L’opprobre jeté sur nous est injuste. Faut-il pour autant l’ignorer ? Pas sûr ! Beaucoup d’habitants de l’Hexagone ont une image détestable des Corses et cela peut se comprendre.
Il ne se passe pas une semaine sans qu’une de mes connaissances s’indigne du sentiment anti-corse. Je suis moi-même indignée et même irritée par ce que je puis entendre ou lire dans les médias. Ma dernière poussée de colère a été provoquée par une émission de France Inter intitulée « Le téléphone sonne ». Diffusée quotidiennement à une heure de grande écoute -après le journal du soir, de 19h20 à 20h00-cette émission réunit des invités (grands témoins et journalistes) afin qu’ils commentent un thème d’actualité et répondent aux questions des auditeurs. Dernièrement, elle était consacrée à « La violence en Corse ». Ce que j’ai entendu-venant s’ajouter aux déclarations du président de la République faisant passer tous les Corses pour des fanas des armes - m’a donné envie de presser le bouton « Arrêt » de ma télécommande et de distribuer des gifles. L’animateur n’avait manifestement ni la capacité, ni l’envie de dépasser le cliché « Corse, terre de violence ». Quant aux questions des auditeurs, elles indiquaient clairement soit une totale incompréhension des événements violents affectant notre île et ses habitants ; soit une hostilité aux Corses fondée sur la certitude que la population insulaire ne serait au mieux qu’un ramassis de terroristes, de racistes et de mafieux, au pire qu’une majorité d’individus adeptes de l’omerta. Les invités-Henri Mariani (rédacteur en chef adjoint de RCFM), Ariane Chemin (grand reporter au journal Le Monde) et Vincent Carlotti, acteur politique)-ont certes exposé une autre vision de la réalité corse, mais les questions et les réactions de l’animateur ont montré combien il était ardu d’aller à contre-courant d’une vox populi et d’une sphère journalistique pétries de certitudes négatives.
Violence endémique et défi collectif
Cependant, si l’opprobre jeté sur nous est injuste, faut-il pour autant l’ignorer ? Je ne le crois pas. Nous devons en convenir, beaucoup d’habitants de l’Hexagone ont une image détestable des Corses et cela peut se comprendre si l’on considère au moins deux réalités. D’une part, l’actualité insulaire révèle une situation quotidienne aussi dramatique qu’inacceptable si l’on prend en compte qu’elle a eu pour cadre une population de 300.000 habitants. En effet, si le récent et sanglant week-end de Pâques (trois homicides) a donné lieu à une explosion exceptionnelle de violence, il n’est pas survenu dans un océan de calme et de sérénité. Depuis des années, la violence est endémique sur notre île et se manifeste à haute intensité sous toutes ses formes. Dans la sphère privée, dans les rapports interpersonnels, dans le monde du travail, dans les rues des villes, dans les villages, dans les stades, à l’école… D’autre part, nous sommes collectivement réticents (alors que nous le faisons individuellement ou en petit comité) à reconnaître les dérives violentes qui affectent notre quotidien. Quant aux solutions, nous avons une certaine propension à considérer qu’il incombe à d’autres que nous, de les apporter. Or ces réalités de violence endémique et de déni collectif nous rendent, nous devons en prendre conscience, particulièrement détestables aux yeux des autres. Elles nous placent, en effet, dans le rapport avec la société française, dans la même situation que les populations de certaines banlieues. Bien sûr, c’est absolument injuste car nous sommes les premières victimes des comportements violents et faisons les frais d’une réduction des moyens qu’affecte l’Etat à la police, à la justice et à la réinsertion sociale des hors-la-loi. Mais faute d’une volonté collective clairement exprimée de rejet de la violence, plus particulièrement dans ses manifestations criminelles et organisées conduisant à une société pré-mafieuse, nous aurons du mal à nous défaire de l’image négative dont nous accablent, en toutes occasion, nos voisins continentaux.