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Au défi de délurer Bastia

dimanche 7 juillet 2013, par Journal de la Corse

Jean Zuccarelli

Le Bastia des jeunes, des esprits entreprenants et des nouveaux arrivants n’exige pas toutes les ruptures. Mais il aspire à une ville qui ose davantage. La fédération du Parti radical de gauche a désigné celui qui portera ses couleurs en qualité de tête de liste, en mars 1014, lors des élections municipales de Bastia. Seul candidat après le retrait de François Tatti, Jean Zuccarelli a obtenu 315 suffrages (sur 364 inscrits). Sur son blog, ce dernier a sobrement commenté son investiture : « Les militants de mon parti, par un vote massif et indiscutable, m’ont témoigné leur confiance. Je tâcherai d’en être digne et les en remercie chaleureusement. Par cette large adhésion, ils ont signifié leur détermination à s’engager activement dans la bataille des municipales de mars 2014, à Bastia ». Il a aussi indiqué les étapes qui lui restaient à franchir pour se donner toutes les chances de l’emporter : « Il importe à présent de créer les conditions de l’union avec les partis partenaires du PRG et bâtir ensemble un beau projet pour notre ville, au service de tous les Bastiais. Plus que jamais, l’union est un devoir, afin de poursuivre l’action engagée par la majorité municipale, tout en insufflant une nouvelle dynamique. » En se gardant de plastronner et en se fixant pour objectifs

d’unir la gauche, d’assurer une continuité et d’insuffler une nouvelle dynamique, Jean Zuccarelli arbore une bonne posture et adopte un positionnement pertinent. D’abord, il replace son succès à sa juste valeur : une légitimité reconnue et validée par les adhérents du PRG mais qui reste contestée par une partie des sympathisants selon une proportion difficile à évaluer. Ensuite, en assurant ne vouloir renier ni le fond politique, ni l’action de près de 50 ans de gestion municipale, tout en exprimant la détermination d’imprimer sa propre marque, il se met en situation de tenir compte des aspirations composites et pouvant apparaître contradictoires d’une majorité de Bastiaises et de Bastiais. En effet, si la plupart des habitants de Bastia reconnaissent volontiers que beaucoup a été fait, ils n’en réclament pas moins du changement.

La recette reste valable

Le changement demandé n’est pas forcément de voir s’effacer une « dynastie ». Le rejet d’un passage de témoin d’un Zuccarelli à l’autre est certes exprimé par une frange de l’électorat, y compris au sein de la majorité municipale. Il est aussi souvent évoqué par les opposants. Mais il ne constitue pas un facteur clé de réussite ou d’échec. D’ailleurs, les éventuels adversaires de Jean Zuccarelli feraient bien de se méfier de la posture anti dynastique car, outre que certains d’entre eux ne sont pas à l’abri d’un effet boomerang, elle peut s’avérer contreproductive en créditant Jean Zuccarelli d’une légitimité à se réclamer être le seul garant d’un bilan plus que convenable. Les mêmes seraient aussi bien inspirés d’en finir avec l’ironie consistant à faire passer Jean Zuccarelli comme un « fraichement débarqué » de Paris. On ne peut à la fois stigmatiser la démarche de ce dernier et regretter que les Corses d’ailleurs se désintéressent de leur île ou répugnent à y revenir avant la retraite. Le changement n’est pas non plus forcément identifié à une remise en cause du leadership radical de gauche ou à un refus de reconduire une liste d’union de la gauche. Au fond, ces configurations politiques conviennent très bien à une société bastiaise qui équilibre son vivre ensemble entre le conservatisme des notables, l’esprit élitiste de « cercles éclairés  » et le caractère frondeur d’une grande proportion de la population. Le « compromis historique » mis en oeuvre par Jean Zuccarelli à la fin des années 1960 est loin d’être dépassé. Une gauche des notables aux commandes pour fixer un cap et rassurer, des communistes au charbon pour solidariser et canaliser, des socialistes et des entrants modérés aux balcons pour innover et élargir, la recette reste bonne. Même s’il conviendrait sans doute de faire un peu plus de place à la troisième composante. Avec le retrait d’Emile Zuccarelli, pour beaucoup de Bastiais, la question est moins de savoir s’il convient de changer de recette que de s’assurer que le successeur proposé sera à la hauteur.

Oser une vision moins « sérieuse »

Alors quel changement devrait proposer Jean Zuccarelli pour fédérer et l’emporter ? D’abord, tout en en assurant qu’il agira dans la continuité d’une modération de bon aloi, il lui faudrait permettre l’émergence de « têtes nouvelles » incarnant sa volonté d’être luimême. Ensuite, il gagnerait sans doute à ouvrir les vannes du débat public et, aussi, à s’engager fortement à recevoir 5 sur 5 l’aspiration des citoyens à participer à la gestion de la cité en tant qu’interlocuteurs et acteurs reconnus. Il trouverait aussi sans doute avantage à développer une vision de Bastia moins « sérieuse » et moins convaincue que le progrès et le bien-être sont automatiquement présents dans la rigueur de la gestion, l’assurance de la technocratie communale, la culture un peu trop conventionnelle des élites et les dispositifs de solidarité sociale aussi efficaces soient-ils. Le Bastia des jeunes, des esprits entreprenants et des nouveaux arrivants n’exige pas forcément toutes les ruptures. Il reconnaît volontiers que le socle de la prospérité et du bonheur existe. Mais il aspire à une ville plus délurée qui affiche l’ambition de devenir un véritable pôle économique et technologique, qui assure la sécurité de ses habitants, qui préserve son environnement naturel, qui valorise son patrimoine architectural même si cela semble devoir coûter cher pour de vieilles pierres, qui soit aussi ludique que cultivée, qui ose aussi affirmer sa corsitude. Un Bastia qui en somme ne renie rien et ose davantage.

Pierre Corsi

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