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Elections locales : Deux fois moins de cantons en 2015 !

jeudi 21 mars 2013, par Journal de la Corse

Si le Conseil Constitutionnel ne joue pas le censeur, une évolution institutionnelle plus que significative est en vue. Le changement le plus spectaculaire concernera le Conseil général et ses élus.

Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, a présenté un projet de loi organique portant principalement sur l’élection des conseillers municipaux, des délégués communautaires et des conseillers départementaux, et un projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires. Ces textes sont en cours de discussion à l’Assemblée Nationale qui les a adoptés en première lecture et au Sénat qui renâcle quelque peu. Mais force restera aux députés, ce qui permet de considérer que les grandes lignes de ces textes seront en définitive adoptées.

26 cantons au lieu de 52 !

Si le Conseil Constitutionnel ne joue pas le censeur, une évolution institutionnelle plus que significative est donc en vue. Le changement le plus spectaculaire concernera le Conseil général et ses élus. Premièrement, celui-ci perdra son nom, il sera dénommé « Conseil départemental » et les conseillers généraux deviendront des « conseillers départementaux ». Deuxièmement, la parité sera instaurée et le nombre de cantons sera divisé par deux. La création d’un binôme obligatoire homme / femme par canton imposera en effet cette réduction drastique, car le nombre de futurs conseillers départementaux, pour chaque département, ne pourra excéder celui des actuel conseillers généraux. On passera donc de 4.000 à 2.000 cantons... Troisièmement, il en sera fini de l’influence dominante des élus ruraux ayant toujours caractérisé le Conseil général. Cette évolution résultera mécaniquement du redécoupage opéré pour diminuer le nombre de cantons, et de la volonté de rendre plus équitable leur représentation. En effet, comme l’écart de population entre deux cantons dans un même département ne devra pas excéder plus ou moins 20%, les cantons insulaires devront en moyenne compter 10 à 13.000 habitants. Tout cela prendra effet lors des élections cantonales de 2015, et aboutira sans doute à une considérable modification des équilibres politiques en Haute-Corse et en Corse-du-Sud. Dans le Cismonte, au moins 15 élus cantonaux sur 30 ne pourront retrouver leur siège. Dans le Pumonte, 11 sur 22 connaîtront le même sort. Enfin, le regroupement des cantons tout en favorisant les candidats issus des centres de peuplement urbain, bénéficiera très probablement aux mouvements nationalistes et plus largement aux binômes fortement politisés. En effet, ces candidats tireront profit de la mise hors-jeu d’élus solidement implantés, même si les partis des notables évincés auront la possibilité de remplacer chaque sortant par sa fille, sa femme ou une de ses proches parentes.

Scrutin municipal de liste à partir de 1.000 habitants

Le vent du changement touchera également les établissements publics de coopération intercommunale car leur gestion deviendra plus démocratique. Certes, les conseillers des communautés d’agglomération et des communautés de communes ne seront toujours pas élus au suffrage universel direct. Mais un progrès démocratique interviendra néanmoins. D’une part, lors du scrutin municipal, chaque liste devra, par un fléchage sur le bulletin de vote, indiquer celles et ceux des candidats pressentis pour siéger dans les intercommunalités. D’autre part, dans les instances délibérantes des intercommunalités, une place sera faite aux oppositions municipales. Il va sans dire que le fonctionnement des intercommunalités insulaires sera quelque peu modifié par la présence d’opposants. Une plus grande transparence des décisions s’imposera, les débats lors des conseils communautaires seront plus « musclés » et les communes centres ne seront plus assurées d’une majorité lors des votes. Enfin, le changement touchera les communes car le seuil de population au-delà duquel les conseillers municipaux seront élus au scrutin de liste, sera de 1.000 habitants au lieu de 3.500 aujourd’hui. Les changements concernant l’intercommunalité et les communes interviendront dès 2014, à l’occasion des élections municipales. Ils devraient être profitables aux listes nationalistes ou aux partis nationalistes fortement politisées car, de par la proportionnelle, ces acteurs politiques trouveront l’opportunité d’obtenir des élus clairement identifiés dans les conseils communautaires et communaux sans avoir besoin de recourir à des alliances.

Des mécontents à gauche et à droite

Tous ces changements suscitent des oppositions même s’ils paraissent devoir être inéluctable et sans doute irréversibles. Le Front de gauche et les écologistes voient les ferments d’un renforcement du bipartisme car le mode de scrutin majoritaire à deux tours devant rester en vigueur lors des élections cantonales, favorisera les deux grands partis (UMP, PS). « Au nom de la parité, on tue le pluralisme » a argumenté la présidente du groupe communiste au Sénat. Cependant, en Corse, ce mode de scrutin pourrait profiter aux nationalistes si ceux-ci s’unissent et parviennent à constituer des binômes localement bien implantés. L’UMP et l’UDI ont eux aussi manifesté leur opposition car la ruralité étant moins représentée, ces formations risquent de perdre beaucoup de leurs élus cantonaux. En effet, la droite et le centre son traditionnellement majoritaires dans les territoires ruraux. Le député UMP Camille de Rocca Serra et le président UMP et le Conseil général de Corse-du-Sud à dominante UMP ont d’ailleurs dit tout le mal qu’ils pensaient des futurs changements. La collectivité sudiste a d’ailleurs récemment adopté une motion demandant le retrait des dispositions portant réforme du mode de scrutin départemental. Son président, Jean-Jacques Panunzi, a argumenté ainsi : « C’est la ruralité, c’est l’ancrage territorial, c’est le lien de proximité que l’on sacrifie sur l’autel prétendument de la parité, pour ne pas dire au nom de considérations politiciennes (...) En Corse-du-Sud, des 22 cantons actuels, il n’en restera plus que 11 à compter de mars 2015. En d’autres termes, cela signifie que deux, voire trois ou quatre cantons fusionneront pour n’en faire plus qu’un de 13.000 habitants, contre 6.500 en moyenne aujourd’hui. Conséquence immédiate : c’est le fragile équilibre entre territoires qui existait jusqu’alors grâce au rôle de péréquation joué par le Conseil Général dans l’aménagement du territoire qui va être mis à mal. Autrement dit, c’est un véritable coup d’arrêt qui va être porté aux cantons ruraux et ce faisant aux services publics de ces mêmes territoires. »

Pierre Corsi

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