Leo Battesti, interviewé par Radio Alta Frequenza, expliquait à juste titre qu’il était temps, grand temps qu’en Corse nous acceptions la réalité telle qu’elle est et non telle que nous la voudrions. C’est là la seule voie pour oser affronter un avenir qui tient en grande partie à ce que nous, les Corses, voudrons le dessiner. Il me semble que dans une telle perspective les élus insulaires mais aussi les représentants de l’état, à commencer par les préfets, devraient abandonner une fois pour toutes la langue de bois. Je ne veux prendre pour preuve que les chiffres abracadabrantesques annoncés d’abord par le préfet Bouillon puis sublimés par le préfet Leclair.
Des préfets satisfaits
J’ai déjà écrit sur la question mais il me semble utile d’y revenir en ce début d’année. Le préfet Bouillon avait déclaré l’air de ne pas y toucher à quel point il était satisfait du travail des services de police et de gendarmerie qui avaient élucidé 30 % des règlements de compte liés au grand banditisme. Il avait même ajouté que la Corse tenait en la matière la première place puisque la moyenne nationale n’aurait été que de 10 %. C’était étonnant à double titre. La première raison est que l’organe répressif en Corse est la JIRS du sud est et qu’on voit mal les raisons d’un succès trois supérieurs dans une île où la délinquance est marquée par le banditisme. Or tous les spécialistes affirment que les crimes préparés par le milieu sont très durs à élucider car préparés de longue date. Grosso modo, la région marseillaise est livrée aux mêmes maux que la Corse et, que je sache, la JIRS du sud est, n’est pas plus performante ici qu’ailleurs. Et voilà que par la magie de la nouvelle année, le préfet Leclair qui mérite bien mal son patronyme, élève ce pourcentage de dix points. Nous voilà donc à 40 % d’élucidation en Corse. Deux représentants de l’état qui affirment de pareils succès, méritent réflexion. J’ai donc consulté Internet et aligner les assassinats de ces deux dernières années, années référence de nos deux fonctionnaires. Et malheureusement, ça ne colle toujours pas. Je reproduis ci-dessous cette liste afin que les lecteurs puissent se faire eux-mêmes leur opinion. Le taux de résolution est plus proche du zéro que du 40 %. Et encore, ne suis-je pas remonté au 14 mars 2006 quand fut tué Francis Castola, au 10 août 2006 date de l’assassinat de Paul Renucci, au 10 mars 2007 jour du meurtre de Robert Feliciaggi etc.
Des mensonges rassurants
Peut-être me manquent-ils des éléments qui expliquent l’extrême satisfaction de nos préfets ? Mais alors que ne les exposent-ils pas aux citoyens de manière à ce que ceux-ci partagent leur joie ? Car enfin, ces hauts fonctionnaires ne sauraient confondre des mises en examen et des condamnations, des spéculations policières et l’élucidation d’assassinats ? Je le dis sans ambages : je préférerais évidemment que les coupables de ces crimes soient arrêtés, jugés et condamnés. Notre microsociété insulaire est en train de crever à force de suicides, de meurtres, de drogues et d’accidents. La Corse est malade. Et je n’appartiens pas à cette catégorie de manichéens qui désignent toujours les coupables à l’extérieur de leur propre communauté. Mais l’état a sa part de responsabilité quand, au nom de résultats nécessaires, le préfet Bouillon devient brouillon et le préfet Leclair est totalement obscur. La vérité est que la Corse est rongée par le cancer de la violence et que personne ne parvient à stopper ce mal envahissant. L’état répond à ces défis atroces par des structures d’exception qui infantilisent les Corses en leur laissant croire une fois de plus qu’un Zorro providentiel les sauvera du mal alors que ce sont eux qui détiennent la solution. Il faut cesser d’être complaisant avec des attitudes criminelles. Le racket est à rejeter sous quelque forme qu’il se présente. Tuer son prochain n’est pas acceptable. Le vol est un ferment de désordre car il laisse croire que la force seule justifie la passation de propriété ou de pouvoir. Voilà ce qu’il convient de dire aux Corses sans tortiller du derrière ou énoncer des mensonges rassurants.
Le crime au plus haut niveau
Maintenant, il faut aussi hurler une autre vérité : le crime se situe au plus niveau. S’il est avéré que Noël Guerini a mis en coupe réglée la région Provence côte d’Azur en siphonnant des fonds publics dans la plus pure tradition mafieuse, il doit être mis hors d’état de nuire. Mais il faudra que suivent des charrettes d’élus qui ont accepté un tel système. Il faudra que Monsieur Proglio hier patron incontesté de Veolia et ami de Noël Guerini, s’explique lui qui est devenu le patron d’EDF et qui côtoie le président de la République. Aujourd’hui, nous les citoyens lambda avons l’impression que la loi et ses rigueurs s’appliquent différemment selon qu’on soit puissant ou misérable. Et ça, c’est un facteur criminogène d’une puissance autre que les imbécillités proférées par le préfet Leclair sur les dynasties criminelles corses et le puits sans fond de la voyoucratie insulaire se désespérant des résultats obtenus dont il vient tout juste de se féliciter. De tels propos sont tout simplement indignes d’un homme qui prétend combattre le crime et apporter la sérénité dans une société.
2008
10 janvier, Aullène, Khémaies Darouazi. 32 ans, tué de trois coups de fusil pour une somme d’argent. Il ne s’agit pas de grand banditisme.
2 février, Propriano, Jean-Simon Alfonsi. Abattu de plusieurs décharges de chevrotine. Non résolu
14 avril, Rapale, Pascal Gomez assassiné puis brulé semble-t-il pour une affaire de stupéfiants. Non résolu.
23 avril, Porto-Vecchio, Richard Casanova. Membre supposé du gang de la Brise de mer, abattu devant un concessionnaire automobile. Non résolu.
7 juin, Biguglia, Michel Majhoubi-Bastiani. Retrouvé tué de trois balles de chevrotine. Non résolu
16 juin, Pietrosella, Jean-Claude Colonna. Cousin de Jean-Jé Colonna, tué sur un chemin communal. Non résolu
6 juillet, Poggio-di-Venaco, Daniel Vittini, 56 ans. Membre supposé du gang de la Brise-de-mer, retrouvé dans sa voiture atteint de 4 balles. Non résolu.
8 juillet, Grosseto-Prugna, Ange-Marie Michelosi, 54 ans. Proche de Jean-Jé Colonna, tué sur un chemin communal. Non résolu
5 août, Porto-Vecchio, Cédric Andreani, 29 ans. Tué avec 2 armes à feu dans le restaurant qu’il gérait (le Tropicana). Non résolu
6 septembre, Ajaccio, Adil Hassouni. Tué par arme à feu sur un chemin près d’un terrain de football.
8 septembre, Bastia, Emmanuel Multedo. Instituteur, tué d’une balle pour des motifs mystérieux. Il ne s’agit pas de grand banditisme
25 octobre, Bastia, Nicolas Gianinni. Tué de 8 balles sur le boulevard Paoli, ancien nationaliste, avait été impliqué dans une fusillade qui avait fait quatre morts en 2000, condamné à 3 ans de prison. Non résolu
2009
3 janvier, Bastelicaccia, Thierry Castola. Fils de Francis Castola, abattu à la sortie d’un bar. Non résolu
16 janvier, Ajaccio, Jean-Marc Nicolaï, ancien maire de Casalabriva de 1995 à 2002, tué dans le hall d’entrée de son immeuble. Non résolu
29 janvier Ajaccio, Sabri Brahimi. Abattu en plein centre-ville, connu des services de police. Réputé proche du Petit Bar. Non résolu
1er février, Bastia, Ange-Gabriel Lekikot. Tué d’une balle dans la tête dans son appartement.
10 février, Vescovato, Pierre-Marie Santucci, membre supposé du gang de la Brise de mer, tué d’une balle sur un parking. Non résolu.
10 avril, Ajaccio, Nicolas Salini et Jean-Noël Dettori exécutés par plusieurs armes de guerre. Selon des sources proches de l’enquête, cette opération visait Francis Castola qui échappera 2 mois plus tard à une nouvelle tentative d’assassinat. Non résolu.
17 avril, Lucciana, André Rogliano et Alexandre Rogliano, assassinés sur la route de l’aéroport de Bastia. Non résolu.
15 mai, Sartène, Jean-Felix Maludrottu, tué à coups de fusil dans un bar. Non résolu
4 juin, Alata, Pierre Manzaggi, tué d’une balle au thorax tirée à distance. Non résolu
14 juin, Mezzavia, Damien Gheraldi, tué par balles, âgé de 24 ans, connu des services de police pour des affaires de stupéfiants. Non résolu
26 juin, Ajaccio, Noël Andréani, renversé par une voiture puis achevé de quatre balles à bout portant. Non résolu.
14 juillet, Sartène, Cyril Lucchini, restaurateur tué par balles au centre-ville de Sartène. Non résolu.
16 juillet, Olmeto, Martin Mervoyer, touriste de 19 ans, transpercé d’une balle de 11.43 sur le parking de la boite de nuit Le Paradi’s. Il ne s’agit pas de grand banditisme.
29 août, Porto-Vecchio, Jacques Bravard, âgé de 54 ans, tué par balle à la fermeture d’une discothèque. Le gérant de celle-ci est blessé. Résolu me semble-t-il.
8 septembre, Levie, Jean-Toussaint Giorgi, entendu dans le cadre d’une enquête sur le cercle de jeux parisien Concorde de Paul Lantieri, abattu de deux coups de fusil au thorax devant son entreprise. Non résolu.
2 novembre, Corte, José Joachim Carvalho, ouvrier portugais, tué à l’arme blanche au cours d’une rixe. N’entre pas dans la catégorie du grand banditisme
15 novembre, Penta-di-Casinca, Francis Guazzelli, tué par balles (étuis de 9 mm et plombs de chasse) au volant de son 4X4, pilier du Gang de la brise de mer. Non résolu.
16 novembre, San-Giuliano, Msarhati el Hassan, abattu d’une balle dans la tête avec une arme de chasse. Ne fait pas partie du grand banditisme
19 novembre, Calenzana, Jacques Butafoghi, figure du banditisme de la Balagne, criblé d’une trentaine de balles à bord d’un véhicule. Non résolu
2010
24 janvier, Ajaccio, Joël de la Foata, gérant de bar. Un de ses frères a déjà été tué en 2006, un autre avait échappé de justesse à un assassinat en 2009.Non résolu
5 février, Corte, Antoine Casanova, tué d’une balle dans la tête à la sortie d’une soirée étudiante. N’appartient pas à la catégorie du grand banditisme
25 février, Monticello, Benoît Grisoni, membre présumé du Gang de la Brise de mer, proche de Richard Casanova, assassiné par trois tirs de fusil de chasse de calibre. Non résolu.
19 avril, Sartène, Dominique Michelangeli. Non résolu
19 avril, Propriano, Charles Giacomoni, restaurateur. Non résolu
11 août, Bastelica, Ange Porri, Abattu suite à une altercation devant un bar.
6 septembre, Sartene, Jacques Ettori, entrepreneur, il tentait alors d’abattre Pierre Balenci qui a eu le temps de riposter et l’a touché à 3 reprises. Pierre Balenci grièvement blessé, reçoit 5 balles de 9mm. Résolu en flagrant délit.
7 septembre, Porto-Vecchio, Joseph-Antoine Demasi, 50 ans, loueur de bateaux, proche de Francis Mariani (Brise de mer), mis en examen en 2004 pour l’assassinat de Nicolas Montigny et acquitté. Non résolu.
18 octobre, Ajaccio, Antoine Nivaggioni, ancien militant du MPA. Non résolu.
19 novembre, Olmiccia, Eric Recco, tué par un proche sur un chemin communal, le neveu de Charles Giacomoni, abattu le 19 avril 2010 à Propriano. N’appartient pas à la catégorie du grand banditisme.
2 décembre, Sartène, Claude Peretti, médecin assassiné devant son cabinet médical. Une douille de petit calibre retrouvée à proximité. Non résolu.
5 décembre, Biguglia, Florian Costa, neveu de Maurice Costa et de Dominique Costa, membres supposés du gang de la brise de mer, pris dans un guet-apens dans un lotissement. Il est abattu devant ses deux enfants en bas âge. Non résolu.
16 décembre, Prunelli-di-Fiumorbo, Marc Paolini, expert automobile. Non résolu.
Gabriel Xavier Culioli