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Justice anti-terroriste, détenus… L’exaspération s’exprime

vendredi 4 février 2011, par Journal de la Corse

Assemblee session

Les conditions d’interpellation de neuf militants de Corsica Libera et le statut quo dans le rapprochement des prisonniers corses incarcérés sur le continent exacerbent les tensions. Manifestations à Porto-Vecchio et devant le commissariat d’Ajaccio, interruption d’une réunion sur le projet Cyrénée dans la cité du sel, modification de l’ordre du jour de l’Assemblée territoriale et enfin déplacement de quelque 150 militants à Toulon…

« On va attendre que Madame Santoni qui depuis quinze ans fait le tour de France pour aller voir son fils meure d’un infarctus sur la route ? Qu’est-ce que vous attendez ? Il faut vous bouger maintenant ! ». Dumé Tafani contient difficilement son exaspération. Le porte-parole de l’Associu Sulidarità a fait irruption dans l’auditorium du Centre culturel de Porto-Vecchio où se tient une réunion sur le projet Cyrénée, le raccordement de la Corse au gazoduc Galsi. Accompagné de militants, il monte sur l’estrade, s’empare du micro et prend à partie le maire de la cité du sel, Georges Mela. Entre les conditions de l’interpellation à partir du 24 janvier de neuf militants dont deux mères de famille en Corse et sur le continent dans le cadre d’une enquête sur des attentats commis entre 2005 et 2007 et la lente évolution de la problématique du rapprochement des prisonniers corses incarcérés sur le continent, l’exaspération est à son comble.

Ordre du jour perturbé

Quelques heures plus tôt, dans la matinée, c’est l’ordre du jour de la session de l’Assemblée territoriale qui a été bousculé. La première question échoit à l’élu du groupe Corsica Libera, Paul-Félix Benedetti qui demande aux autres membres de l’hémicycle « s’ils acceptent de dire : basta ! », après avoir exposé « l’injustice faite à deux femmes, Maria-Anghjulella Caviglioli, président de notre association humanitaire d’aide aux prisonniers Sulidarità, et Noëlle Medurio, déléguée relationnelle aux familles ». L’une d’entre elle s’est vu refuser des soins médicaux pourtant nécessaires dans le cadre du traitement d’une maladie sérieuse. « C’est encore une fois une violence d’Etat, une violence inadmissible, la violation des droits humains et des règles », s’est emporté Paul-Félix Benedetti. S’interrogeant sur le bien-fondé des commissions rogatoires « qu’on sort des tiroirs poussiéreux », il regrette que dans un contexte où « on attend des mesures qui pourront entrevoir un processus de paix, un processus de réconciliation, un processus de normalisation politique, il nous semble à nous faire entrer dans une logique de rapport de force ». Et le conseiller territorial d’assurer que les deux femmes sortiront libres sans qu’aucune charge ne soit retenue contre elles. Le futur lui a donné raison. Aucun des neuf gardés à vue n’a été mis en cause dans cette affaire.

Rendez-vous à la Chancellerie

Le président Giacobbi a refusé de porter le moindre jugement sur cette affaire mais s’est dit « choqué » par ces conditions de garde à vue. « Les uns et les autres, tant au plan régional que national se sont élevés contre ces méthodes qui consistent à abuser de la contrainte en violation des lois et des règlements et qui consiste parfois à appliquer en dehors de tout cadre légal une médiatisation qui n’est pas faite pour servir la sérénité du débat », a constaté Paul Giacobbi. Il estime que ces méthodes ne sont ni « utiles », ni « efficaces » et rappelle que « sous la contrainte du Conseil constitutionnel et d’ailleurs de la législation internationale une loi votée a remis en cause le régime de garde à vue tel qu’il était et l’a profondément transformé ». Il n’a pas exclu d’en référer au garde des Sceaux que les parlementaires et les élus territoriaux doivent rencontrer le 15 février pour (re)débattre du rapprochement des prisonniers corses incarcérés sur le continent. Avant que le président de l’Assemblée ne donne la parole à Stéphanie Grimaldi pour la poursuite des questions orales, Véronique Sciaretti interpelle ses homologues féminins. « Rien en nous différencie de ces femmes en garde à vue. Nous avons toutes des responsabilités politiques, comme elles, et c’est ce qui leur est reproché aujourd’hui et c’est peut-être ce qui nous sera reproché demain », lance la conseillère territoriale avant de notifier à Dominique Bucchini le retrait des membres de son groupe pour cette session. Une fois encore, les conséquences de l’inertie des pouvoirs publics se sont invitées dans le débat public. La rencontre avec Michel Mercier, le successeur de Michèle Alliot-Marie au ministère de la Justice, est considérée comme une promesse de stérilité par les familles de détenus qui ont demandé aux élus de Corsica Libera de ne pas y participer. Les nationalistes modérés quant à aux, après avoir exprimé leur solidarité avec les deux femmes placées en garde à vue, ne semblent pas enclin à pratiquer la politique de la chaise vide. Réponse dans quelques jours.

M.K

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