Emile Zuccarelli arrive-t-il au terme de son mandat de maire qu’il a pleinement rempli pendant près de 23 ans ? La question reste pour l’heure sans réponse précise. Mais on peut poser la même à l’Union de la Gauche qui préside aux destinées de Bastia depuis presque un demi-siècle et il vous sera répondu par la négative. En attendant, le premier magistrat continue son œuvre comme s’il allait la poursuivre à l’infini. En égrenant, non sans une certaine fierté, les résultats obtenus et ceux qu’il lui reste encore à cueillir. Sans penser un seul instant mettre les pouces, signe d’un désintérêt qu’il ne veut même pas imaginer.
Être maire depuis près d’un quart de siècle ça relève de quoi ? D’une inébranlable volonté de servir ? D’une soif inextinguible de pouvoir ? D’un sacerdoce ? Ou tout simplement d’un jeu politique générateur de passion ?
Essentiellement pour deux raisons que vous n’avez pas citées. La première est que les Bastiais ont choisi qu’il en soit ainsi. Ensuite, pour parler de ma motivation, j’ai voulu et je veux porter une ambition pour Bastia, pour ma ville. Avec mes amis nous la voulons belle, attractive, rayonnante mais aussi fraternelle et solidaire avec les plus démunis. Cette volonté, cette ambition, je ne la retrouve en aucune façon chez certains opposants dont le « look » et le discours attrape-tout peuvent séduire un temps mais ne sont porteurs d’aucun avenir pour la cité et pour ses habitants.
Tout au long de vos mandats de maire et de parlementaire vous n’avez cessé de condamner la violence qu’elle ait été de caractère politique ou qu’elle ait relevé du droit commun ; Celle-ci plus que l’autre a semé et sème encore le deuil à la volée. Y-a-t-il, selon vous, un moyen de l’enrayer ou faut-il se résigner à la subir ?
La violence d’inspiration politique et celle relevant du pur et simple banditisme ont pu, à l’origine, se distinguer voire s’affronter. Mais nous avons été peu nombreux alors à dire qu’inéluctablement l’une, quelles que soient les motivations originelles, finirait par faire le lit de l’autre et qu’elles confondraient une grande partie de leurs acteurs. Il faut beaucoup d’inconscience ou d’irresponsabilité pour penser que l’on peut s’affranchir des règles de droit telles qu’elles ressortent de la loi, sans entrer dans un désordre qui est le terreau du crime. On voit encore aujourd’hui, dans la situation très préoccupante que nous connaissons, alors qu’elles en contestent la présence, un certain nombre de personnes dans notre île, réclamer à juste raison la ferme intervention de l’Etat. Il est hors de question de se résigner, il est hors de question de subir, mais on ne peut pas demander une chose et son contraire, et la première étape d’un sursaut passe aussi par cette prise de conscience collective de la Corse et une exigence minimale de cohérence.
L’embellissement de la ville et sa protection en matière d’urbanisme ont été au centre de vos préoccupations et de vos initiatives. La plupart ont été saluées par vos administrés et tant d’autres pour qui Bastia n’est pas seulement un lieu de passage. Reste-t-il encore beaucoup à faire dans ce domaine ?
En effet, tout Bastais de bonne foi, tout visiteur constate, et dit souvent, que Bastia est en forme, que la ville s’est équipée, s’est embellie. Je n’en finirais pas de citer tous les domaines dans lesquels ces choses sont tangibles. Bastia est de plus en plus reconnue à l’intérieur comme à l’extérieur. Je tiens à souligner que cette dynamique s’est faite et se poursuit dans le respect des finances de nos concitoyens par une réelle modération fiscale. Dans le respect de notre patrimoine, dont les habituelles cassandres immobilistes citeraient difficilement un seul élément que nous aurions offensé. Dans le respect des règles et des lois et la transparence de la gestion. En plus de vingt ans, l’ensemble de nos actes administratifs n’a jamais subi la censure en particulier notre PLU et nos documents administratifs n’ont pas été attaqués et encore moins annulés. Reste-il encore beaucoup à faire ? Je vous répondrais que plus on fait, plus il y a à faire. Ouvrez une nouvelle artère, vous ajouterez les problèmes inhérents à cette artère, ouvrez un nouveau domaine d’activité, vous ajouterez encore des problèmes. Mais c’est à l’image de la vie dont Bastia témoigne plus que jamais.
Pouvez-vous, en regardant dans le rétroviseur, mettre en relief les deux ou trois événements qui auront marqué l’histoire de la cité dans la première décennie du XXIe siècle ?
Le choix est difficile, je citerais cependant l’engagement et la réalisation en cours, et qui se voit, des grandes opérations de rénovation de quartiers. Dans le Sud autour de la Cité Aurore par la réhabilitation ou la reconstruction de bâtiments de qualité, notre volonté de mixité sociale, la construction d’une nouvelle école, d’une maison des services publics, d’un centre culturel contenant notamment la médiathèque de Bastia etc… Nous faisons de ces quartiers, jadis considérés comme périphériques, des éléments d’une nouvelle centralité. Dans le Centre Ville ancien dont l’état de délabrement a commencé à reculer et nous allons continuer de manière déterminée. A ce titre, on peut signaler un élément particulièrement important de ces rénovations du centre ancien, je veux parler de la réhabilitation du Palais des Gouverneurs, la réouverture du Musée, accompagnées de la piétonisation de la Citadelle et la restauration de la Place Vincetti complétée par un parking. C’est une opération qui structurera durablement le cœur de la cité. Sans parler de la rue César-Campinchi qui aujourd’hui fait merveille. Deuxième élément important c’est la décision obtenue de haute lutte de construire un nouveau port de commerce à la Carbonite. C’est une opération majeure qui structurera la ville pour les cent ans à venir avec des effets bénéfiques sur tous les domaines d’activité y compris le domaine touristique dont certains ont prétendu, jadis, que Bastia en était éloignée. J’ai noté avec amusement que le groupe Inseme per Bastia après avoir essayé de bloquer le projet de Port comme ses devanciers avaient jadis essayé de bloquer le tunnel sous le Vieux Port puis le parking du marché, sent le vent tourner et amorce un piteux virage sur l’aile en invoquant son manque d’informations… Je relèverai enfin - le phénomène n’a pas commencé avec nous mais s’est considérablement amplifié- le spectaculaire développement des pratiques sportives et culturelles dans notre Ville et, grâce à la CAB, dans notre agglomération. Les pratiquants et spectateurs sont de plus en plus nombreux, les infrastructures publiques ou associatives aussi. Les clubs et associations n’ont jamais été aussi nombreux.
Les prochaines élections municipales font déjà l’objet de multiples supputations. Comment les accueillez-vous ? Avec intérêt ? Avec réserve ? Avec indignation ? Ou avec le silence qui probablement s’impose ?
Avec intérêt bien sûr. Mais c’est surtout Bastia qui a intérêt à continuer sur la lancée et être gouvernée avec les mêmes principes et la même détermination. Car j’ai l’impression que nos opposants, faute d’avoir un vrai projet pour la Ville, se bornent à glaner les mécontentements individuels, que le changement cause toujours ça ou là, ou de semer l’inquiétude. Cette méthode peut profiter à quelques uns, certainement pas à la légitime ambition des Bastiais.
La victoire sur laquelle vous comptez, sera-t-elle la résultante d’une union de la gauche que vous avez souvent appelée de vos vœux ou d’un assemblage plus ou moins hétéroclite avec lequel on peut quelquefois créer la surprise ?
L’Union de la Gauche a toujours été le socle de la majorité municipale dont, je le répète, Bastia peut se louer de l’avoir portée et maintenue à la mairie. Pour autant, elle ne s’est jamais présentée comme un ensemble fermé et à chaque renouvellement, elle a su s’ouvrir à d’autres personnes de sensibilités différentes ayant en commun avec elle des objectifs et des principes.
Les dernières élections législatives ont singulièrement conforté la droite dans la plupart des circonscriptions insulaires. Pourrait-elle dés lors jouer un rôle déterminant à Bastia ?
L’électorat de droite représente à Bastia, comme partout ailleurs, une partie importante du corps électoral. A ce titre, il comptera dans les prochains scrutins. Je ne suis pas persuadé cependant que tous ces électeurs puissent, comme en rêvent certains stratèges au café du commerce, se reconnaître dans une union avec les forces antirépublicaines. Et une grande partie reconnaît la qualité de notre gestion et la soutient.
Si vous décidiez de ne plus solliciter le renouvellement de votre mandat, êtes-vous vraiment sûr que votre départ n’aurait pas de fâcheuses conséquences ?
Comme je l’ai déjà dit, la question n’est pas à l’ordre du jour. L’équipe municipale est, toute entière, tendue vers l’action et il serait trop tôt pour qu’elle en soit détournée par des supputations électorales.
Et puisque la période des vœux n’est plus très lointaine, en avez-vous quelques uns à former ?
Nous approchons, en effet, de la période des vœux et c’est du fond du cœur que je souhaite par anticipation à mes concitoyens, Bastiais et Bastiaises, aux habitants de l’agglomération, et à toute la Corse, santé et bonheur. La Corse est une île belle et riante à l’ordinaire mais la nature y est souvent capricieuse : inondations, tempêtes, tornades, incendies ne lui sont pas épargnés et causent des dégâts de plus en plus importants à la mesure de la sophistication des techniques et de l’organisation collective. Notre île se donne les moyens d’y faire face, elle l’a montré à diverses occasions récentes mais il faut souhaiter qu’un peu de chance nous épargne des éléments les plus déchainés face auxquels nous pouvons être impuissants. La Haute-Corse se signale, hélas, par une mortalité routière sans équivalent en France, je souhaite que l’année 2013 voie un recul de ces chiffres tragiques grâce à une plus grande prudence des conducteurs et notamment des plus jeunes. Enfin, et j’aurais dû commencer par là, il faut espérer que l’année 2013 verra un recul significatif de la criminalité hideuse qui ensanglante notre île. Je l’ai évoqué tout à l’heure, la recherche d’un progrès dans ce domaine passe par une action déterminée de l’Etat. Nous l’y appelons de manière instante mais nous l’y aiderons si nous bannissons aussi le double discours et les postures de déni. Je souhaite que nous en ayons collectivement le courage.
(Interview réalisée par Jean-Noël Colonna)