L’actuelle et relative majorité territoriale disait vouloir s’en tenir à un « toilettage » des institutions. Il semble que le président du Conseil exécutif ait changé d’avis.
La commission des compétences législatives et réglementaires, dite Commission Chaubon, examine, depuis plusieurs mois, les possibilités d’évolution ou de toilettage du cadre institutionnel corse. Après l’élection de François Hollande à la présidence de la République, Pierre Chaubon a activé les travaux. Son objectif est que la commission soit en mesure d’éclairer le débat institutionnel que lancera Paul Giacobbi à la rentrée. En suscitant la production de propositions précises qui seraient validées par l’Assemblée de Corse, le président du Conseil exécutif, agit comme s’il voulait renvoyer très vite dans les pieds du président de la République, le ballon de la réforme institutionnelle. Cet empressement n’est pas sans provoquer des commentaires et des interrogations. D’aucuns assurent que Paul Giacobbi souhaite ainsi prendre au mot un François Hollande qui, durant la campagne des présidentielles, affirmait que, s’il était élu, il appartiendrait à l’Assemblée de Corse de faire des propositions. D’autres suggèrent qu’en « refilant » très tôt cette « patate chaude » au pouvoir parisien, Paul Giacobbi répondrait du tac-au-tac au chef de l’Etat. Enfin, tous observent qu’en agissant ainsi, le Président du Conseil exécutif fait un appel du pied aux autonomistes. Ce qui pourrait relever d’une stratégie visant à dessiner une nouvelle majorité territoriale au détriment de la « gauche républicaine » à laquelle s’identifient les radicaux de gauche zuccarellistes et les communistes. La Commission Chaubon rédigera donc un rapport durant l’été et le présentera probablement, dès la rentrée, aux élus de l’Assemblée de Corse lors d’une session extraordinaire. Si une majorité significative se dégage autour d’un corpus de propositions, celles-ci seront alors transmises à Paris. A ce stade, bien entendu, rien ne sera encore fait ou acquis. Il faudra que le Conseil d’Etat, le Président de la République, le Gouvernement, l’Assemblée Nationale, le Sénat et sans aucun doute le Conseil Constitutionnel examinent, rejettent, modifient, amendent ou avalisent. On peut s’attendre à ce que le débat soit animé car il ne manquera pas de conseillers d’Etat, de députés et de sénateurs de droite ou de gauche, et aussi de « sages », pour s’opposer aux revendications insulaires. Par ailleurs, il est probable que des voix demanderont que les électeurs insulaires soient consultés comme cela fut le cas en juillet 2003. Ce qui serait d’ailleurs plus que souhaitable si la réforme devait être considérable. En effet, il serait inconcevable de priver le peuple du droit d’approuver ou rejeter des évolutions qui pourraient aller jusqu’à nécessiter une révision de la Constitution. D’autant que l’actuelle et relative majorité territoriale n’avait inclus dans son programme qu’un « toilettage » des institutions.
Or, il semble bien que le président du Conseil exécutif veuille ne pas s’en tenir à « toiletter ». Il l’a d’ailleurs fait savoir durant la campagne des Législatives en déclarant dans Corse-Matin : « Le président de la République a dit qu’il serait extrêmement attentif à ce que l’assemblée de Corse souhaitera en matière de progrès institutionnel. À nous de donner une vision rassemblée, utile et claire. Rassemblée en dégageant un quasi-consensus. Utile pour que la Constitution s’adapte à nos besoins : maintenir le principe des arrêtés Miot, réglementer l’accès au foncier aux non-résidents, obtenir le statut officiel pour la langue corse. Claire enfin sur l’objectif qui n’est pas d’éloigner la Corse de la République française mais de lui donner une place juste en son sein. Le projet devra (…) définir constitutionnellement la place de la Corse qui ne peut plus être assimilée à une région de droit commun ». En fin d’année, François Hollande risque de trouver sur sa table non pas une demande de réforme soluble dans l’acte 3 de la décentralisation, mais un projet autonomiste à la sauce Giacobbi de nature à susciter la polémique ou le conflit. En effet, si aller dans le sens du président du Conseil exécutif, exposera aux accusations parisiennes ou insulaires d’accorder aux Corses des privilèges et de favoriser le communautarisme, s’opposer à la démarche de ce dernier donnera du grain à moudre aux indépendantistes et aux clandestins. La fin de cette année et 2013 verront donc la Corse renouer avec le débat institutionnel. Il nous sera alors dit et redit que de son issue dépendra notre avenir individuel et collectif. Ce n’est pas faux. Il est évident qu’opérer ou non un choix autonomiste influera sur le destin de la Corse et de ses habitants. Il nous sera aussi affirmé que d’une avancée autonomiste résulterait une solution politique au problème corse. C’est probable. Il est patent que la plupart des insulaires et des nationalistes souhaitent un débat politique apaisé. Il faut toutefois espérer que tout cela ne conduira pas à renvoyer aux calendes grecques le traitement de questions urgentes ou cruciales. Ainsi, réformer le service public maritime et aérien ou boucler le PADDUC sont des chantiers qui ne peuvent plus se résumer à des effets médiatiques ou à des colloques. Il est plus que temps d’agir. Ainsi également, simplifier la carte administrative en supprimant les conseils généraux et en réduisant le nombre de communes, sont des nécessités vitales à ne pas oublier. Il est impératif de faire preuve de courage. A défaut, on en viendrait très vite à se dire que l’énième démarche institutionnelle relèverait de cette citation d’Edouard Herriot : « La politique est un chapitre de la météorologie. La météorologie est la science des courants d’air.
Pierre Corsi