Enseigner l’histoire, c’est toute une histoire. La rentrée 2012 n’a pas dépassionné la controverse sur le programme d’histoire en première, jugé trop lourd, ni son épreuve anticipée. Même s’il est dit que la session anticipée de 2013 est probablement la dernière, les professeurs de cette matière s’inquiètent car la moitié des élèves de 1ère générale passeront cette épreuve. Les aléas liés à l’avenir de l’enseignement de l’histoire-géographie posent la question de la pédagogie.
À quoi sert l’Histoire ?
L’Histoire, c’est aussi la relation des faits et des événements, la mise en perspective d’éléments du passé pour éclairer le présent, que cela soit des idées, des hommes, des situations, etc. Elle est une façon de voir le monde. Pour preuve, certaines dictatures ne se sont pas privées de remodeler l’Histoire à leur manière pour donner raison au système en place. Cela atteste que l’Histoire est également ce qui crée un sentiment d’appartenance à une même communauté. L’histoire de l’enseignement des langues régionales est une illustration de cette concordance de faits qui éclaire une réalité contemporaine : deux dates marquent le retour du corse dans l’enseignement des langues, 1968 pour les tentatives isolées d’intégration au programme des langues régionales et 1974 pour la reconnaissance de la langue corse dans le cadre de la Loi Deixonne (alors qu’elle avait été omise dans celle de 1951). Évoquer cette partie de l’Histoire, c’est donc aussi mettre en cohérence les enjeux linguistiques, éducatifs et politiques de cette question. Car c’est bien toute la polémique récente de l’enseignement de l’histoire-géographie : entre les adeptes du devoir de mémoire et le respect de la chronologie avec une connaissance académique, et ceux qui militent pour un rôle plus empirique et la connaissance pragmatique des faits et événements.
Enseigner l’Histoire
La réforme de l’enseignement de l’histoire-géographie au lycée général lors de la rentrée 2011 pose la question de la façon d’enseigner ces matières. Outre la lourdeur du programme intitulé « Questions sur le XXe siècle », c’est l’aspect thématique qui désoriente, par rapport à la chronologie. Dans l’absolu, l’abord thématique n’est remis en cause que parce que cela provoque confusions et raccourcis, par exemple sur « la guerre au XXe siècle » et les « nouvelles conflictualités » (Sarajevo, guerre du Golfe, attentats du 11 septembre). La peur de l’instrumentalisation de l’Histoire n’est pas loin, les polémiques récentes sur la colonisation en témoignent. Apprendre l’Histoire, c’est donc pouvoir apprendre à démêler le vrai du faux et aiguiser son esprit critique. Il ne faut pas oublier qu’enseigner l’Histoire, c’est aussi enseigner le temps. Avoir connaissance du passé, c’est pouvoir concevoir l’avenir, donc se projeter. L’objectif premier de l’enseignement de l’histoire est bien la compréhension de ce que sont les êtres humains, dans un mouvement permanent de rapprochements et de mises à distance, dans le temps et dans l’espace.
Une vieille polémique
Aujourd’hui l’avènement des nouvelles technologies amène à repenser l’éducation plus globalement, pas seulement l’histoire-géographie, parce que les élèves sont confrontés aux données plus qu’à la connaissance et que l’enjeu est bien de savoir transformer ces données en intelligence. Les accusions contre l’école qui ne dispense plus des cours d’histoire de qualité ne datent pas d’hier. La polémique remonte aux années soixante-dix. En octobre 1979, Alain Decaux, académicien et ancien ministre, publiait, dans les colonnes du Figaro, « On n’apprend plus l’histoire à vos enfants ! », montrant son opposition aux évolutions pédagogiques en cours. Les querelles autour de l’enseignement de l’Histoire sont déjà bien rodées. S’il est si difficile de construire des programmes d’histoire-géographie, c’est parce qu’ils doivent offrir un point de vue scientifique conforme à l’état des connaissances et tenir aussi compte des attentes de la société. L’enseignement de l’Histoire ne doit pas être une lutte contre l’oubli du passé, une réaction d’hypermnésie. L’enjeu mémoriel est un alibi d’interventionnisme politique dans la matière, tandis que celle-ci appelle à plus de recul critique et de mise à distance. Laurent Wirth, doyen de l’inspection générale d’histoire et de géographie, rappelle que « Les mémoires sont conflictuelles, l’histoire doit être pacifiante ».
Maria Mariana