Les débats et manifestations pro ou anti mariage gay révèlent un visage de la France divisée. Pourtant, les Français sont toujours majoritairement favorables (53%) au mariage homosexuel, mais sont désormais de plus en plus opposés à l’adoption par des couples homosexuels (56%), selon un récent sondage CSA pour BFMTV. À l’heure où le Sénat doit se prononcer sur le mariage homosexuel, le climat est loin d’être pacifié et pacifique sur ce sujet. La journée internationale contre l’homophobie qui se tient le 17 mai offrira peut-être une trêve.
Sortir du placard
Magic Johnson, basketteur américain retraité de la NBA, a réagi publiquement au coming out de son fils Earvin Johnson III, qui s’est promené main dans la main sur Sunset boulevard avec son petit ami. À cette occasion, Magic Johnson a passé un message de tolérance contre la discrimination des jeunes homosexuels, car beaucoup souhaitent dévoiler leur véritable sexualité à leur entourage mais ils ne peuvent pas le faire à cause de la haine ambiante. Pas si facile de faire son coming out. Cette expression vient du verbe anglais « coming out of the closet », qui signifie « sortir du placard », l’endroit dans lequel on se « planque », où l’on cache son homosexualité. Des célébrités ont ainsi fait leur coming out, comme Jodie Foster lors des Golden Globes 2013, ou des hommes politiques tel Franck Riester député-maire UMP, il y a aussi eu le buzz sur l’homosexualité de Bertrand Delanoë en 1998, alors candidat à la mairie de Paris.
Coming out vs outing
A la différence du coming out, l’outing est l’acte de révéler qu’une personne est homosexuelle sans son accord. Il y a d’un côté ceux qui défendent le respect de la vie privée, de l’autre ceux qui accusent les homosexuels influents de ne pas mettre leur notoriété au service de la cause homosexuelle. Pour ce qui est de l’outing, en septembre 2011, une dizaine de députés italiens ont été « outés » sur un blog alors qu’ils avaient rejeté deux fois de suite une loi pénalisant l’homophobie, discutée au Parlement. L’outing n’est pas populaire, car la question de l’orientation sexuelle demeure un tabou dans l’espace public. La société française n’est pas encore très ouverte à l’homosexualité. L’ouverture du mariage aux couples homosexuels risque de plonger plus d’un de ces couples dans des dilemmes cornéliens entre officialisation avec les risques professionnels que cela peut comporter ou discrétion et passer à côté des avantages sociaux (mutuelle partagée, primes aux couples mariés, etc.). Ainsi, il reste difficile pour un couple d’homosexuels de louer un logement, car ils sont mal vus, d’où la préférence de rester dans l’ombre. Idem au travail, certaines professions ne voient pas d’un bon œil la révélation de son homosexualité, comme pour les enseignants, par exemple. L’évolution des mœurs n’a pas encore réussi à persuader certaines catégories sociales que l’homosexualité n’est pas synonyme de pédophilie. Le silence sur leur vie amoureuse les protège d’une polémique ou d’un scandale.
Homophobie persistante
Fin de l’année dernière Mgr De Germay, évêque de Corse, avait appelé à la « résistance du peuple catholique face aux agressions contre les valeurs traditionnelles et populaires menées par un pouvoir politique français contrôlé par des forces occultes et subversives, vouées à la destruction spirituelle des peuples européens ». L’homosexualité n’est plus considérée comme un tare, elle est globalement mieux acceptée, mais paradoxalement l’homophobie gagne du terrain. Les agressions ne sont pas rares. Quatre départements sont particulièrement touchés : Paris, Rhône, Nord et Moselle, alors que dans de nombreux départements ruraux, les TOM-DOM et la Corse aucune agression n’est signalée. « En Corse, cela ne veut pas dire que l’homosexualité est acceptée, mais que la pression homophobe est tellement forte que les homosexuels sont transparents », nuance toutefois Jacques Lizé, co-président de l’association SOS-Homophobie. Même combat dans le monde du football. À ce jour en France, seul Olivier Rouyer a révélé son homosexualité, bien après la fin de sa carrière pro. En 2010, Yoann Lemaire, un joueur du FC Chooz, exclu par son club en raison de son homosexualité, avait reçu de nombreux soutiens dont ceux de la ministre des Sports de l’époque, Rama Yade, et de Yannick Noah. Il faut du temps pour vaincre les réticences, les tabous, la morale.
Maria Mariana