Une vache qui divague n’est pas moins dangereuse qu’une automobile mal conduite. Un « éleveur » laissant ses animaux hors contrôle n’est pas moins criminel qu’un conducteur en état d’ébriété.
Il y a quelques jours, circulant de nuit sur la route reliant nos deux capitales, j’ai eu la mauvaise surprise de rencontrer une vache et le bonheur de l’éviter in extremis. J’ai eu davantage de chance que bien des automobilistes qui ont heurté un bovin ou un porcin et dont le véhicule a été mis hors d’usage. J’ai pu remercier le ciel de n’avoir pas connu le sort de plusieurs infortunés blessés ou tués par ce genre de collision. Cette aventure qui aurait pu tourner à la mésaventure m’a incitée à écrire ce qui suit. Et tant pis si cela déplait.
Individus sans foi ni loi
Vaches, veaux, taureaux et porcs en divagation représentent de véritables calamités. Ces animaux mettent à mal le réseau routier en détruisant les murets. Ils occasionnent des dégâts dans les villages en s’attaquant à tout ce qui pousse dans un pot ou une jardinière. J’ajoute que leurs excréments sont loin de contribuer à l’aspect hospitalier et à la qualité olfactive de nos ruelles. Ils ne sont pas en reste avec les sangliers pour dévaster les jardins. Enfin, ils ajoutent à la série de leurs « exploits » la profanation des cimetières et parfois une agressivité à l’encontre des personnes. Toutefois, ces Attila ne sont pas les plus à blâmer. Ils ne sont que des animaux. Les principaux responsables sont quelques individus sans foi ni loi que les médias et les autorités s’obstinent à qualifier d’éleveurs. Ce qui est injuste à l’encontre d’une profession qui est loin de ne compter que ce genre de personnes dans ses rangs. Pour ma part, j’hésite entre deux vocables « irresponsable » ou « criminel ». Il faut en effet une bonne dose d’irresponsabilité pour laisser des animaux divaguer alors qu’il ne se passe pas un mois sans qu’un média signale un accident ayant eu pour cause un bovin ou un porcin en divagation, et que les discussions dans les villages font maintes fois état des dommages créés par une vache ou un taureau abandonné à lui-même. Cela dit, la dimension criminelle est loin d’être absente. Créer, en ayant conscience du mal pouvant être fait, les conditions de dommages matériels graves ou de traumatismes corporels pouvant entraîner des blessures, un handicap ou la mort, s’apparente beaucoup à l’homicide volontaire. C’est d’autant plus vrai que ces « éleveurs » n’hésitent pas à menacer les maires et les fonctionnaires qui tentent de remédier à la divagation animale. Au fond, la divagation relève de l’irresponsabilité criminelle.
Que font les gendarmes ?
Que l’on n‘attende pas de moi que je mette en cause ces maires de villages et ces agents publics. Certes, la loi stipule que le maire est responsable « des événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces » et que la commune doit posséder une fourrière. Mais chacun sait que les élus des communes rurales n’ont ni les moyens de faire appliquer les arrêtés, ni ceux de financer la capture d’animaux et le fonctionnement d’une fourrière. L’Etat qui se targue d’avoir pour missions régaliennes d’assurer la protection des personnes et des biens et de faire respecter la loi, est en revanche loin d’être irréprochable. On peut se demander « Mais que font donc les gendarmes ? » Eux qui sont si prompts à verbaliser le défaut de ceinture attachée ou le 0,1g de dépassement du taux d’alcoolémie. Il est également loisible de s’interroger sur l’action des préfets. Ne serait-ce pas leur rôle que de demander aux forces de l’ordre d’intervenir avec autant de détermination que contre les automobilistes trop pressés ou ayant forcé sur la bouteille ? Une vache qui divague n’est pas moins dangereuse qu’une automobile mal conduite. Un « éleveur » qui laisse ses animaux hors contrôle n’est pas moins criminel qu’un conducteur en état d’ébriété.
Alexandra Sereni