ayant pignon sur rue puis coulent ces vaisseaux entre l’Italie et la Corse. Pourtant, l’autre danger vient du réchauffement climatique. Des mutations de la Méditerranée sont attestées par l’invasion de plus de 600 espèces « étrangères » qui ont envahi notre espace marin. Plus de la moitié viennent de la mer Rouge et sont entrées par le canal de Suez. D’autres (22 % du total) ont fait le chemin avec des bateaux depuis d’autres régions du monde. Et une sur dix provient d’« évasions » de fermes d’aquaculture. Selon les auteurs de l’étude, publiée dans la revue scientifique PLoS ONE, la méduse Mnemiopsis leidyi, arrivée en bateau dans les eaux européennes depuis le nord-ouest de l’Atlantique et qui, en 2009, s’est répandue d’Israël à l’Espagne. Dans les années 1980, cette méduse avait fait des ravages en mer Noire et provoqué un effondrement de la population d’anchois et de lourdes pertes économiques. Des méduses géantes sont en train de ruiner la pêche au Japon.

Les coraux en danger de mort

Nombre de ces espèces invasives proviennent de mers tropicales et sont favorisées par le réchauffement de l’eau. Dans les années 1980, la température des eaux de surface sur nos côtes variait entre 16,25 °C dans la partie ouest et 22,75 °C à l’est. Or les scientifiques estiment que vers 2050, cette température dépassera dans certaines zones les 24 °C. Bhavani Narayanaswamy, la porte-parole pour l’Europe du projet Census of Marine Life, qui vise le recensement de la vie marine souligne : « Parmi les espèces les plus menacées en Méditerranée figurent les coraux des eaux froides et profondes. Ils sont incapables de fuir le réchauffement des eaux, et leurs populations sont en diminution ». Or les coraux sont les garants de l’équilibre marin.

Tenter de sauver ce qui peut l’être

L’Initiative Horizon 2020, lancée il y a quatre ans par la Commission européenne, a pour objectif essentiel est de réduire de manière drastique la pollution. L’exécutif communautaire part d’un constat : plus de 140 millions de personnes vivent sur les rives méditerranéennes qui reçoivent chaque année 175 millions de visiteurs. Le rapport est deux fois plus important en Corse. En 2025, la moitié du littoral sera urbanisée et enterrée sous le béton si toutefois la crise ne met pas à mal les plans des investisseurs. Selon la Commission, 80 % des pressions que subissent les organismes marins proviennent de la terre ferme. Plus la moitié des centres urbains de plus de 100 000 habitants ne possèdent pas d’usines de traitement des eaux usées. Et 60 % de ces dernières sont déversées directement dans la mer. Mais pour beaucoup de spécialistes ce plan risque de ne pas produire les effets nécessaires. Bhavani Narayanaswamy n’est « pas certaine que réduire les rejets de l’industrie, de l’agriculture et des centres urbains permette à l’écosystème méditerranéen de redevenir ce qu’il était ». Pour Josep María Gasol, également co-auteur de l’étude, chercheur à l’ICM de Barcelone, « le plus étonnant a été de constater qu’on ne sait rien ». Les nouveaux chiffres du Recensement de la vie marine parlent de 17 000 espèces marines décrites par la science dans le bassin méditerranéen, soit près du double des dernières estimations en date. Mais, 75 % des espèces vivant dans les profondeurs de la Méditerranée restent inconnues – et peuvent disparaître sans que personne ne s’en aperçoive. La seule réalité que nous connaissons est que l’homme est en train de détruire un éco-système sans lequel lui aussi disparaîtra. La Corse est pourtant un bon élève en matière de protection de l’environnement. Mais ses efforts seront vains si les régions limitrophes n’agissent pas pareillement. Enfin, il faut s’inquiéter de l’afflux touristique qui réjouit peut être les professionnels mais provoquent des dégâts majeurs dans notre île. Si la mer meurt la terre meurt aussi. Et sans la terre les hommes ne sont rien.

GCS

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