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HUMOUR ET VÉRITÉ

jeudi 23 juin 2011, par Journal de la Corse

Jacques chirac

Sarran, village de Corrèze, résidence secondaire de la famille Chirac. Inauguration d’une exposition Chine au « Musée Chirac ».

Un repas précède la cérémonie. Les invités sortent de table. Une scène insolite se déroule alors. L’ancien président de la République s’approche d’un des convives, François Hollande. Il lui dit, mezzo voce :« Alain Juppé ne sera pas candidat, je voterai pour toi. » Un de ses collaborateurs tente de rectifier le tir. Mais lui reprend à voix haute :« Mais si, je peux dire que je voterai Hollande, je fais ce que je veux. » Avec finesse, François Hollande ne prend pas la déclaration à la lettre. Les commentateurs parlent « d’humour corrézien ». Les deux hommes n’en manquent pas. Pourtant, depuis lors, les médias sont tout bruissants de la petite phrase. C’est qu’en même temps paraît en librairie le second tome des mémoires de Jacques Chirac. Et, dans ce livre, il qualifie François Hollande « d’homme d’Etat ». Venant de quelqu’un qui a dirigé la République pendant une quinzaine d’années, l’hommage n’est pas mince. Le candidat socialiste, actuellement en tête des sondages ne peut qu’en tirer avantage. Surtout que cette stature lui est contestée par des concurrents présents ou futurs qui insistent, non sans malveillance personnelle, sur le fait qu’il n’a occupé jusqu’ici aucun poste ministériel. La petite phrase de Chirac est plus qu’un échange de civilités. Elle fait partie d’une campagne électorale qui débute. Cette anecdote qui n’est donc nullement pittoresque comme on pourrait le croire met en évidence une des premières règles de la Ve République. L’élection au suffrage universel est autant celle d’une personnalité politique que celle d’un programme de parti. Une personne avec sa compétence, son charisme, sa vision non seulement des choses, mais du pays, de la France et du monde, cela compte. D’autant plus que François Hollande ne manque pas d’humour, ni d’esprit de répartie. Il sait aussi être incisif lorsqu’il faut. Mais il conserve toujours sa dignité en s’en prenant au système et non pas aux hommes, comme il évite toute manifestation de haine. Il tranche quelque peu ainsi avec ceux pour qui les polémiques personnelles prennent le pas sur la confrontation des objectifs et des méthodes de gouvernement. L’avenir d’un pays et de ses générations ne peut se réduire à des positions anti ceci ou celui-ci. Peut-être ces deux hommes, par la capacité de chacun à respecter l’autre ont-ils rappelé à l’ordre, sans le dire, ceux qui franchissent les lignes du débat démocratique, oubliant qu’à trop remuer les eaux fangeuses une vague de dégoût populaire est susceptible de mettre la République en péril. La gauche républicaine ne saurait oublier l’émouvant éloge funèbre de Jacques Chirac à François Mitterrand, son prédécesseur. Pourquoi des gens de qualité devraient-ils s’adonner à la vulgarité des sentiments parce qu’ils mènent un combat politique ? La véritable démocratie ne peut que gagner à pareille leçon.

Marc’Aureliu Pietrasanta

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