Si le cannabis et plus globalement les « drogues douces » étaient légalisés et vendus par les débitants de tabac, cela présenterait plusieurs avantages.
Plusieurs centaines de personnes, dont de nombreux jeunes, ont dernièrement manifesté à Ajaccio pour dénoncer les ravages de la consommation de stupéfiants et les dealers. Ils ont aussi mis en cause une action insuffisante des forces de police et la cécité de la classe politique. Enfin, ils ont rappelé que leur proposition de réalisation d’un état des lieux du trafic de stupéfiants en Corse, n’était toujours pas prise en compte. Cette mobilisation a eu le mérite de souligner une situation inquiétante, une insuffisante mobilisation des pouvoirs publics, une prise de conscience d’une partie de la jeunesse et surtout une volonté d’agir. Mais je doute que dénoncer et réprimer tous azimuts s’avèrent en définitive efficaces. En effet, la banalisation de leur consommation et les revenus énormes et diffus pouvant être tirés de leur trafic, rendent inefficiente la lutte contre le trafic de certains stupéfiants, dont plus particulièrement le cannabis. Le nez au vent autour d’une avant-boite ou d’une sortie de lycée, une halte sur un banc public ou à la terrasse d’un bar, ou même une soirée entre amis, suffisent d’ailleurs à se convaincre que le cannabis ne représente plus un interdit absolu ou une marchandise rare. Aussi, comme de nombreux experts, je suis persuadée que mieux vaudrait opter pour sa légalisation. Et ce, pour plusieurs raisons qui n’ont rien à voir, j’en conviens très volontiers, avec la morale.
Réglementer et taxer la vente
La répression du trafic ou de la détention de cannabis provoque l’interpellation de dizaines de milliers de personnes/an, dont la plupart sont suivies de condamnations légères ou d’absences de poursuites. De plus, elle contribue à stigmatiser des quartiers et des populations, les premiers étant présentés comme étant « difficiles », les deuxièmes étant assimilées à de la « racaille » tirant profit d’une économie parallèle. En effet, alors que l’on identifie des revendeurs et des consommateurs dans toutes les couches de la société, seules certaines populations sont vraiment la cible des forces de l’ordre. Les contrôles, les interpellations, les mises en examen et les condamnations concernent bien plus souvent les habitants des banlieues, les pauvres et les « basanés ». La légalisation permettrait de supprimer toutes ces aberrations et ces injustices qui virent au tonneau des Danaïdes. Par ailleurs, si le cannabis et plus globalement les « drogues douces » étaient vendus par les débitants de tabac, cela présenterait plusieurs avantages. La vente réglementée et taxée, comme c’est le cas pour le tabac, contribuerait à la bonne santé économique des buralistes, réduirait le déficit de la Sécurité sociale, ruinerait les dealers, affaiblirait l’économie parallèle et libèrerait la police de tâches improductives.
Cerveaux ramollis
Certes il faudrait veiller à ce que le prix des « drogues douces » ne soit pas trop élevé afin de ne pas susciter du trafic. Certes il conviendrait de mener des campagnes d’information pour alerter sur les risques liés à des consommations trop fortes ou en des circonstances inappropriées (au volant d’une automobile par exemple). Et certes le cannabis « ramollit le cerveau ». Mais n’est-il pas vérifié que l’alcool détruit les neurones et que le tabac ravage les poumons ?
Alexandra Sereni