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L’invité : Serge Maître, secrétaire général de l’Association des Usagers des Banques

jeudi 2 mai 2013, par Journal de la Corse

À l’origine de la création, en 1987, de l’Association Française des Usagers des Banques (AFUB), Serge Maitre était à Ajaccio le week-end afin d’officialiser la 9e délégation. Juriste de formation, il nous expose les raisons du combat qu’il mène depuis 25 ans, pour aider les citoyens face aux abus bancaires.

Vous êtes venu, à Ajaccio, le week-end dernier, pour l’officialisation d’une délégation de l’AFUB (Association Française des Usagers des Banques). Pouvez-vous présenter, aux lecteurs du JDC, cette association ?

Elle a été fondée il y a 25 ans et recensait, sur le tout le territoire national, 53000 adhérents en 2012. Notre objectif est double : informer, tout d’abord, les usagers de leurs droits et leur donner, de ce fait, les moyens de se défendre. Et puis changer également, à travers notre action, le monde bancaire. Par exemple, en impulsant une dynamique qui vise à voter les lois et modifier le système réglementaire afin qu’il soit plus compatible avec les exigences du moment. Notre approche est exclusivement juridique, on demande l’application du droit. L’AFUB est née parce qu’à un moment donné, un gouffre s’est creusé entre le droit et la pratique bancaire. Les gens vivaient quelque chose qui n’avait aucune relation avec le droit. C’était, en quelque sorte, le droit du plus fort. Et il faut bien reconnaître que la finance est le seul secteur qui s’apparente à une forteresse.

Comment la délégation AFUB de Corse est-elle née ?

J’animais, régulièrement, une émission de 40 minutes sur RCFM. Rapidement, de nombreuses personnes résidant en Corse ont appelé. Un noyau s’est créé, à partir duquel nous avons pu créer une délégation dans l’île. Pour l’heure, ils sont quatre, bénévoles, ont été formés et restent en relation directe avec le siège. L’une des missions de l’AFUB, consiste à faire d’un citoyen un juriste capable de conseiller, de guider et aider les personnes qui nous contactent.

Quels peuvent être les droits des usagers et dans quelle mesure peuvent-ils les faire appliquer ?

Nous avons deux visions : la première, c’est de répondre concrètement à des questions et de proposer des solutions. Par exemple, si votre crédit revolving vous asphyxie, il faut savoir, dans ce cas, que, bien souvent, la société de crédit oublie d’envoyer un courrier proposant la reconduction, ou non, du crédit. Vous avez, alors, le droit de faire annuler les intérêts versés jusqu’alors. Mais on n’intervient pas seulement quand il y a un conflit. Le deuxième point consiste à travailler de façon préventive. Si vous avez des difficultés de paiement d’un crédit, la loi vous donne la possibilité de demander une suspension de paiement pour une durée maximale de 24 mois sans frais ni intérêts. C’est de la prévention pure et simple qui permet durant ce laps de temps, de rééquilibrer sa situation financière.

Quels sont les abus bancaires les plus fréquemment rencontrés ?

Ils s’illustrent par les plaintes qui arrivent jusqu’à nous. 30% des cas recensés sont des frais et commissions. Il y a des règles de droit qui posent des normes que le banquier doit respecter pour prendre des frais. Il doit vous avoir informé au préalable et obtenu votre accord signé sur un contrat. Mais, généralement, il s’en dispense. La loi impose un courrier avec une plaquette tarifaire indiquant que l’on a deux mois pour refuser cette tarification. Les abus importants sont également présents en matière de crédit immobilier. Nous avons constaté, dans 8 cas sur 10, que le TEG est erroné. Il doit comprendre tous les frais liés au crédit mais on passage, le banquier en oublie quelques-uns. Dans ce cas, on peut obtenir une réduction du taux d’intérêt de 4% au taux d’intérêt légal qui est actuellement de 0,04%.

Comment analysez-vous la situation de la Corse au niveau bancaire ?

Elle est vraiment particulière. En Corse, comme dans toutes les îles, le marché est fermé. On a le sentiment qu’il y a défiance des systèmes bancaires en ce qui concerne les initiatives que peuvent avoir les entreprises, PMI, PME. C’est un frein pour l’économie même si on peut considérer que le contexte n’est pas propice. Le flux financier est, pourtant, indispensable.

Ce combat face à la finance, n’est-il pas, en somme, celui du pot de fer contre le pot de terre et donc, quelque part, perdu d’avance ?

C’est une question qui revient très souvent ! Je tiens néanmoins à réaffirmer que le combat est loin d’être perdu, bien au contraire ! Tout simplement parce qu’entre la banque et son client, il y a la loi. Et la loi reconnaît des droits que l’on peut faire valoir à tout moment. Concrètement, nous obtenons des résultats. Pour preuve, le nombre de personnes qui ont fait condamner les établissements bancaires. Mais, pour arriver à se faire entendre d’une banque, il y a deux réflexes indispensables. Le premier, c’est de connaître ses droits et le second de les faire valoir. Nous sommes là pour accompagner, au mieux, les usagers, dans ces deux cas. Il y a aussi toute une méthodologie qui passe par un courrier au directeur d’agence ou au médiateur, et enfin au conciliateur de justice. Dans de nombreux cas, la procédure est gratuite. En outre, les juges sont très à l’écoute des consommateurs. Quand on ne connaît pas ses droits, on se croit en position de faiblesse. Or, c’est le consommateur qui est puissant, et non le banquier. Il a la loi avec lui.

Le système de crédits accessibles à tous, n’est-il pas, finalement un peu pervers ?

Ce qui peut paraître pervers, c’est le fait que le législateur vote des lois mais qu’on ne les met pas en application. Mon ouvrage « Comment ne pas payer ses dettes à sa banque » n’est que le recensement de toutes les lois susceptibles d’aider le citoyen. Les pouvoirs publics ne font rien pour cesser ce jeu. C’est pour cela que l’AFUB existe et nous sommes, quelque part, des révolutionnaires.

Interview réalisée par Joseph Albertini

AFUB de Corse : Centre u Borgu, 32 rue Fesch, Ajaccio - Tel : 04-95-23-24-49 - Site internet : www.afub.org

Permanence : un vendredi sur deux de 12h à 14h

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