Il y a trente ans, en août 1982, s’installait la première assemblée de Corse, issue du « statut Deferre ». Prosper Alfonsi était élu le 20 août le premier président de cette assemblée composée de 61 élus. La gauche, la droite y étaient représentés, les autonomistes. Les partisans de la clandestinité avaient refusé de se présenter, choix qu’ils allaient ensuite regretter.
Une génération déjà
Pour celles et ceux qui comme moi appartiennent à la génération d’Aleria, le mois d’août 1982, arrivaient après sept ans de drames, d’emprisonnements et de procès sans fin menés devant la Cour de sûreté de l’état. L’amnistie de 1981 parachevée par celles d’Alain Orsoni et celle de Serge Cacciari, allait en définitive s’ouvrir sur une période o combien ambigu. La clandestinité faisait feu de tous bois dans une confusion terrible qui allait mener à l’assassinat de Guy Orsoni (en juin 1983) tandis que Gaston Defferre peaufinait son chef-d’œuvre : le statut particulier pour la Corse. Ce ministre de l’intérieur, proche du président Mitterrand (mais aussi des voyous corses de Marseille à qui il devait une partie de son pouvoir) avait toujours rêvé être l’auteur d’une grande loi de décentralisation française. Son laboratoire mais aussi son bûcher des vanités allait être la Corse. Les conditions d’élection étaient alors singulièrement souples : il fallait atteindre seulement la barre des 2% pour être élu, ce qui permettait l’arrivée de nouvelles personnalités politiques de nouvelles tendances. Il y avait à l’époque un personnel politique exceptionnel à commencer par Prosper Alfonsi, premier président de l’assemblée.
Plusieurs ennemis intérieurs
Mais il est vrai que le nouveau statut devait affronter plusieurs ennemis. Le premier était indubitablement une classe politique corse clanique qui, mise devant le fait accompli, a pénétré le nouvel outil pour mieux le paralyser. La décision des nationalistes radicaux de ne pas s’investir dans ce processus leur facilitait évidemment le travail. On imagine mal aujourd’hui la haine d’une majorité des Corses à l’égard des autonomistes et des indépendantistes. Il suffit de dire que les barbouzes étaient le plus souvent issus des rangs claniques et non d’un quelconque service secret. Il s’agissait de Corses sincères qui pensaient combattre ce qu’ils désignaient comme le séparatisme. Son deuxième ennemi était également une société corse toute en ambiguïté, prompte à se déclarer solidaire des victimes de la répression mais hostile à toute réforme de fond qui mettrait en cause ses misérables intérêts. Le dernier ennemi et non le moindre était le jacobinisme viscéral de la classe politique française toutes tendances confondues. Les différents statuts de la Corse ont systématiquement coûté leur poste aux ministres de l’intérieur qui les ont proposés au vote du parlement. Pire tous les premiers ministres alors en charge ont également chuté sur l’obstacle corse faute de résultats probants la violence ne cessant pas.
Trente ans plus tard…
Le bilan de ces trois statuts, il faut bien l’avouer est plus que mitigé. Entre-temps, la crise a frappé la France, l’Europe et le monde. Alors qu’il était possible en période de vache grasse que la question corse n’était que politique, il faut ajouter aujourd’hui qu’elle est aussi économique. Sauf pour une poignée d’idéalistes il est évident que nous ne pouvons nous en tirer seul dans une conjoncture marquée par l’affaissement de l’emploi public et plus généralement par une hausse spectaculaire de l’emploi. Nous devons aussi reconnaître que nous n’avons guère su nous servir des outils qui nous étaient offerts. Ainsi n’avons-nous jamais usé du pouvoir d’expérimentation législative. Pas une fois. Bien d’autres possibilités offertes par les statuts ont été neutralisé à dessein par les politiques clanistes voire par les nationalistes souvent plus à l’aise dans le rôle de l’oppositionnel constant que dans celui du gestionnaire. Les offices sont devenus au mieux des officines clientélaires au pire des usines à gaz inopérantes. Je vais me répéter : mais nous possédons une grande partie de la solution. Elle est dans notre capacité à accepter une rupture efficiente avec l’état-providence. Mais il faut qu’en retour nous soyons d’accord pour que notre niveau de vie baisse d’un coup. Quel politique est capable de proposer un tel échange qui devra bientôt l’être au niveau de la planète entière si nous voulons préserver cette dernier et par voie de conséquence nos générations futures ? En trente ans, le monde a changé comme jamais : crise, révolution technologique, marginalisation de la France dans le monde et donc de la Corse en Europe etc… Qui peut encore croire que les solutions d’il y a trente ans possèdent encore les vertus magiques qu’on lui accordait alors ?
GXC