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L’invité : Ange Rovere maire-adjoint de Bastia

jeudi 31 janvier 2013, par Journal de la Corse

On ne dira pas d’Ange Rovere qu’il est passé en coup de vent à la mairie de Bastia où sa carrière politique a débuté et où sans doute elle prendra fin. Il a même, dans cette mairie, établi un record de longévité avec 24 années de présence et d’action tout en conduisant, avec un égal bonheur sa carrière d’enseignant, ouvrant, à des générations d’élèves les voies de l’histoire et de la géographie, de l’histoire surtout qui a été, qui est encore, sa deuxième nature. L’histoire de la Corse notamment résumée avec précision et élégance dans un ouvrage de référence : « La Corse et la République » réalisé avec Jean-Paul Pellegrinetti et publié aux éditions du Seuil. La permanence de l’effort qu’il a toujours observée quel qu’en ait été le prix lui a permis de faire face aux diverses difficultés qu’il eut à affronter, à les résoudre sinon à les réduire. Il aurait pu faire sienne cette devise de Guillaume d’Orange « Il n’est point nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer. » Encore qu’il ait beaucoup entrepris et réussi sans espérer la moindre reconnaissance mais avec la seule satisfaction du devoir accompli et du service rendu.

Après tant d’années passées au service de Bastia quelles ont été les réalisations qui vous ont donné les plus grandes satisfactions ?

En vingt quatre ans il est difficile de faire le tri. La bonne santé financière de la Ville bien sûr, d’autant que nous investissons deux fois plus que les villes de la même strate, que l’endettement a diminué et que nous n’avons pas touché aux taux d’imposition. Je pourrais aussi parler de l’élargissement du service public avec les parkings soit récupérés sur le groupe Vinci, soit construits en régie ; du musée ou de la rénovation urbaine, dans le quartier Aurore et dans le centre ancien. Mais grandes comme petites réalisations elles se résument en une appréciation : la veille de Noël j’ai rencontré un ancien élève qui depuis plus de dix ans vit au Canada ; il était venu passer les fêtes auprès de ses parents. Il m’a dit « Monsieur Rovere, merci pour Bastia ; la ville sourit ». Avouez que la formule est belle et qu’elle a de quoi rendre fier une équipe municipale dont je ne suis qu’un maillon.

Et, à part le sourire, dans quel état est la ville aujourd’hui ?

38.000 habitants en 1989, 44.000 aujourd’hui, notre ville affiche un beau dynamisme n’en déplaise à tous ceux qui ergotent sur le déclin de Bastia, soit par cécité mentale soit par esprit de dénigrement systématique faute de pouvoir mettre en cause les choix faits par la Municipalité. Bastia est citée en exemple pour la rigueur de sa gestion dans tous les domaines, par sa capacité à mobiliser les subventions (PEI, interreg etc…) parce qu’elle est en mesure de mettre, à chaque fois, sa quote-part ; pour son rayonnement culturel, y compris par l’aide au riche tissu associatif qui fait la force de la cité. Et je pourrais multiplier les secteurs qui ont de quoi rendre fiers tous les bastiais.

Que reste-t-il donc de plus important à faire ? Maintenir la pression fiscale en l’état ? S’atteler à d’autres grands travaux et lesquels ? Ou prendre le temps de respirer ?

Prendre le temps de respirer c’est reculer alors qu’il y a tant de choses à faire ! Le maintien de la pression fiscale est un impératif, surtout dans cette période de difficultés pour le plus grand nombre ; tout en essayant, et c’est difficile, de mettre de la justice dans un domaine complexe et en lui-même injuste. Les grands chantiers en cours seront poursuivis, d’autres vont s’ouvrir : je pense à la voie douce. Mais il nous faut aussi être sans doute plus attentif au quotidien, à ces petites choses qui rendent la vie plus agréable : le prochain budget sera, de ce point de vue, riche de ce type de projets. Enfin, même si cela relève essentiellement de la CAB, il faut encourager la construction de logements sociaux, dans le périmètre urbain et dans celui de l’agglomération.

Pensez vous que l’opposition ait un rôle constructif ou que sa seule ambition est de sortir la majorité sortante ?

L’opposition, et vous voulez parler de « Inseme per Bastia » car les deux représentants des deux autres familles politiques brillent par leur absence au sein du Conseil Municipal, n’a pas de projet. Ou plutôt en a un : Faire de Bastia une ville morte. Trois exemples emblématiques : Elle est contre la rénovation urbaine du centre ancien au prétexte que l’on veut détruire du patrimoine historique. Pas à moi ! Pas à une équipe municipale qui a obtenu pour sa ville le label ‘Ville d’Art et d’Histoire », qui a acquis le palais Caraffa pour le transformer en Musée, qui s’enorgueillit de la restauration de ses églises. Inseme a voté contre l’implantation de l’ENSAM à Bastia pour, et je cite son leader, « des raisons idéologiques ». Priver la jeunesse corse d’une école d’ingénieurs relève d’une attitude talibanesque ! Enfin la famille politique à laquelle appartient « Inseme » est contre le port de la carbonite ! Il faut reprendre et relire les interventions lors du grand débat sur cette question capitale pour l’avenir de Bastia.

Êtes-vous toujours prêt à lui barrer la route ?

Barrer la route à ceux qui rêvent d’un retour au XIXe siècle est un impératif.

Est-on déjà entré dans la période où on ne pense à rien d’autre qu’aux prochaines municipales ? Croyez vous qu’elles soient de nature à créer la surprise ?

Personnellement, ce qui me préoccupe tous les jours, c’est la manière dont il convient de mobiliser les efforts de tous afin de répondre aux besoins des Bastiais. Les municipales de 2014 seront d’abord le résultat d’un bilan et d’une volonté. Depuis plus de 40 ans les bastiaises et les bastiais font confiance à l’Union de la Gauche parce que, même si tout n’est pas parfait, même si tout n’est pas possible à l’instant où on le voudrait, ils savent que les hommes et les femmes auxquels ils apportent leurs suffrages ont chevillé au corps l’amour de leur ville et la volonté de justice sociale. Nos concitoyens sont intelligents et, sans surprise, ils se prononceront pour la continuité contre le vide.

La nouvelle inter-communauté Marana-Golo a-t-elle réduit à néant les espoirs du Grand Bastia ?

L’agglomération bastiaise est effectivement un tout, qui va d’Erbalunga à Casamozza. Le Grand Bastia ainsi conçu aurait été une chance pour tout le monde, en matière de transports, d’équipements structurants, de développement économique. Les forces du passé, en faisant jouer les vieux réflexes campanilistes, ont retardé l’avenir. Mais la vie sera plus forte que les petits intérêts politiciens à l’horizon borné par des stratégies à la petite semaine.

Et que lui reste-t-il donc pour assurer son épanouissement ?

Lorsqu’on regarde l’ensemble des cartes illustrant les dynamiques nouvelles qui sont en cours depuis une vingtaine d’années il est évident que l’intercommunalité Marana-Golo risque de décrocher en terme de développement. Ce dernier se construit à partir de fortes polarités. L’élargissement de la CAB était de nature à renforcer ces polarités. Je pense que la construction du nouveau port sera l’occasion de rebattre les cartes.

Pensez-vous enfin que Bastia affiche une belle résistance à la crise qui semble s’éterniser ?

La crise financière et économique les Bastiais la subissent. Le chômage ne cesse d’augmenter et les problèmes sociaux s’aggravent. A Bastia comme ailleurs, le mal vivre s’élargit avec toutes les conséquences de plus en plus visibles. Aucune municipalité ne peut enrayer ces phénomènes. Tout au plus peuvent-ils être ce que j’appellerais des « édredons anti-crise », en d’autres termes faire en sorte d’en atténuer les effets. Même si c’est difficile, en terme de budget de fonctionnement d’abord, car les dotations de l’Etat ne cessent de baisser ce qui limite fortement nos recettes et donc les moyens du service public. Nous essayons de faire face, par la rigueur de notre gestion, tout en n’augmentant pas les impôts. Mais l’exercice devient toujours plus compliqué. Parallèlement, nous continuons à fortement investir : plus de 30 ME par an, avec d’importantes retombées au niveau des emplois pour les entreprises petites ou grandes, pour les commerçants comme pour les artisans. C’est notre manière de résister tout en restant au service de tous les Bastiais.

(Interview réalisée par Jean-Noël Colonna)

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