Plus de deux semaines se sont écoulées depuis l’assassinat de Jacques Nacer, président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Corse-du-Sud. Le JDC veut, à sa manière, rendre hommage à l’homme -au sens le plus noble du terme- qu’il était mais aussi à l’élu, le commerçant ou l’ami.
Le plus bel hommage que l’on puisse rendre à Jacques Nacer est de bannir les phrases toutes faites et d’exprimer ce que l’on ressent, avec simplicité et humilité. Deux vertus qui le caractérisaient bien. Qui n’avait pas, un jour, croisé Jacques dans la cité impériale ? Du haut en bas de l’échelle sociale, il connaissait tout le monde. Et tout le monde le connaissait. Ajaccien dans l’âme, il savait passer d’un discours sérieux à une macagna typiquement de chez nous ou à l’analyse des matchs de football du week-end. Après son élection à la présidence de la CCI de Corse-du-Sud, il était resté le même : travailleur, aimable, sympa, dispo. Un brave mec, dans le jargon le plus simple, discutant avec tous et quand le temps le lui permettait, faisant même une belote ou prenant un verre avec des amis. Une amitié sincère et un homme, particulièrement dévoué à son épouse, Marcelle et à ses deux enfants, Julien et Héléna, pour lequel la famille comptait également beaucoup. Il n’était pas rare de voir, de temps à autres, les Nacer rendre visite aux amis, Jean-Toussaint, à Capo di Fenu ou Jean-Thomas à Sagone. Jacques avait su, à l’instar des membres de sa famille, gagner la sympathie de tous et nouer, par son caractère et son tempérament, bien des amitiés. On le voyait, ainsi, régulièrement disputer des belotes « pagnolesques » au Valinco -son fief durant de longues années- avec Pascal, Emile, Francis, Charles ou Mimi. Passionné de sport, il s’était également investi dans le basket (GFCA, BCA) avec ses amis Jean-Vincent, Mimi ou Daniel. Sans oublier le football. Si son oncle, Jean, fut un irréductible « rouge et bleu », son père, Elie, lui transmit le virus « rouge et blanc ». Jacques Nacer intégra donc logiquement l’ACA, sous Michel Moretti, son ami, dans les années quatre-vingt-dix. Et s’il faisait, aujourd’hui, toujours officiellement partie du club, il n’endossait plus aucune responsabilité, ayant choisi de rester simplement par amitié pour l’emblématique président après sa disparition en 2008.
L’âme d’un commerçant
D’un point de vue professionnel, son élection au bureau puis à la tête de la CCI furent, en quelque sorte, la suite logique d’un parcours où la fibre du commerce guida ses pas. Cette âme de commerçant, il l’avait héritée de ses grands-parents, venus s’installer en Corse dans les années vingt. Le couple Nacer avait, après Saint Domingue et l’Espagne, trouvé cette terre d’accueil qu’il n’allait plus quitter. Aidé, plus tard, de ses huit enfants, il allait, par son travail, gagner le respect des Ajaccien, s’intégrer parfaitement et devenir une famille particulièrement estimée dans la cité impériale. Un premier magasin, un deuxième puis quelques enseignes dont les plus réputées auront été rue Fesch et cours Napoléon sous l’égide d’Elie et Jean, les deux frères aînés. Jacques avait hérité de cette fibre et stoppé ses études, à 18 ans, au grand dam de son père, Elie, soucieux de les lui faire poursuivre. « Je veux être commerçant », disait-il, déjà, son bac G2 en poche (1982) au sortir d’une scolarité effectuée au lycée Laetitia. Et il allait entamer un parcours qui allait durer 31 ans. L’entreprise familiale, tout d’abord, puis plusieurs enseignes ou établissements (le Serenu, route de Sagone) jusqu’à Ecce Uomo, dernière boutique en date, il y a sept ans.
Un vrai leader
Il était donc écrit, un jour, que cette fibre de commerçant devait le conduire à s’investir à la CCI. Présent en 1997 sur la liste de Gilbert Casanova, Jacques Nacer était élu depuis cette date. En 2000, il devenait 3e vice-président et membre du bureau. Avant d’assurer l’intérim de Raymond Ceccaldi, inculpé dans l’affaire de la SMS en décembre 2007. Il fut élu une première fois à la présidence de la CCI (en novembre 2008), puis, entama un deuxième mandat en janvier 2011. Un mandat qui arrivait à terme fin décembre. Force est de constater, aujourd’hui, qu’il a su, par son travail et son engagement, remettre le navire de la CCI à flots, lui insufflant une nouvelle dynamique et y opérant de sérieux changements. Une institution qui avait considérablement pris l’eau suite aux divers scandales qu’elle avait essuyés. « Il avait une vraie volonté de collégialité, précise Aurélia Paganelli, chef de cabinet, responsable de la communication et nièce de Jacques Nacer, il ne prenait aucune décision seul, c’était sa méthode de travail. Il a complètement restructuré la CCI en interne et s’attaquer à une telle institution qui compte 340 agents, est un acte ambitieux. Il a, en tirant le meilleur de chacun, littéralement donné une impulsion nouvelle à la CCI. Son but était de faire entrer la Corse dans une ère nouvelle en montrant que l’on pouvait se développer et rester soi-même. Il travaillait pour que l’île se hisse au niveau des grandes régions touristiques françaises. » Sous la mandature de Jacques Nacer, la CCI 2A ne s’est jamais portée aussi bien. Homme de dialogue, de conviction, de consensus, il savait être un vrai leader, exprimer ses idées et aura parfaitement géré la situation. Parmi ses actions les plus fortes, on notera les énormes avancées effectuées dans le domaine aérien avec, en point d’orgue, l’arrivée de Ryanair à Figari. Le développement exponentiel des croisières. À cet effet, il partait régulièrement dans divers salons en s’impliquant dans la promotion de la destination corse et de l’escale Napoléonienne, projet qui lui tenait particulièrement à coeur. Enfin, il avait souhaité relancer l’institut de formation avec une nouvelle stratégie, et des efforts concentrés sur le cœur des métiers de la CCI, à savoir l’appui, le conseil et l’accompagnement des ressortissants. Ses prochains défis, la restructuration de l’offre en matière d’action économique et le développement du tourisme d’affaires, Jacques Nacer n’aura pas eu le temps de les amorcer. Mort en travaillant dans son commerce à 49 ans. La CCI a perdu son capitaine. Ajaccio l’un des siens.
Philippe Peraut