Le risque de voir les falaises de Bonifacio se noircir de tâches de pétrole s’est fortement réduit depuis dix ans grâce aux mesures franco-italiennes de limitation du trafic dans le détroit. Malgré cette amélioration, les appels à une interdiction totale de la navigation dans les « Bocche » se font plus pressants. En janvier 1993, Rome et Paris décidaient d’agir à la suite de l’échouement d’un cargo dans ce détroit large de seulement onze kilomètres, truffé d’îlots et réputé pour sa dangerosité par gros temps. Les ministres de l’Environnement de deux pays signaient une convention pour interdire la navigation des pétroliers de leurs pays dans les Bouches de Bonifacio. Paris et Rome ne pouvaient aller plus loin car le détroit possède le statut contraignant de "détroit servant à la navigation internationale". En 1998, l’Organisation Maritime Internationale (OMI) faisait un pas en décidant de "recommander" aux capitaines de pétroliers d’éviter ce passage et la France renforçait son dispositif "préventif" de surveillance. Dix ans après l’initiative franco-italienne, le trafic, déjà relativement faible, diminue régulièrement. La baisse est plus accentuée pour les seuls produits pétroliers, réduits à 100.000 tonnes annuellement, soit le tiers de la cargaison d’un pétrolier de taille moyenne. Le risque zéro n’existe pas, mais il est maintenant limité à sa plus faible occurence. Tout en constatant une amélioration, le maire de Bonifacio reste circonspect, craignant que les navires qui continuent à passer soient surtout les plus douteux. Sur la même position, les associations de défense de l’environnement mettent en avant "l’extraordinaire richesse" de ces côtes, devenues réserves, peuplées de cormorans huppés (10% de la population mondiale), de puffins cendrés ou de la très rare patelle ferrugineuse. Une marée noire aurait des conséquences sans doute irrémédiables sur ce milieu extrêmement fragile.
J-N.C.