Neuf mois après le lacement des Assises du foncier, le rapport sur l’engagement territorial pour une politique foncière et du logement a été soumis à l’Assemblée territoriale le 30 juin lors d’une session extraordinaire. Les outils proposés par Maria Guidicelli (voir JDC 10743 du 27 mai) ont été adoptés dans une ambiance mitigée.
35 votes pour, 12 abstentions, une non participation et trois votes contre. Ce résultat traduit les positions des groupes de l’Assemblée territoriale face aux trente-et-une fiches fondant la politique foncière régionale. Des nationalistes enthousiastes, une droite sceptique, une gauche républicaine réfractaire. Au cœur de ce rapport, la fiche 27 qui propose de « mettre en place un dispositif juridique conditionnant l’acquisition d’un logement ou d’un terrain à une série de critères ».
Première faille dans la majorité
Une évolution statutaire certes soumise à une étude mais que ne conçoit pas la Gauche républicaine. Dès le début du débat, François Tatti, président du groupe, demande que ce point soit dissocié lors du vote. « La fiche 27 propose une redéfinition d’un droit fondamental et nous n’y sommes pas favorables, explique-t-il. Notre groupe a toujours soutenu sans faille l’Exécutif mais souhaite être reconnu dans sa différence ». François Tatti estime que l’évolution statutaire est « une mesure ni utile, ni possible, ni souhaitable » et que les continentaux ou étrangers, confrontés à l’impossibilité d’acheter un bien, se tourneront en masse vers le marché locatif, phénomène qui aura inéluctablement une incidence, ou utiliseront un prête-nom pour acquérir un bien immobilier. Il s’appuie aussi sur les deux études préalables effectuées par l’universitaire Andria Fazi ou le professeur Bernard Castagnede qui ont mis en exergue la complexité du processus pour obtenir une modification statutaire puis constitutionnelle. « Nous ne construirons pas une société équilibrée avec la construction d’une société à deux vitesses avec des citoyens et des citoyens probatoires », conclut-il. Les échanges ont été passionnés entre les quatre radicaux pendant les suspensions de séance tandis que les deux conseillers exécutifs colistiers Pierre-Marie Bartoli et Jean Zuccarelli ont affiché un soutien indéfectible à l’Exécutif pour le premier et un mutisme prudent pour le second. Simone Don Simoni-Calendini a quant à elle choisi de ne pas suivre la discipline de groupe en ne participant pas au vote. Cette première brèche dans la majorité de gauche n’a cependant pas inquiété le président de l’Exécutif territorial. Car Paul Giacobbi a pu s’appuyer sur les nationalistes pour voir adopter ce rapport, le premier des dossiers emblématiques de sa mandature.
L’enthousiasme des nationalistes
Les nationalistes ont dépassé la déception ressentie les premiers mois de voir leur main tendue ignorée par Paul Giacobbi et ont choisi de lui faire confiance. « Ce qui est écrit dans la fiche 27 ne nous satisfait pas vraiment, avoue Jean-Guy Talamoni. Compte tenu de l’urgence, on pourrait être plus audacieux. Après avoir mûrement réfléchi, après avoir été déçus à la lecture de la fiche 27 et de l’ensemble du document nous allons faire ce pari de vous faire confiance ». Mais, prévient le président du groupe Corsica Libera après avoir salué « la volonté d’avancer de l’Exécutif », « la confiance doit être entretenue autrement que par des paroles ». Donc il attend « des faits et un travail en commun ». Les élus de Femu a Corsica ont partagé cet enthousiasme. Jean-Christophe Angelini a invité les élus à « sortir d’un débat idéologique pour optimiser les politiques sur le foncier, l’aménagement du territoire et le logement ». Conscient que l’Etat examinera à la loupe le détail des votes et qu’une unanimité peut faciliter son fléchissement, il appelle à « trouver les ferments d’une cohésion politique pour porter demain les négociations avec l’Etat ».
La réserve de la droite
Le groupe Rassembler pour la Corse a exprimé sa déception par les voix de Jean-Jacques Panunzi et Camille de Rocca Serra après avoir salué le travail de la conseillère exécutive et de son équipe. Le président du Conseil général de Corse-du-Sud aurait « souhaité dissocier le logement et le foncier, deux sujets distincts par l’urgence et les moyens à mettre en œuvre » et désapprouve « la grande disparité des actions proposées (qui) nuit à la lecture générale du dispositif de base ». Il regrette que pour le foncier « les mesures envisagées se limitent à des études sauf pour une dotation de 450.000€ », se dit globalement « déçu par le document même (s’il) souscrit aux propositions » et présage que « le dispositif même s’il est mis en œuvre dans son intégralité n’apportera pas de modification substantielle ». Même désillusion pour le député de Corse-du-Sud qui reproche au document de se focaliser « sur la spéculation dont on peut en réduire les effets mais qui continuera à s’effectuer ». Il déclare croire « en la liberté d’entreprendre », estime que mettre en œuvre ces outils « sera une grande avancée » et affirme que la suppression de « certaines libertés ne correspondent pas à (ses) fondements et aux valeurs auxquelles (il croit) ». Chacune des trente-et-une mesures sera soumise au vote de l’Assemblée territoriale dans les prochains mois.
M.K