L’Edito d’Aimé Pietri
« O mà, parlami corsu ! » ce dessin de Battì représentant un enfant qui demande à sa mère de lui apprendre le corse avait, dans les années 70, servi de locomotive aux promoteurs de cette langue. Mais les wagons n’avaient pas suivi. Aujourd’hui, on tente de les mettre à nouveau sur les rails. Avec succès ? Rien n’est moins sûr car d’une année à l’autre et malgré la mise en œuvre d’un système éducatif lourd, l’idiome régresse au point que l’on se demande s’il survivra à la disparition de la génération charnière, celle qui en a encore l’intelligence et la maîtrise. Elle l’avait apprise au berceau, comme toute langue maternelle ainsi désignée parce qu’elle est transmise par la mère en même temps que le lait nourricier. Le corse, qui a perdu son privilège de première langue est de moins en moins parlé dans la rue mais de plus en plus appris à l’école. Et il le sera davantage demain si le Gouvernement le rend co-officiel, faisant droit aux corsistes et aux nationalistes qui en réclament à cors et à cris l’institution. Cela, hélas, ne fera guère avancer le schmilblick, mais donnera des ailes au cheval de bataille des hérauts de l’Autre Corse qui proclament, en bon français, l’impérieux devoir de sauver « A lingua materna ». Mais pourra-t-elle l’être ? A l’entendre parler aujourd’hui à la radio, à la télévision, au café, on s’inquiète de son devenir. Elle a perdu ses marques identitaires et la plus grande partie de son vocabulaire qui en faisait la richesse et la force. Pourtant c’est cette langue-là que l’on veut faire apprendre par force de la maternelle à l’université. Sans le moindre toilettage - mais est-il encore possible ? Pendant ce temps les mamans corses continueront, comme si de rien n’était, à faire, pour leurs enfants, les « petites marionnettes » et à leur chanter que le moulin du meunier va trop vite pendant qu’il dort. Parce que, de toute façon, « ninna nana » c’est ringard et que même si les « petites marionnettes » ont à peu près son âge, elles ont su, grâce à l’Oréal, garder leur teint de jeune fille et s’ancrer dans la modernité. Ce que ni « Ninni » ni « Nanna », hélas, n’ont su faire.