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L’invité

jeudi 31 mai 2012, par Journal de la Corse

Paul Giacobbi, député et président du Conseil Exécutif de Corse

Est-il, comme on le dit, un des meilleurs hommes politiques que la Corse ait jamais connu ? Peut-être, mais il ne s’en vante pas, soulignant quelquefois qu’il a la politique dans le sang comme son père, son grand-père et d’autres de sa lignée. Depuis son élection à la présidence du Conseil Général de la Haute-Corse il n’arrête pas de franchir diverses étapes dont celle qui l’a conduit à gérer le présent et l’avenir de la Collectivité Territoriale. Et le fait ferrailler, aujourd’hui, pour conserver le siège législatif de la 2e circonscription du nord de l’île. Avec l’espoir, affirmé, de conquérir, un troisième mandat.

Vous êtes député sortant et président du Conseil Exécutif de Corse. Votre suppléant est le président du Conseil Général de la Haute-Corse. François Hollande a gagné les élections présidentielles. Votre campagne n’est-elle pas la promenade de santé d’un vainqueur annoncé ?

L’excès de confiance nuit en toutes circonstances et sans doute plus en politique que dans n’importe quel autre domaine. Je ne considère pas que la campagne des législatives qui s’ouvre constitue une « promenade de santé » pour mon suppléant et moi-même. Je bénéficie certes de circonstances favorables mais je n’ai pas l’intention de déroger à mes habitudes. J’ai tenu déjà plusieurs réunions publiques à Ponte-Leccia, Calenzana, Vescovato, Francardo, Aleria, L’Ile-Rousse, Casabianca. Il me faut décliner mon bilan dans le cadre de mon activité parlementaire, mes projets. Naturellement, on ne manque jamais de m’interroger sur mon action en qualité de Président du Conseil Exécutif de Corse et c’est aussi l’occasion de démontrer que nous avons fait avancer les dossiers des transports, du foncier, du logement pour ne citer que ces exemples, bien plus vite que nos prédécesseurs. Pour autant, je respecte mes concurrents et je ne nourris aucun sentiment de supériorité. Je fais simplement confiance aux électrices et aux électeurs et je crois avoir montré au Palais Bourbon que, tout en étant dans l’opposition depuis 2002, je travaillais avec efficacité, avec constance. Je formule le vœu que les administrés de la deuxième circonscription de la Haute-Corse me renouvellent cette confiance et me permettent de siéger enfin au sein de la majorité, à l’Assemblée nationale. Pour conclure, je suis raisonnablement optimiste mais je suis loin de considérer que le résultat est acquis.

Quels ont été, selon vous, les initiatives et les votes qui ont le plus compté dans votre action de député ou dont vous êtes fier ?

C’est toujours difficile d’opérer des choix sur une mandature que j’ai trouvée particulièrement riche. Je retiendrai néanmoins les actions et interventions suivantes. Sur les victimes des accidents nucléaires, et la population de l’île a été, vous le savez, très affectée lors de la catastrophe de Tchernobyl, je suis satisfait d’avoir suscité un débat. C’est un dossier sensible et j’avais rédigé avec ma collègue Taubira, aujourd’hui Garde des Sceaux et ministre de la justice, une proposition de loi et une proposition de résolution. Je souhaite avec son aide, parvenir à ce que les personnes atteintes d’irradiations consécutivement à des accidents relevant du nucléaire civil puissent obtenir une indemnisation. Sur le PADDUC, j’ai obtenu sur les dispositions proposées par l’Assemblée de Corse, l’unanimité au sein des deux chambres. C’est une victoire que j’ai savourée et cela démontre qu’avec de la volonté et de la persuasion, il est possible d’obtenir d’excellents résultats même si l’aménagement du territoire est un domaine complexe où il n’est pas aisé d’obtenir un consensus. Sur les prisonniers condamnés, et quelle que soit l’infraction commise, nous avons obtenu satisfaction. Il était normal que les intéressés bénéficient d’un vrai droit au rapprochement. Le moment qui m’a le plus marqué est celui de mon intervention dans l’hémicycle après le meurtre de mon ami Dominique Domarchi. L’Assemblée nationale m’a applaudit très longuement dans un rassemblement républicain.

Il se dit souvent que, se met en place un système prémafieux. Partagez-vous ce diagnostic ? En tant que député d’une future majorité, demanderez-vous à l’Etat d’agir plus efficacement et quelles mesures pourriez-vous préconiser ?

Le grand banditisme est une plaie de la Corse. Il est consubstantiel d’une forme de développement touristique, quelque peu anarchique, et de la spéculation foncière qui lui est corrélative. La lutte contre cette criminalité ne doit se limiter à réprimer car il est parfois trop tard, mais à anticiper et à prévenir. Des dispositions législatives anti-spéculatives peuvent éviter de telles dérives, un développement équilibré et harmonieux aussi. L’Etat a la responsabilité de la répression et c’est le rôle de la justice qui est indépendante. Mais nous devons, notamment dans le domaine du foncier, assainir la situation et prévenir les dérives.

Quelles sont les grandes lignes de votre programme ? Etes-vous favorable au maintien des dispositions des arrêtés Miot et des lois littoral et montagne ?

Je suis évidemment favorable au maintien des arrêtés MIOT jusqu’en 2017. L’Assemblée de Corse a adopté un rapport que nous allons défendre avec sérieux au Parlement. Mais le maintien de cet avantage ne sera possible que dans le cadre plus long d’une révision constitutionnelle qui donnera à la Corse toute sa place dans la République. Je suis très attaché aux mesures qui visent à protéger l’environnement. Les élus insulaires, et on ne le dit pas assez, ont œuvré dans ce sens et depuis plusieurs décennies. C’est dans le cadre du PADDUC qui devra être terminé avant deux ans, que la protection et le développement de la Corse pourront s’organiser.

Vous êtes un député du monde rural. Quelles mesures souhaiteriez-vous voir adopter par le gouvernement de gauche pour consolider l’activité agricole corse et revitaliser le tissu villageois ?

La politique agricole est aussi une affaire locale. La collectivité dispose de compétences et elle initie nombre de mesures qui aident les producteurs et contribuent à développer cette activité. Il faut trouver les voies et moyens de mettre en place une agriculture de qualité. C’est le sens de la démarche de nombre de jeunes agriculteurs que je rencontre et qui ont compris tout l’intérêt de disposer de labels pour mettre en valeur les produits. Je ne crois pas, en revanche, que l’on puisse réduire la revitalisation du tissu villageois à une politique dynamique en matière agricole. Le monde rural souffre des suppressions, souvent non justifiées des services publics, de la fermeture des écoles. L’activité économique s’effondre et les communes se vident de leur substance. Il faut ouvrir durant cette mandature, le grand chantier de la ruralité. C’est un problème national. Dans cet esprit et à l’échelon local, j’avais organisé des assises alors que j’étais à la tête du conseil général de la Haute-Corse. Cette initiative avait été saluée par tous les élus insulaires.

Selon vous qui êtes un passionné d’économie, en quoi la politique de François Hollande permettra-t-elle une réduction des déficits et un retour à la croissance ?

Sans entrer dans un luxe de détails, je trouve curieux la position qui consiste à opposer une politique de relance de l’économie et la rigueur en matière budgétaire. Les deux ne sont pas incompatibles et les membres du G8 l’ont reconnu. Comment espérer créer des emplois et de la prospérité sans impulser une dynamique ? Le nouveau président envisage de réindustrialiser notre pays, ce n’est pas une utopie et c’est une condition de retour à la croissance. Il envisage de mettre en place de nombreuses dispositions pour y parvenir. Personnellement et même si je suis conscient qu’un effort de la Nation toute entière est nécessaire, j’y crois. Je n’ai cessé de faire des propositions pour la réindustrialisassions de la France au cours de ces dernières années et j’ai même rédigé un rapport, à la demande du président sortant, sur les moyens de renforcer l’attrait de la France pour les investisseurs étrangers. Ce sont des politiques complexes qu’il convient de mettre en oeuvre dans la durée. Le consensus qui se dégage au G8, à l’initiative de François Hollande, sur ce point est une première étape indispensable.

(Interview réalisée par Jean-Noël Colonna)

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